Les pays de la région de l’Afrique du Nord dont la Tunisie risquent de se heurter à un ralentissement de leurs échanges commerciaux, notamment avec les pays européens, en raison du contexte inflationniste international marqué par la guerre en Ukraine, estime Melanie Laloum, économiste en chef à la Chambre de commerce internationale (ICC Paris).

“Une remontée très rapide des taux directeurs opérée par les Banques centrales européennes pourrait déclencher des dépréciations monétaires dans les pays de cette région, en particulier la Tunisie, le Maroc et l’Egypte”, a-t-elle souligné lors de la 2e édition des tables rondes ” Africa Bussiness Talks ” organisées jeudi 15 décembre 2022 par le Conseil Bancaire et Financier (CBF – Tunisie), en partenariat avec l’ICC Paris.

Participant en ligne à cette rencontre portant sur la thématique “Quels outils pour accélérer le développement économique en Afrique : Le financement du commerce africain – le modèle tunisien”, l’experte a fait savoir que ce resserrement monétaire effectué par les pays européens, qui restent vulnérables aux pénuries de gaz et aux augmentations des prix des produits énergétiques provoquées par la guerre, va encore exacerber l’inflation et le fardeau de la dette dans la région de l’Afrique du Nord.

Selon elle, ce resserrement va également provoquer une fuite des capitaux qui peut être assez “rapide” et “violente”, entraînant ainsi des dépréciations monétaires pour l’ensemble des pays de la région qui demeurent “très dépendants” de leurs partenaires commerciaux européens.

“La guerre en Ukraine a chamboulé la reprise économique en Afrique du nord, surtout en Tunisie et en Lybie qui n’ont pas encore réussi à retrouver leur niveau de PIB d’avant la pandémie de Covid-19”, a déclaré l’experte. Et d’ajouter que les pays importateurs comme la Tunisie, laquelle importe plus de 40% de son céréale de l’Ukraine et de la Russie, ont beaucoup souffert de cette guerre qui impacté leur capacité d’importation et leurs réserves de change.

Face à ce contexte, a-t-elle dit, les entreprises de la région vont devoir évoluer dans un environnement “très incertain” et “volatile” et rencontreront de difficultés à accéder à un financement domestique et extérieur.

La ZLECAf: une solution pour accélérer le développement économique de l’Afrique

Les panelistes participant à cette rencontre ont plaidé en faveur de la mise en œuvre de l’accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui est de nature à accélérer le développement économique du continent africain.

En effet, la ZLECAf pourrait stimuler le commerce intra-africain jusqu’à 33% et réduire le déficit commercial du continent de 51%, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Pour Fakhri Bouzaien, représentant du ministère du Commerce et de la Promotion des exportations, les échanges intra-africains sont les plus faibles au monde dans la mesure où ils sont estimés entre 15% et 18%.

Il a, par ailleurs, souligné que la Tunisie dont le premier partenaire commercial est l’Europe, œuvre actuellement à développer ses échanges avec les pays africains, notamment ceux de l’Afrique subsaharienne.

D’après lui, les échanges commerciaux entre la Tunisie et cette région du monde représentent moins de 3% du volume global des exportations tunisiennes, ajoutant que l’objectif est de porter ce chiffre à 5% d’ici 2025.

Il a, dans le même contexte, fait remarqué que cinq secteurs prioritaires ont été identifiés en matière d’exportation en Afrique, et ce dans le cadre de l’accord de la ZLECAf.

Il s’agit des secteurs du textile et habillement, des composantes automobiles, des produits pharmaceutiques et des TIC, a-t-il indiqué, précisant que les secteurs mentionnés jouissent d’un véritable potentiel d’exportation. Et de rappeler que la Tunisie a été sélectionnée parmi les huit premiers pays africains qui se lanceront dans les mise en œuvre de l’accord de la ZLECAf, ratifié en juillet 2020.