La politique de création de sociétés de l’environnement, de plantation et de jardinage dans les zones de production du phosphate n’a pas résolu le problème de l’emploi dans ces régions. Au contraire, elle a alourdi les charges de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), impactant la production nationale de phosphate. C’est le constat fait par l’Observatoire tunisien de l’économie.

Dans un bulletin économique publié jeudi 10 février 2022, l’OTE plaide pour la révision de cette politique et l’activation de la loi sur la Responsabilité sociétale des entreprises promulguée en 2019.

Elle rappelle la grande récession ayant frappé le secteur national des phosphates depuis 2011, laquelle production qui est passée de 8 millions de tonnes en 2010 à une moyenne annuelle de 3,4 millions de tonnes entre 2011 et 2021; le plus haut niveau ayant été enregistré en 2017 avec 3,8 millions de tonnes.

“Cette régression résulte des arrêts répétitifs de la production en raison des mouvements sociaux et a été aggravée par la substitution du transport ferroviaire des phosphates par le recours à des sociétés privées pour le transport des phosphates induisant des frais supplémentaire pour la CPG”, explique l’OTE.

De ce fait, l’Observatoire évoque la reprise du transport ferroviaire des phosphates sur la ligne 14 reliant la laverie de Mdhila à l’usine de Mdhila, et la ligne 13 reliant Gafsa à Skhira (Sfax), faisant savoir que la SNCFT est parvenue à assurer 41% du transport du phosphate en 2021. Ce pourcentage devrait augmenter en 2022, avec la reprise prévue de la ligne 15 reliant Métlaoui – Om Larayes – Redeyef en février 2022 et la réhabilitation de 400 wagons de transport des phosphates.

L’OTE met également l’accent sur les tentatives du gouvernement actuel de débloquer la situation sociale tendue dans les régions de production ayant été derrière les arrêts répétitifs de l’activité des sites d’extraction et de transformation des phosphates.

Dans ce cadre, l’OTE rappelle le déplacement de la ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines à Gafsa en janvier 2022, pour examiner les raisons derrière le retard de l’entrée en activité du site de transformation de Mdhila 2 inauguré en 2019 et qui devait être opérationnel en mars 2020, mais dont l’entrée en exploitation a été retardée à cause du sit-in des agents sous-traitants revendiquant le recrutement direct dans la CPG.

L’Observatoire considère que le site de Mdhila 2 n’est pas un cas isolé car tous les arrêts de production sur les sites de production des phosphates ont été déclenchés par des mouvements sociaux de chômeurs ou d’agents de sous-traitance revendiquant le recrutement au sein de la société. Le site de Redeyef, dont la capacité de production s’élève à 400 mille tonnes, est toujours bloqué depuis 14 mois à cause d’un sit-in de demandeurs d’emploi.

Il a souligné que la politique retenue par les autorités depuis 2010, favorisant les emplois précaires et fictifs dans les sociétés de l’environnement, de plantation et de jardinage, créées dans les régions de production des phosphates et du pétrole, pour calmer la colère des demandeurs d’emploi a montré ses limites en alourdissant les charges des sociétés nationales sans contrepartie effective.

Le gouvernement actuel doit également avoir l’audace de revoir cette politique et de mettre en application la loi sur la responsabilité sociétale des entreprises adoptée en 2019 pour créer une réelle dynamique économique et favoriser l’émergence d’un véritable tissu économique dans les régions de production. Une telle orientation permettrait, selon l’Observatoire, de stabiliser le climat social dans ces régions, de lever les obstacles à la reprise de la production nationale et de profiter de la montée des prix des phosphates et des engrais à l’échelle internationale, ce qui pourrait renforcer les recettes nationales en devises et contribuer à résoudre la crise des finances publiques.

Une reprise relative du secteur des phosphates en 2021

L’Observatoire fait également état d’une certaine reprise du secteur des phosphates en 2021, après dix ans de régression. Il cite ainsi le rapport sur la loi de finances 2022 publié par le ministère des Finances qui fait état d’une évolution de la valeur ajoutée du secteur minier de 28,9% en 2021 par rapport à 2020 ; une évolution due à la reprise partielle du secteur des phosphates en 2021.

La moyenne de production mensuelle de la CPG est passée de 120 mille tonnes durant le deuxième trimestre de 2021 à 400 mille tonnes durant le troisième trimestre de 2021 grâce à la reprise des activité des différentes unités de production à l’exception de celle de Redeyef en arrêt de production depuis 14 mois.

L’OTE note que la hausse de production s’est positivement répercutée, dans un premier temps, sur la CPG qui a pu récupérer un de ses clients français, en l’approvisionnant en quantités importantes de phosphates en janvier 2022, et, dans un deuxième temps, sur le Groupe chimique tunisien et la Société tuniso-indienne d’engrais “TIFERT”.

La CPG a ainsi pu honorer ses engagements envers ses clients locaux en augmentant la quantité de phosphate transféré au GCT et à la TIFERT de 44% en 2021 par rapport à 2020, et en constituant des réserves importantes en phosphate commercial qui permettraient d’assurer la production d’engrais pour deux mois minimum.

“La société TIMAB Tunisie spécialisée dans la production de phosphate alimentaire a également repris son rythme de production de l’année 2010 quand la production nationale du phosphate avoisinait 8 millions de tonnes”, a conclu l’OTE.