Les révélations ne manquent pas, mais c’est surtout l’évocation d’une ambiance très particulière lors d’une période cruciale pour le mouvement syndical tunisien qui attire le plus l’attention. Taïeb Baccouche est dans le récit de moments chauds.

Il publie une chronique d’entretiens qu’il avait eus avec le président Habib Bourguiba, au cours des années 1976-1986, alors qu’il était dirigeant syndicaliste, puis secrétaire général de l’Ugtt. Sous le titre de “Bourguiba, tel que je l’ai connu: Révélations d’entretiens à propos de la crise syndicale”, l’ouvrage est paru en janvier dernier, en langue arabe, aux Editions Leaders.

Témoignage de première main, fourmillant de détails significatifs, restituant des positions qui ont pesé sur la vie politique et syndicale tunisienne, il n’a pas manqué de susciter l’intérêt des lecteurs. Une version en langue française s’imposait. Elle vient de paraître, deux traducteurs s’étant mis à l’œuvre, Béchir Ouerhani et Thouraya Ben Amor, bénéficiant des conseils du professeur Salah Mejri.

Dans sa préface, Foued Mebazaa, résume d’emblée le contexte. ” Heureux Bourguiba, écrit-il, débattant avec un si jeune patriote, universitaire et syndicaliste, au fait de ses responsabilités nationales tant pour la direction de l’UGTT que l’état des lieux du pays et tous azimuts pour dénouer l’après-crise syndicale du 26 janvier 1978 et ce à la suite de la détérioration de la relation historique de combat commun qu’il vouait à son vieux compagnon, Habib Achour. ”

” Ce livre est un dialogue entre deux hommes épris de valeurs et de dévouement pour la chose publique, souligne pour sa part Pierre Baillet, secrétaire permanent de l’Association internationale des maires francophones (AIMF) qui a contribué à la traduction du livre. Le fondateur de la République tunisienne a toujours servi de boussole à bien des partis politiques “, ajoute-t-il.

En introduction, Hassen El Annabi, professeur émérite en histoire moderne à l’Université de Tunis, rappelle que ” la période 1977-1986, qui constitue la toile de fond de ces mémoires, est balisée par des événements importants. En amont, c’est la tenue du quatorzième congrès de l’Ugtt (printemps 1977) lors duquel Taïeb Baccouche devient secrétaire général adjoint. Le contexte est alors marqué par la souscription d’un ” Pacte social ” par les partenaires sociaux, le parti au pouvoir (le PSD) et le gouvernement. En aval, c’est la remise au pas de l’Ugtt (pour la seconde fois, la première étant celle qui a suivi la grève générale du 26 janvier 1978) avec la condamnation à nouveau de Habib Achour à des années de prison, la confiscation des structures élues de l’organisation syndicale et l’installation d’une nouvelle ” direction ” directement liée au PSD “.

” C’est la période de tous les défis, ajoute-t-il. Celui d’abord, pour le Président Bourguiba, de se maintenir aux commandes de l’Etat et ce malgré une santé chancelante et un entourage aux aguets. Obnubilé par la question de la pérennité, après sa mort, des acquis sociaux qu’il avait réalisés pour la Tunisie et conscient des rivalités entre clans au sujet de sa succession, il reste attaché à la notion d’” unité nationale ” sous l’égide du parti au pouvoir, en laissant entamer, toutefois, un processus contrôlé d’ouverture politique et sociale dans le but d’arriver à un ” consensus national “.

” Pour l’Ugtt, écrit le professeur Annabi, il s’agit de sauvegarder son autonomie de décision pour ce qui concerne le choix de ses dirigeants et la défense des droits des travailleurs. ”

Professeur universitaire spécialiste en linguistique arabe et générale, militant des droits humains, dirigeant syndicaliste, ancien ministre et actuellement secrétaire général de l’Union du Maghreb arabe (UMA), Taïeb Baccouche a occupé différents postes clés en tant qu’homme politique, militant des droits humains, syndicaliste et universitaire chercheur.

Il est auteur et coauteur d’environ vingt-cinq ouvrages (en français et en arabe) et d’une cinquantaine d’articles en linguistique (en français et en arabe) publiés dans des revues et des encyclopédies internationales. Il a rédigé plusieurs articles et quelques ouvrages de sociopolitique et relatifs aux droits de l’Homme (en français et en arabe).