Au moment où certains pays importateurs nets de pétrole de la région MENA mettent les bouchées doubles pour accélérer leur transition vers les énergies vertes -cas du Maroc et de l’Egypte-, la Tunisie continue de faire du surplace et d’accentuer son retard dans ce domaine.

Abou SARRA

Pour preuve, à deux mois de son achèvement, le 13ème plan quinquennal (2016-2020), qui a prévu de porter la part des énergies renouvelables en Tunisie dans le mix électrique à 12%, n’a pas permis d’atteindre cet objectif. Cette part est actuellement de l’ordre de 4%, soit environ 148 mégawatts (MW) dont la grande majorité provient du vent et du solaire.

A ce rythme, la Tunisie va peiner pour réaliser la projection faite avant 2010 : celle de porter, à l’horizon 2030, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à 30%.

Parallèlement, d’autres pays d’Afrique du Nord, comme le Maroc et l’Egypte, sont en lice pour construire les plus grandes centrales solaires du monde.

Le Maroc, champion des énergies vertes

Pour prendre l’exemple du Maroc, avec une capacité installée de 2 836 MW, l’éolien, l’hydraulique et le solaire ont représenté, fin 2017, 34% des énergies renouvelables dans le mix électrique. Cette puissance installée a été portée, fin 2018, à 3 814 MW, soit une capacité supplémentaire de 978 MW.

Le Maroc, qui dépendait énergétiquement de l’Espagne jusqu’en 2009, compte porter la part des énergies vertes à 52% à l’horizon 2030.

Dans le détail, «les puissances installées ont été, en 2018, de 700 MW pour le solaire, de l’ordre de 1 012 MW pour l’éolien -à travers 10 parcs en exploitation-, et une capacité de 1 770 MW pour l’hydroélectrique installés dans les 29 barrages et les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) », selon l’Agence marocaine pour l’énergie solaire (Masen).

Mention spéciale donc pour l’année 2018. Cet exercice a été marqué par la concrétisation d’autres projets dont la mise en exploitation de l’ensemble du complexe solaire Noor Ouarzazate, retenu comme le plus grand complexe multi-technologique solaire au monde, les centrales solaires Noor Laayoune I et Noor Boujdour I.

Au rayon des projets, celui de Noor Midelt I, qui se compose de deux centrales hybrides d’une capacité de plus de 800 MW, avec une capacité pour le solaire thermique à concentration (CSP) entre 150 MW et 190 MW pour chaque centrale, est en cours de réalisation.

En Egypte, la construction du premier complexe solaire du pays se poursuit dans le désert de la région de «Benban» (province d’Assouan) dans le sud du pays.

«Une fois achevé, ce parc solaire de 1 650 mégawatts deviendra la première centrale solaire du monde et devrait éviter l’émission de 2 millions de tonnes de gaz à effets de serre par an», note la Banque mondiale (BM).

D’un coût estimé à 3,4 milliards d’euros, ce projet, cofinancé par des banques internationales, couvre une superficie de 40 kilomètres carrés et se compose de 41 centrales photovoltaïques, reliées les unes aux autres. Elles seront connectées, une fois achevées, au réseau de distribution de la compagnie nationale égyptienne d’électricité (Egyptian Electricity Transport Company (EETC), explique la Banque mondiale.

À travers ce projet Benban qui créera près de 10 mille emplois, l’Égypte vise à porter la part des énergies vertes dans son mix électrique à 20% en 2020 et 42% en 2035, selon des statistiques officielles.

Mieux, le Maroc et l’Egypte ne se sont pas contentés de produire de l’électricité à partir des énergies vertes. Contrairement à la Tunisie, dont le Plan solaire (PST) date pourtant de 2008, ils ont mis en place en amont toute une logistique de formation et d’industrialisation.

A la base de l’exploit marocain, la formation

Le Maroc, devenu le champion du solaire en quelques années, a accordé l’intérêt requis à la formation de ressources humaines qualifiées pour accompagner le développement des énergies vertes dans le pays.

Pour cela, le pays a mis en place trois instituts de formation aux métiers des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (IFMEREE) à Oujda, Tanger et Ouarzazate. Les domaines de formation couverts sont l’exploitation et la maintenance des parcs éoliens et la maintenance du matériel solaire thermique et photovoltaïque, la maintenance et l’exploitation de l’électricité solaire thermodynamique, l’efficacité énergétique, l’exploitation du gisement du biogaz et d’autres formations connexes.

En Tunisie, il n’existe aucun établissement, à notre connaissance, dans les énergies vertes. Actuellement, seuls quelques sujets de mémoire de diplômes sont dédiés à ces énergies dans des établissements d’enseignement supérieur, entre la Faculté d’ingénieurs de Tunis et de Monastir, l’Institut supérieur des études technologiques de Tozeur, et le Centre de formation professionnelle à Tataouine.

L’Egypte met le cap sur l’industrialisation

En Egypte, l’Egyptian Electricity Transport Company (EETC) a conclu, en 2018, avec le groupe chinois «GCL Group», un accord de coopération pour la construction d’une usine de fabrication de panneaux solaires d’une valeur d’environ 2 milliards de dollars. En Tunisie on continue à importer ces équipements, à réduire leur taxation à l’import et dans le meilleur des cas à faire de l’assemblage.

Pourtant, le Plan solaire Tunisien (PST), adopté en 2008 prévoyait une industrialisation locale des équipements des énergies vertes.

Cela pour dire au final qu’autant la volonté politique est clairement exprimée au Maroc et en Egypte pour développer les énergies vertes, autant elle est floue pour ne pas dire inexistante en Tunisie. Lorsque nos responsables sont dans le concret, ils investissent dans des microprojets insignifiants (régime des autorisations ciblant des projets de 1 à 10 MW). Entre temps, le contribuable continue de payer cher la facture énergétique par l’effet d’importations onéreuses en devises.

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