Le stress budgétaire met les finances publiques sous pression. Coordonner entre politiques monétaires et budgétaires afin de parvenir à un financement FMI lequel nous ouvrira la porte du marché international. Là, c’est possible. Favoriser le retour à l’investissement avec le plus d’incitations afin de faire repartir la croissance. Là, c’est un pari audacieux.

Par Ali Abdessalam

Le stress budgétaire met l’Etat sous pression d’un scénario d’effondrement, pensent tout bas les observateurs de la vie politique dans notre pays. De fait, les finances publiques sont sous tension. Oui, reconnaissent en chœur Marouane Abassi, gouverneur de la BCT, et Sihem Boughdiri Nemsia, ministre des Finances, lors du premier panel des Journées de l’entreprise dans leur 35ème édition.

Cependant, avec beaucoup d’assurance, ils soutiennent que les leviers de commande répondent encore et que la situation est sous contrôle. Et en toute responsabilité, ils écartent, avec une totale confiance, le scénario d’un risque de défaut de la Tunisie. Ils feront chorus, affirmant sans appel que le pays n’ira pas devant le Club de Paris.

On ne monétisera pas la dette, il n’y aura pas de recours à la planche à billets

En situation difficile, le gouvernement se défausse sur la BCT pour financer le déficit budgétaire. Et également pour assurer le service de la dette. La BCT se pliera-t-elle à cet usage, qui est la solution de facilité mais qui peut conduire à une issue catastrophique ? Avec beaucoup d’aplomb, Marouane Abassi soutiendra que la BCT ne monétisera pas la dette, c’est-à-dire qu’elle ne fera pas marcher la planche à billets. Et même lors des épisodes de règlement des deux tombées de crédits assortis de la contre-garantie des USA, aux mois de juillet et août 2021, le financement a été fait par des facilités de trésorerie de court terme (Bons du trésor de 60 jours).

La BCT préservera son indépendance, et son gouverneur, sans le dire, l’a laissé sous-entendre, avec fermeté. Cependant, elle ne se comporte pas comme un Etat dans l’Etat. Elle se concerte avec le gouvernement, et en bonne intelligence, ils sauront assortir la politique monétaire à la politique budgétaire. C’est une solution extrême, toutefois, c’est une recette qui marche, et la BCT s’y tiendra.

Ne pas actionner la planche, ce n’est pas couler le dinar, et cela nous évitera de plomber encore les déficits. Le gouverneur de la BCT se félicite de ce que le dinar, depuis le mois d’avril 2019, soit resté stable malgré une disette de devises.

De son côté, la ministre des Finances manœuvre pour ne pas creuser davantage le déficit budgétaire. Elle lutte contre des contraintes extrêmes, résultantes d’une conjoncture économique contrariante et ses retombées sociales pénibles.

Son regard se dirige vers l’année 2022, et elle considère qu’avec cette concertation de proximité développée avec la BCT, elle usera du maximum d’incitations pour faire revenir l’investissement et faire repartir la croissance.

L’argentier (Abassi) et la financière (Nemsia) considèrent que leur concertation en tandem sera suffisante pour convaincre le FMI de la juste gestion de la situation et à nous accorder un supplément de financement. C’est la clé de voûte du plan de sauvetage du pays.

En effet, la caution du FMI vaudra validation de l’approche de résolution de la crise qui nous secoue. Elle nous ouvrirait la porte du marché international de la dette. Naturellement, le recours à la dette nous enfoncerait, reconnaît la ministre des Finances si l’on ne fait pas repartir la croissance.

Un plan de sauvetage cohérent, mais des réserves délicates

Notre confrère Abdellatif Ben Hédia, modérateur de ce premier panel, ne manquera pas d’appeler à prendre en considération les réserves qui pèsent sur la concrétisation du plan de sauvetage configuré par la BCT et le ministère des Finances.

Moez Laabidi, professeur universitaire et membre du Conseil de la politique monétaire à la BCT, présent au panel, dira sans ambages que les perspectives du plan de sauvetage nécessitent d’abord et avant tout un renoncement aux solutions de facilités. Le pays affronte à la fois un déficit de punch économique et les méfaits de la crise sanitaire, et que sa résilience est au plus bas. Il faut aller vers les réformes en profondeur.

Quand la ministre des Finances annonce tout haut qu’elle n’augmentera pas la pression fiscale en 2022, ni directe ni indirecte, cela met le budget sous tension. Le stimulus fiscal est un levier actif mais le climat des affaires est gêné par l’inertie administrative. Et l’environnement des affaires appelle à des interventions immédiates pour remettre le pays en marche. L’instabilité et la décision de non décision, fort regrettable comme le confirmait également le gouverneur de la BCT, inhibent les investisseurs.

La situation au port de Radès est intenable. Et l’ennui, comme l’affirmait Walid Ben Salah, président du Conseil de l’Ordre des experts-comptables, membre du panel, est que l’on ne voit pas un gouvernement assez fort ni assez déterminé pour décider de mesures de puissance publique afin de remettre le pays en marche.

Et comme mesure test, il attend que le gouvernement se conforme à ses engagements passés avec le FMI en matière de modernisation du système d’élaboration budgétaire.

Et puis, les prévisions du gouvernement pourraient manquer de consistance tout le temps qu’elles ne sont pas consignées dans un plan quinquennal qui tarde à venir.

Nous regrettons pour notre part que ces débats ne soient pas institutionnalisés. Et en l’absence de Parlement, il serait opportun que l’on réactive le Conseil économique et social, pensons-nous.

A bon entendeur !