La Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE), expert en assurance-crédit internationale, a mis à jour, le 22 février 2022, son appréciation du risque Tunisie pour l’année en cours.

Globalement, la COFACE relève des incertitudes multiformes dont une reprise limitée et une forte pression des mouvements sociaux au plan intérieur et du Fonds monétaire international (FMI) dont dépend l’obtention de nouvelles facilités de payement.

Abou SARRA

Au plan politique, la COFACE considère que la “success story” du printemps arabe risque de connaître un recul de la démocratie. Comme marge de manœuvre prédictible du président Kaïs Saïed, après le coup de force constitutionnel du 25 juillet 2021, la Compagnie estime que le chef de l’Etat « cherchera à capitaliser sa forte popularité en déclenchant des élections anticipées en décembre 2022 ».

Elle estime toutefois que «l’impasse politique et constitutionnelle risque de retarder ou d’affaiblir les réformes structurelles des entreprises d’État coûteuses et endettées». «Le climat des affaires, entravé par des grèves fréquentes», risque à son tour d’être affecté.

Pour la COFACE, un accord avec le FMI est déterminant

La COFACE fait une mention spéciale pour les négociations en cours avec le FMI. Elle relève que « la crise politique actuelle met à rude épreuve les relations avec les principaux bailleurs de fonds étrangers. Le principal d’entre eux est le FMI : sans une nouvelle facilité de crédit élargie, il est peu probable que les besoins de financement à court terme soient couverts, ce qui fait peser une menace sérieuse de restructuration ou de défaut de paiement ».

Néanmoins, un accord peut être conclu si le gouvernement prend les engagements budgétaires nécessaires. Même s’il est encore élevé, le déficit budgétaire devrait se réduire à mesure que les recettes augmentent (modestement) et que les dépenses d’investissement et courantes diminuent.

Au sujet de la dette, la compagnie note que « bien que la part de la dette en devises étrangères soit élevée (56% en euros), environ 70% de celle-ci est détenue par des créanciers multilatéraux et bilatéraux. En outre, le ratio d’endettement sera vulnérable à la dépréciation de la monnaie. La dette extérieure (plus de 90% du PIB) devrait rester élevée, et la plus grande partie de la dette (80%) continuera d’être une dette publique ou garantie par l’État.

Le dinar est resté stable ces dernières années, mais l’incapacité à honorer ses obligations de remboursement pourrait déclencher une fuite des capitaux et une crise monétaire.

Les possibilités de relance limitées

Au plan de la relance, la COFACE trouve qu’« entre la pandémie et la crise politique, les possibilités de reprise sont limitées ».

Pour la compagnie, « les crises sanitaire et politique, associées à l’agitation sociale, continuent d’affecter l’économie ». Elle fait remarquer que « bien que le pays ait commencé à se redresser, la convergence vers un niveau de production pré-pandémie sera fortement limitée par la lenteur du déploiement des vaccins, la crise politique en cours et la menace sous-jacente de troubles sociaux ».

Et la COFACE d’ajouter : « ces incertitudes, ainsi qu’un taux de chômage encore élevé (16% prévu en 2022), devraient saper la confiance des consommateurs et peser sur la contribution de la consommation des ménages (75% du PIB) ».

La compagnie fait une mention spéciale pour « l’effet défavorable de ce climat d’incertitude qui serait encore plus fort pour l’investissement, car les entreprises adopteront probablement une attitude attentiste jusqu’à la résolution de la situation politique et la conclusion d’un accord avec le FMI ».

S’agissant de l’’investissement public, la compagnie relève qu’il « sera limité par la nécessité de maintenir les dépenses budgétaires sous contrôle ».

Perspectives sectorielles mitigées

Dans la foulée, elle écarte tout rôle positif des banques. « Le secteur bancaire fragile, note la COFACE, ne sera pas en mesure de soutenir l’économie réelle en cas de choc défavorable, ce qui constitue un risque supplémentaire pour les perspectives d’investissement ».

Quant au secteur des services (50% du PIB), la compagnie conditionne sa reprise par l’avancement de la vaccination.

Vient ensuite le tourisme, un des principaux secteurs pourvoyeurs de devises. La COFACE relève que « cette activité ne devrait pas retrouver son niveau d’avant la pandémie avant 2024 ». « La modeste reprise du tourisme contribuera à améliorer la balance des services, mais elle sera plus que compensée par une détérioration de la balance des biens due à la hausse des prix à l’importation (énergie en particulier). Par conséquent, et malgré les contributions positives des comptes de revenus et de transferts courants, le déficit de la balance des transactions courantes se creusera. La non-résolution de la crise politique se traduira par une baisse des IDE, ce qui accentuera la pression sur le dinar et sur les réserves de change », lit-on dans le document de la COFACE.

Pour l’industrie manufacturière (16% du PIB), la COFACE annonce de bonnes perspectives. Tout en soulignant sa diversification (hydrocarbures, produits chimiques, phosphates, électronique de base, pièces automobiles et aéronautiques), la compagnie estime que cette activité devrait bénéficier de la reprise de la demande extérieure, notamment européenne.

Au rayon des exportations, la COFACE relève que le lobby « des producteurs d’huile d’olive (l’un des rares secteurs à ne pas avoir souffert de la crise) ont bénéficié de l’envolée des prix des matières premières et devraient continuer de prospérer.

« Malgré l’augmentation de la facture des importations d’énergie, la hausse des exportations et la faiblesse des importations due à la faiblesse de la demande intérieure permettront de réduire la contribution négative des exportations nettes », lit-on dans le document de la COFACE.