« L’économie sociale et solidaire est juste un slogan en Tunisie », regrette Radhi Meddeb

Dans sa définition basique, l’Economie sociale et solidaire (ESS) consiste en la production concrète des biens ou services dans un cadre entrepreneurial favorisant la croissance de la richesse collective par le soutien d’une citoyenneté active, la promotion des valeurs et d’initiatives de prise en charge individuelle et collective, l’amélioration de la qualité de vie et du bien-être, permettant l’offre d’un plus grand nombre d’emplois et de services. Elle revêt une haute dimension sociale dont la rentabilité ne fait pas de doute.

En Tunisie, le cadre légal pour cette économie, que nombre de pays adoptent et encouragent, existe depuis 2020. Il s’agit de la loi N 2020/30 du 30 Juin 2020. Est-ce pour autant que le développement d’activités économiques dans le cadre de cette loi a eu lieu ?
Pour Radhi Meddeb, président du Conseil du Centre financier aux entrepreneurs, cette économie est tout juste un slogan dans notre pays.

«Elle existe, mais elle est marginale. Elle représente autour de 1% du PIB. Prenons l’exemple des mutuelles d’assurances, elles relèvent de l’économie sociale et solidaire. Elles sont toutefois, les moins bien gérées du secteur. Et dès qu’on veut les gérer correctement, elles se transforment en SA (Société anonyme). Ailleurs, par contre, dans les grands pays y compris dans les pays capitalistes et libéraux, l’économie sociale et solidaire, peut représenter jusqu’à 10% de l’économie. Si nous mettons en place des programmes conséquents pour l’encouragement des activités liées à l’économie sociale et solidaire dans notre pays, celle-ci pourrait passer de 1 à 5% du PIB sur 10 ans. Ce qui représentera des avancées considérables avec la création de 40 000 postes d’emplois par an».

Dans les pays développés, explique Meddeb, même si l’ESS ne participe qu’à hauteur de 10% de l’économie, sa contribution en termes de création d’emplois est bien plus importante. Elle atteint même 24% des emplois nouveaux, dans les pays scandinaves. Le potentiel de cette économie est donc extraordinaire, en termes de création de valeurs, de réponse aux besoins des populations et de création d’emplois.

«Cette économie peut jouer un rôle fondamental, mais ne nous y trompons pas, elle n’a vocation, en aucun cas, à se substituer au secteur public ou au secteur privé. C’est une niche que le secteur public ne peut pas assumer et dont le secteur privé ne veut pas parce qu’elle n’est pas suffisamment rentable sur le plan financier quoiqu’indiscutablement rentable au sens économique et social».

C’est la raison pour laquelle, on l’appelle dans certains pays le tiers secteur.  C’est le troisième secteur qui vient conforter le travail des deux secteurs public et privé. Les textes adoptés en 2020 ne sont pas parfaits, précise Radhi Meddeb, et malgré cela, ils n’ont pas été mis en œuvre.

«Aujourd’hui, plus que jamais, il faut mettre en application tous les textes, corriger les imperfections et lever les obstacles administratifs et les tracasseries. Il ne s’agit pas de mettre l’économie sociale et solidaire dans un carcan d’institutions qui doivent superviser, contrôler etc. Cela irait à l’encontre des objectifs initiaux. L’ESS devrait être une réponse de la vie et une solution face aux tracasseries de l’administration».

Pour les fondateurs de l’ESS apparue dans la première moitié du 19ème siècle, il s’agit de réconcilier l’économie et la morale : «Nous ne voulons pas voir combien sont encore imparfaits les peuples qui ne sont qu’habiles, et combien se montrent plus habiles ceux qui sont devenus vraiment moraux. Nous ne sentons pas assez d’ailleurs qu’il n’est pas seulement question d’habileté, mais aussi de dignité, d’honneur, de puissance, de liberté ; et que si la liberté naît de l’industrie, elle naît surtout du progrès des mœurs particulières et de celui des relations sociales» (Source: cairn.info).

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