Le Prix Ibn Khaldoun-Senghor 2022 a été attribué au Français Jean-Baptiste Brenet pour sa traduction de l’arabe médiéval au français de l’ouvrage du philosophe Averroès (Ibn Rochd) ” L’intellect – Compendium du livre De l’âme “, publié aux éditions Vrin (France, 2022).

Le lauréat de cette quinzième édition du Prix Ibn Khaldoun-Senghor a été dévoilé à l’occasion du XVIIIe Sommet de la Francophonie organisé les 19 et 20 novembre sur l’île de Djerba, en Tunisie.

Doté de 10 000 euros (€), le Prix lui sera remis le 12 décembre 2022 au siège de l’OIF à Paris (France).

Jean-Baptiste Brenet succède ainsi à son compatriote Richard Jacquemond, lauréat de l’édition 2021 pour sa traduction de l’arabe vers le français de l’ouvrage “Sur les traces d’Enayat Zayyat ” de l’Egyptienne Iman Mersal (Actes Sud, 2021, Paris).

Cette distinction annuelle qui vise la promotion de la diversité culturelle et linguistique et encourage toutes formes d’échanges culturels entre le monde arabe et l’espace francophone est décernée par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO).

Dans un entretien publié sur la page de l’OIF sur les réseaux sociaux, Jean-Baptiste Brenet a déclaré que ce prix compte beaucoup pour lui “parce que c’est un prix traduction et que la traduction est essentielle à mes yeux”, insistant sur le rôle crucial de “la traduction comme décloisonnement, ouverture, mise en commun et communication”.

“L’Arabe est une immense langue, par sa richesse sa beauté et son histoire “, a estimé ce grand spécialiste de l’œuvre d’Averroès, érudit musulman de l’époque andalouse. “L’Arabe est une langue de philosophie, a-t-il dit, et l’ouvrage traduit est “un texte technique et philosophique difficile”.

Il a affirmé que “le français en a hérité lexicalement et intellectuellement… le français, qui procédait en grande partie du latin, vient de ce que la pensée arabe aura fourni à l’époque dite médiévale. Sans ce ferment de la pensée arabe, l’Europe occidentale latine et la culture française n’auraient pas pris le visage qu’elle a pris”.

Autour de son choix de traduire Averroès, il l’a qualifié d'”un penseur arabe qui est une figure de la pensée mondiale”. Il a rappelé son vrai nom, Ibn Rochd, disant que c’est un héritier de la tradition arabe mais aussi un personnage qui est au carrefour de plusieurs cultures : la culture arabe, la culture hébraïque et la culture latine”.

“Sans lui (Averroès), l’Europe n’aurait pas eu la culture qu’elle a eue parce qu’une grande partie de ses œuvres traduites à l’époque médiévale en ont fait le commentateur d’Aristote par excellence, comme on l’appelle. Tous les Latins, qu’ils étaient ou non ses adversaires, l’ont lu et ont bénéficié de son travail d’exégète”.

L’auteur dit avoir été séduit par la question de l’humanisme en général, et l’humanisme arabe, en particulier, celui que véhicule le texte d’Ibn Rochd.

Pour le jury, l’ouvrage de Jean-Baptiste Brenet: ” fait l’objet d’une grande maîtrise de l’œuvre – un texte d’ailleurs très méconnu du public même philosophique “, lit-on dans le communiqué publié sur le site de l’OIF.

Ce texte réunit à la fois “la connaissance philosophique, l’érudition philologique, l’art raffiné de la traduction et permet de transmettre au lecteur francophone une page importante de l’histoire de la philosophie arabe”. Jean-Baptiste Brenet inscrit son ouvrage dans “l’héritage oublié de l’Europe”. Il permet ainsi à la pensée arabe d’être mieux connue et d’attirer de “nouveaux publics”.

Le jury de cette édition, le même que celui de 2021, est composé de Bassam Baraké, Zahida Darwiche-Jabbour (Liban), Fayza El Qasem (France), Hana Subhi (France et Irak) et Mohammed Mahjoub (Tunisie).

“AVERROES (IBN RU?D) L’intellect Compendium du livre De l’âme” est un opus de 320 pages paru en juin 2022. ” Le Compendium du livre De l’âme d’Aristote (Muûtaar Kitaâb al-nafs) compte parmi les premières œuvres d’exégète d’Averroès. On en traduit ici le chapitre sur l’intellect qui contient l’essentiel des questions sur lesquelles le Commentateur reviendra dans toute son œuvre. Ce qui l’occupe est d’établir si l’acte de l’intellect humain est permanent ou bien intermittent, et plus largement de savoir si notre puissance rationnelle est elle-même éternelle ou bien engendrée et corruptible “, peut-on lire dans la présentation de l’auteur.

Né en 1972 à Marseille, Jean-Baptiste Brenet est professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne où il enseigne la philosophie arabe. Traducteur de l’arabe et du latin, il est – outre son travail universitaire – l’auteur de plusieurs essais qui mêlent pensée médiévale et philosophie moderne. Averroès est au centre de plusieurs de ses anciens ouvrages dont ” Transferts du sujet. La noétique d’Averroès selon Jean de Jandun ” (2003), ” Les possibilités de jonction. Averroès-Thomas Wylton ” (2013), ” Averroès l’inquiétant ” (2015), ” Je fantasme. Averroès et l’espace potentiel, Lagrasse ” (2017).

Créé en 2007, sous l’appellation Prix de la traduction en sciences humaines Ibn Khaldoun et Léopold Sédar Senghor, du Français vers l’Arabe et de l’Arabe vers le Français, ce prix a été baptisé en 2018, Prix de la traduction littéraire et en sciences humaines et sociales Ibn Khaldoun et Léopold Sédar Senghor.

Il consiste en un diplôme signé par la Secrétaire générale de la Francophonie et par le Directeur général de l’ALECSO, une bourse d’un montant de 10 000 Euros et la promotion de la traduction primée et de son traducteur jusqu’à l’édition suivante du Prix.