Un décret-loi passé sous les radars de médias nationaux plus soucieux de buzz et faits divers politiques et autres que d’économie alors que c’est bien parce qu’il y a encore de l’économie qu’ils peuvent survivre dans un marasme sociopolitique sans précédent ! Un décret-loi qui, avec promulgation des textes d’application, aurait pu booster l’économie et donner des signaux positifs aux nationaux et internationaux, mais qui, sans ces textes d’application, n’a aucune utilité !

Malheureusement, la Tunisie est condamnée à une stagnation économique où se conjugue la faiblesse de l’investissement à celle de la productivité et où la perte d’emplois est plus probable que la création de nouveaux postes ! D’après les données de l’INS, le taux de chômage au premier trimestre 2023, s’est établi à 16,1 % contre 15,2 % au quatrième trimestre de l’année 2022.

Est-ce dû à l’immobilisme et au laxisme de la haute administration publique qui se trompe de priorités et qui n’a pas la réactivité nécessaire ? Et pour cause, le décret-loi n°2022-68 du 19 octobre 2022, (8 mois depuis la publication sur le JORT) édictant les dispositions spéciales pour l’amélioration du climat d’investissement et de l’efficacité de la réalisation des projets publics et privés, n’est pas entré en vigueur à ce jour.

C’est bien la meilleure loi économique signée par Kais Saied, président de la République depuis son investiture. Malheureusement, il y a un grand déphasage entre ceux qui ont promulgué le décret-loi signé par le président de la République assimilable à un « corps législatif » en 2022 et le gouvernement en tant que pouvoir exécutif.

Pour être applicable, le décret-loi nécessitait 6 ou 7 décrets d’application et quelques dizaines d’arrêtés, or il n’y a eu aucun décret ou arrêté, et par conséquent cet excellent décret est resté lettre morte déplore un ancien conseiller économique à la présidence du Gouvernement.

Pire, il est tombé aux oubliettes et même les membres du gouvernement n’en parlent pas alors que l’on aurait pu constituer une commission ad hoc chargée de suivre l’élaboration des décrets d’application, d’accélérer leur publication et de veiller à la concrétisation sur terrain des dispositions prévues par le décret-loi présidentiel.

Pour précision, le décret, en question, met en place le cadre d’investissement nécessaire dans les secteurs industriels et agricoles, dans l’habitat et la promotion immobilière, dans les hautes technologies et les services

Il prévoit dans son article 3 la création de la commission supérieure pour l’accélération de la réalisation des projets publics présidée par le Chef du Gouvernement avec pour mission de trouver « les solutions appropriées pour accélérer la réalisation des projets publics et décider des mesures permettant de surmonter les problématiques rencontrées ». Il prévoit également un secrétariat permanent de la “Commission supérieure pour l’accélération de la réalisation des projets publics sise au ministère de l’économie et de la planification”.

Dans l’article 5, il y a exemption du contrôle préalable des commissions de contrôle des marchés publics quand il s’agit de marchés financés par des organismes et institutions de financements extérieurs. Dans l’article 12, on parle d’une préférence de 20% du prix globale du marché au profit des offres des opérateurs économiques tunisiens au titre des marchés d’études, travaux et fourniture de biens et services par rapport aux offres des opérateurs économiques étrangers. Il est aussi accordé une préférence aux produits d’origine tunisienne dans les marchés de fourniture de biens par rapport à tous les autres produits quel qu’en soit l’origine à condition qu’ils soient de qualité égale sans que les prix des produits tunisiens ne dépassent ceux de leurs homologues étrangers de plus de 20%.

Les articles du décret-loi 2022-68 du 19 octobre, au nombre de 40 abordent toutes les problématiques relatives à l’investissement et au cadre réglementaire. Ils auraient pu donner un sérieux coup de pouce à la relance économique si seulement, ils avaient été dotés des textes d’application.

Maintenant, s’agissant d’un projet aussi important, des questions se posent et méritent réponse :

  • Le décret-loi signé par le Président a bien été proposé par le gouvernement Bouden et par conséquent, c’est à ce gouvernement que revient la responsabilité de le doter de ses textes d’application, afin qu’il soit rapidement applicable et d’en récolter le mérite. Alors qu’est ce qui a bloqué ?
  • L’Administration tunisienne souffrirait-elle d’aridité en matière de compétences juridiques pour ne pas parachever un décret aussi important ?
  • Y’aurait-il une réticence de la part de certains hauts commis de l’Etat quant à la mise en application des dispositions prévues par le décret-loi pour des raisons que nous ignorons ?

Il est évident que les réponses à ces questions pourraient nous éclairer quant au devenir de ce décret-loi et s’il va être appliqué ou si nous devons attendre que l’on propose d’autres au parlement pour discussion et adoption !

Pendant ce temps, l’économie nationale poursuivra son long chemin de croix !

Texte complet du Décret-Loi n°68-2022

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