Pour faire face au nouveau choc d’approvisionnement en matières premières, notamment les céréales et l’énergie, provoqué par le conflit russo-ukrainien, la voie de sortie pour la Tunisie, qui subit des pressions budgétaires et ne dispose pas de ressources supplémentaires pour des programmes de résilience ambitieux, réside dans une meilleure coordination nationale et dans l’élaboration de programmes régionaux.

Le pays pourrait, en ce qui concerne le gaz, bénéficier de l’augmentation (éventuelle) de l’exportation algérienne à travers le territoire national et la hausse de la production de gaz liquéfié durant les prochaines années. C’est ce qu’indique une note de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) rendue publique jeudi 15 avril 2022.

“La Tunisie devrait se concentrer sur la préparation de la nouvelle saison céréalière par l’encouragement des agriculteurs en doublant les prix à l’achat pour la saison à venir et la mise en place d’une ligne de crédit de 100 millions de dinars (MDT) pour les cultures céréalières”, suggère l’IACE dans sa note qui parle de quatre tendances de l’après-conflit : le réchauffement de la stagflation, le Nouvel ordre mondial, une nouvelle mondialisation et la résilience inclusive.

“Ces efforts devront s’accompagner d’une assistance technique principalement pour les petits agriculteurs et la mise à disposition des semences adéquates”.

Intitulée “L’après-guerre, les nouvelles tendances”, cette note souligne qu’à défaut d’un soutien direct du gouvernement pour sécuriser leurs approvisionnements, les entreprises tunisiennes devraient explorer des nouveaux modes d’organisation, de groupements sous forme de centrales d’achat, etc. pour consolider leurs positions et atténuer l’impact de la crise.

“Parallèlement, il importe d’adopter les mesures à même d’améliorer davantage le climat des affaires et de réduire les distorsions et les obstacles ; il s’agit particulièrement de la réduction des coûts liés à la logistique (portuaire…), la simplification des procédures administratives, l’accélération des procédures douanières, l’amélioration de l’accès au financement”.

Pour la Tunisie, la résilience ne peut pas être gérée ou assurée uniquement par les interventions du budget de l’Etat. Elle passera aussi par une réadaptation des chaînes de production, une réduction de la dépendance étrangère et une recherche de solutions de substitution soit en termes de consommation ou de capacités ou procédés de production.

La flambée des prix pourrait impacter plusieurs pays

L’IACE rappelle à cet effet qu’en termes de produits alimentaires, la Russie et l’Ukraine sont respectivement le premier et le cinquième exportateur de blé au monde. Les deux pays figurent également parmi les cinq plus grands exportateurs de céréales dans le monde.

Selon une note de la FAO, les prix augmenteraient de 8,7 % dans un scénario modéré et de 21,5 % dans un scénario pessimiste.

En effet, plus de 30 économies dépendent des exportations en provenance de la Russie et de l’Ukraine qui représentent près de 30 % de leurs besoins d’importation de blé.

Une approche plus pragmatique est recommandée

L’économie tunisienne est fortement dépendante de son environnement extérieur, soit pour l’approvisionnement ou pour les exportations, en raison d’un écosystème faiblement intégré.

Face à ce nouvel ordre mondial, la Tunisie devrait, selon la note de l’IACE, repenser ses relations avec son premier partenaire commercial, l’Union européenne. Elle devrait également repenser ses relations avec son voisinage proche, particulièrement avec l’Algérie et la Libye, selon une approche plus pragmatique aussi bien sur le plan économique que politique.

Le défi pour la Tunisie est la réingénierie des accords commerciaux en vigueur, notamment avec l’Europe, l’Algérie, la Chine, les Etats-Unis et la Turquie, avec comme objectif le renforcement de l’intégration régionale.

La Banque centrale de Tunisie (BCT) pourrait envisager d’inclure le rouble et le yuan dans son panier de devises, permettant ainsi aux opérateurs tunisiens principalement du secteur touristique d’accepter les paiements dans ces deux monnaies.

“Ces fonds permettraient le paiement de nos achats de matières premières de ces deux pays et faciliter en plus l’attrait de leurs touristes dont les destinations à l’étranger sont de plus en plus limitées”.

Une résilience inclusive

En Tunisie, l’activation du dialogue social multipartite et la mise en place du Conseil supérieur du développement social sont des atouts pour une meilleure résilience inclusive. Ainsi, grâce au dynamisme de sa société civile, la Tunisie pourrait prétendre à un avenir meilleur.

Toujours l’IACE dans sa note, les objectifs en termes de développement durable, d’environnement, d’écologie seront des sujets de controverse…

La gouvernance des ressources hydriques et l’utilisation des terres arables seront certainement revues pour assurer une meilleure optimisation et une utilisation maximale.

“La Tunisie fait partie des premiers pays concernés par l’optimisation de ces ressources et l’utilisation de ces terres agricoles inexploitées pour des considérations administratives et légales”, estiment les auteurs du document.