L’assaut russe contre l’Ukraine a-t-il pour seul mobile l’expansion pan impériale de la Russie ? Ne faut-il pas chercher la raison dans ses retombées économiques de ce conflit. Curieusement, l’UE serait dans la ligne de mire. Quelle part de vérité ?

Ce qui devait arriver a fini par se produire. Et sans héroïsme aucun, la Russie est passée à l’acte en ouvrant les hostilités. Le plan “d’agression“ contre l’Ukraine a été déclenché, dans la matinée de jeudi 24 février 2022 à l’aube, le tout dans un cadre d’une guerre sans gloire.

Se draperait-il de l’habit du baroudeur intraitable ? Vladimir Poutine n’arrive pas à endosser le costume d’un tsar. L’étoffe semble lui faire défaut. Et c’est factuel. C’est un chef de guerre privé –dit-on- d’une assise populaire, étant donné que l’image qui le précède et qui neutralise toute la légende dont il veut s’entourer est qu’il est à la tête d’une oligarchie.

L’ennui dans tout ce conflit est que l’Ukraine et les Ukrainiens vont faire les frais d’une opération dont Moscou, à première vue, tout en en tirant les ficelles, n’empochera pas les bénéfices. L’on n’efface toujours pas cette étiquette de géant aux pieds d’argile qui a impacté le pays au début du siècle dernier. Et la débâcle de l’empire soviétique hante encore les esprits.

Dégagée de l’Histoire dans une indifférence totale, la Russie entretient-elle le souvenir de l’invincibilité virtuelle de l’armée rouge ? Il est vrai que le printemps de Prague a été écrasé en un éclair de temps. Il en est autrement de la Bérézina en Afghanistan. Tantôt puissance redoutable, tantôt armée d’ombre dont les gesticulations ont nourri l’hydre de Daech et du terrorisme islamiste, comment appréhender la véritable dimension de la Russie ?

Sous l’emprise des a priori

On peut nous objecter que l’on ne s’improvise pas Kremlinologue en un claquement de doigts. Loin s’en faut ! Et nos propos, nous en convenons, sont empreints d’une certaine subjectivité, car sous l’emprise de quelques a priori. Cependant, le timing du déclenchement de la campagne d’Ukraine n’est pas sans faire penser à celui de l’occupation de la Crimée.

La Russie voudrait-elle faire croire qu’elle remplace à elle seule le bloc du Pacte de Varsovie qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Elle servirait de faire valoir au maintien de l’OTAN. Et d’ailleurs, quand on y pense, c’est un pays sous blocus maritime. La flotte russe est inopérante. Et puis les faits d’armes de certains potentats dont Kim Jung-II est du nombre, ne sont pas l’expression d’une puissance militaire car elle ne s’adosse pas à une puissance économique, réelle.

La Russie, pas plus que la Corée du Nord, ne pèse pas lourd sur l’échiquier économique. Pour faire un parallèle juridique, ce serait un exportateur de matières premières, quelque peu émancipé. Le PIB russe pour l’année 2021 est d’à peine 1 800 milliards de dollars US.

Rappelons pour mémoire que celui de la Chine est de 25 023 milliards de dollars, contre 22 023 milliards de dollars pour l’UE, 20 494 milliards de dollars pour les USA. Enfin, l’Inde est à 10 505 milliards.

Michka, l’icône russe, cet ourson bienveillant, ne pourrait se muer en ogre hégémonique.

Un coup de bélier contre l’UE ?

Les enjeux économiques de la guerre d’Ukraine restent circonscrits à l’aire continentale. Comme toujours, les USA ont joué, en trompe l’œil, leur rôle de catalyseur du conflit. L’administration Biden a promis des sanctions dont on ne voyait pas l’utilité sur la désescalade. Comme toujours, elles ont rallumé la pulsion belliqueuse de l’initiateur du conflit. L’Amérique n’a rien à y perdre et la Russie a juste le poids de révéler les failles de la construction européenne.

L’influence de l’UE, actuellement sous présidence française, est mise à mal. Elle a subi coup sur coup les contrecoups de flux migratoires, la guerre de Crimée, le Brexit.

Ces événements ont mis en évidence la figuration diplomatique de l’Union et l’absence de sa capacité de riposte militaire, outre qu’en survenant après les failles de la pandémie de Covid-19, elle révèle la dépendance économique de l’Europe à la tête de l’UE pour six mois. Et à la veille d’un scrutin décisif autant pour la France que pour la résilience de la construction européenne.

La guerre d’Ukraine est la mère des batailles pour ces deux entités. Donné gagnant pratiquement à tous les coups, Emmanuel Macron serait, sans doute, impacté par les retombées du conflit qui sont un déni du poids de la France et de l’UE. Qu’on imagine, un instant, que la France échoit entre les mains de l’extrême droite ! C’est toute la construction européenne qui s’affalerait tel un château de cartes.

Et si la Russie se grise de la possibilité de perturber le marché mondial de l’énergie, qu’elle se rappelle au bon souvenir des retombées des chocs pétroliers de 1974 et de 1979, et de la manière regrettable dont les pays membres de l’OPEP se sont fait brûler les doigts par la flambée de l’inflation.

Ce conflit, qui intervient juste à la sortie de la pandémie alors que la croissance mondiale enregistre un premier frémissement, va peser sur le devenir de l’Europe, nous le pensons. Ce sera un crash-test lourd de conséquences. Son onde de choc pourrait également impacter les pays du pourtour sud de la Méditerranée.

Quelle attitude adopteront-ils ? Pourraient-ils intervenir sur le déroulement du conflit ?

Ali Abdesslam