A l’occasion du Sommet mondial des arts et de la culture, l’UNESCO a publié, jeudi 4 mai, un rapport qui appelle les Etats à renforcer la protection des professionnels de la culture dans les situations de crise. Il recommande notamment la mise en place de mécanismes de suivi et de politiques d’aide d’urgence pour les artistes, peut-on lire dans un communiqué de l’organisme onusien.

Un nouvel investissement d’un million de dollars pour financer des projets soutenant la liberté artistique dans plus de vingt-cinq pays, a été dévoilé par l’organisation onusienne.

Intitulé ” Défendre les voix créatives : artistes en situation d’urgence, apprendre de la sécurité des journalistes “, le rapport 2023, de 122 pages, est disponible sur le site l’Unesco. Cette publication a été soutenue par le programme UNESCO-Aschberg pour les artistes et les professionnels de la culture et par le programme multidonateurs de l’UNESCO sur la liberté d’expression et la sécurité des journalistes.

La nouvelle publication souligne que les situations de crise – telles que les conflits armés, les désordres politiques ou les catastrophes naturelles – exacerbent les vulnérabilités déjà existantes des professionnels de la culture.

Les artistes se voient confrontés à de nombreuses menaces, dont le harcèlement en ligne et hors ligne, la perte soudaine de revenus, les poursuites judiciaires, la violence, la censure, jusqu’au fait d’être réduit au silence, et ils n’ont souvent pas les filets de sécurité minimaux en raison de la précarité de leur statut.

Le rapport recommande que la communauté internationale développe une assistance sur mesure pour protéger et promouvoir la liberté artistique lors des situations d’urgence.

Cette assistance serait basée sur l’expérience acquise par l’UNESCO dans la protection des artistes durant des conflits – comme récemment en Irak, en Ukraine ou encore au Yémen. Elle pourrait aussi s’appuyer sur les bonnes pratiques constatées pour la liberté de la presse – pour laquelle un plan d’action dédié est mis en œuvre par l’Organisation depuis plus de dix ans.

Le rapport propose notamment un suivi par les Nations Unies de la liberté artistique en situation d’urgence, reconnaissant les artistes comme un groupe vulnérable qui nécessite une attention particulière.

Un plan d’actions collaboratif pour la sécurité des artistes, la protection de leurs œuvres et des lieux culturels, en situation d’urgence et la formation des acteurs judiciaires et juridiques pour mieux protéger les artistes par le biais d’enquêtes et de poursuites, sont également au cœur de ce rapport.

Les exemples récents ont démontré l’importance de mesures d’urgence concrètes, telles que l’organisation de formations sur la liberté artistique, la mise en place de résidences artistiques et d’aides financières temporaires pour les professionnels de la culture, la délivrance accélérée de visas, ou encore de prioriser les artistes dans les plans d’évacuation et de réinstallation.

Un million de dollars pour mieux protéger le statut d’artiste

Afin d’améliorer la résilience des artistes face aux situations d’urgence, le rapport recommande également d’établir sans attendre des cadres réglementaires renforcés, avec une meilleure reconnaissance juridique du statut de l’artiste.

Dans ce domaine, l’UNESCO annonce qu’elle va mobiliser un million de dollars supplémentaires – issus du Programme UNESCO-Aschberg – pour financer des projets dans plus de vingt-cinq pays. Treize d’entre eux seront menés par des gouvernements, les douze autres par des ONG.

Les gouvernements bénéficieront d’une assistance technique pour élaborer des lois, des réglementations et des politiques en faveur de la liberté artistique, d’une rémunération décente et d’un statut amélioré des artistes et professionnels de la culture.

Les pays bénéficiaires seront l’Argentine, le Chili, la Côte d’Ivoire, Djibouti, le Ghana, le Kenya, le Malawi, la Mongolie, la Namibie, le Niger, le Sénégal et le Zimbabwe ; ainsi que les pays membres du CCCE-SICA (Bélize, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama et République dominicaine).

Les organisations de la société civile bénéficieront d’une aide financière pour entreprendre des actions de formation, de plaidoyer, de suivis et de recherche sur la liberté artistique et le statut d’artiste. L’assistance sera fournie à des ONG dans divers pays (Géorgie, Brésil, Cambodge, Kenya, Malawi, Afrique du Sud, Ouganda, Zambie, Ethiopie, Angola, Togo, Rwanda, Yémen, Soudan et Soudan du Sud).

Selon le Rapport mondial 2022 de l’UNESCO “Re|penser les politiques en faveur de la créativité”, seuls 27 % des 152 Etats parties à la Convention de l’UNESCO de 2005 sur la diversité des expressions culturelles ont développé ou soutenu des espaces sûrs pour les artistes. Un peu plus de la moitié des parties à la Convention de 2005 (53 %) disposent d’organes indépendants chargés de recevoir les plaintes ou de surveiller les violations et les restrictions de la liberté artistique, indique le rapport.

Selon le rapport 2021 de Freemuse pour les artistes et les professionnels de la culture, plus de 1 200 violations de la liberté artistique ont été documentées dans le monde, 39 artistes auraient été tués dans 12 pays -un nombre record-, et 119 artistes ont été emprisonnés dans 24 pays.

Le 9e Sommet mondial sur les arts et la culture est organisé à Stockholm, en Suède, du 3 au 5 mai 2023, par la Fédération internationale des conseils artistiques et des agences culturelles (IFACCA) en partenariat avec l’un de ses membres nationaux.

Des experts du secteur culturel issus du monde entier prennent part à ce rendez-vous d’envergure dont la Tunisienne Ouafa Belgacem, fondatrice et PDG du réseau ” Culture Funding Watch. Elle participe à deux panels qui s’intitulent ” Conception collective : L’avenir de la liberté artistique ” et ” Liberté d’expression à l’ère des réseaux sociaux “.

Ce sommet, dont l’ouverture officielle a eu lieu le 2 mai, réunit ” des décideurs politiques, des chercheurs, des gestionnaires et des praticiens de premier plan des arts, de la culture et des secteurs connexes du monde entier pour explorer la liberté artistique en tant que pilier fondamental de la politique culturelle et examiner comment nous pouvons – et pourquoi nous devrions – sauvegarder la liberté artistique “.