Présenté dimanche à la salle du Théâtre de l’Opéra à la Cité de la culture Chedly Klibi, le long-métrage “My Father’s Shadow” (L’Ombre de mon père) d’Akinola Davies (Nigeria) a été découvert par le public dans le cadre de la compétition officielle des longs métrages de fiction de la 36ème édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC).

D’une durée de 93 minutes, le film marque un tournant pour le cinéma nigérian : il est le premier du pays à avoir été sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes, où il a été présenté en 2025 dans la section “Un Certain Regard” et distingué par une mention spéciale Caméra d’Or.

A la croisée de l’autobiographie et du politique, le film raconte l’histoire d’un père et de ses deux enfants confrontés à l’absence d’un homme absorbé par le travail et la nécessité de subvenir aux besoins de sa famille. Une journée passée ensemble dans la capitale nigériane, Lagos, se transforme, avec la mort du père, en un jour d’adieu, ponctué de moments de divertissement et de confidences, mais aussi de tensions familiales, sur fond de crises politiques et sociales, que traverse le Nigeria en 1993.

Cette période charnière, marquée par l’espoir d’une transition démocratique brutalement brisé par l’annulation des élections présidentielles, irrigue le récit et révèle l’amalgame entre les trajectoires individuelles et l’histoire collective. Le film met en lumière les paradoxes d’un pays riche en ressources mais miné par les pénuries, où les réalités sociales et économiques limitent jusqu’aux gestes les plus simples de la vie familiale, et donnent à la vie privée une portée politique.

Porté par l’interprétation nuancée de Ṣọpẹ́ Dìrsù, le père apparaît comme une figure fragile et complexe, ni héroïque ni autoritaire, suspendue entre mémoire, responsabilités et désillusions. A travers le regard des enfants, “l’ombre du père” devient le symbole d’une présence à la fois tangible et fuyante.

“My Father’s Shadow” capte une ville éprouvante, saturée de mouvements, de visages et de silences, reflet du malaise social et politique. Le rythme mesuré, l’attention portée aux détails et aux non-dits, ainsi que l’usage d’une caméra sur l’épaule, renforcent la dimension introspective de l’œuvre.

En interrogeant la paternité et la mémoire, le film zoome sur la manière dont les traumatismes historiques marquent les individus, y compris les plus jeunes. A travers cette chronique familiale inscrite dans l’histoire nigériane, Akinola Davies livre ainsi un regard sensible sur la dignité humaine, la résilience et le désir d’un avenir plus juste.