Certains indices montrent que le controversé dossier des énergies vertes, en stand by depuis plus de dix ans, serait sur la voie d’être débloqué et résolu. Ce dossier accuse un retard fou en raison de deux facteurs majeurs : l’instabilité réglementaire et le refus de la STEG (direction et syndicats) de supporter les externalités négatives (surcoûts) du développement de ce type d’énergies. 

Abou SARRA

L’indice le plus récent consiste en la programmation de la problématique des énergies renouvelables (EnR) dans l’ordre du jour des entretiens qui ont commencé, le 11 décembre 2021, entre le gouvernement Bouden et la centrale syndicale (UGTT). C’est un signe positif qui vient confirmer la volonté des deux parties de trouver des solutions qui mettraient fin au blocage des projets en gestation.

Volonté de trouver un compromis

Concrètement, selon nos information, les deux parties se seraient mises d’accord sur la nécessité de réviser la législation en vigueur qui est contestée par la STEG. L’idée serait d’unifier les textes le régissant et de les harmoniser.

En effet, les EnR sont régies, depuis 2015, par six textes législatifs qui se contredisent. Il y a la loi de base, celle de 2015-12 qui libéralise le secteur et l’ouvre à l’initiative privée.

Viennent ensuite le décret 2016-1123 qui fixe les conditions et procédures de réalisation des projets de production et de vente de l’électricité produite par les EnR, l’arrêté du 9 février 2017 qui instaure le cahier des charges de raccordement et le contrat pour l’autoproduction, et l’arrêté du 30 août 2018, lequel révise le contrat-type de vente à la STEG de l’électricité produite à partir des EnR.

Mais c’est la Loi transversale pour l’amélioration du climat des affaires, adoptée le 23 avril 2019, qui a fait plus de polémique. En effet, adoptée dans la précipitation, cette loi a modifié les dispositions de la loi n°2015-12 portant sur les projets soumis au régime de l’autoconsommation et raccordés au réseau Moyenne Tension, et le décret 2020-105 qui, s’appuyant sur les dispositions de cette même loi transversale, stipule dans son article 8 qu’«il est possible de constituer une société d’autoproduction (…) dont l’objet se limite à la production et à la vente de l’électricité à partir des énergies renouvelables».

Ces articles, bien qu’ils consacrent un pas important vers la libéralisation de la distribution de l’électricité, ont été décriés par la direction et les syndicats de la STEG. Ils y ont perçu de la concurrence déloyale, des surcoûts énormes au niveau du transport sur son réseau et un début de privatisation du secteur de l’électricité.

La STEG a eu pour réaction de bloquer la mise en service d’une Centrale photovoltaïque de 10 MW réalisée dans la région de Tataouine par le consortium ENI-ETAP, et ce depuis plus d’une année. 

Des firmes d’une capacité de plus de 500 MW en cours de réalisation 

Le deuxième indice en faveur du déblocage du dossier des EnR est la tenue, le 2 décembre 2021, d’un conseil des ministres sur les énergies vertes. Le président de la République, Kaïs Saïed, qui a présidé ce conseil, avait donné son aval pour l’élaboration de décrets portant sur le développement de 5 centrales d’énergies vertes.

Objet de marchés remportés depuis janvier 2020 par des groupes internationaux, ces projets cédés sur 20 ans totalisent ensemble plus de 500 mégawatts, soit une capacité supérieure à celle de la centrale électrique de Radès (450 MW).

Mieux, ces projets représentent 6% de la production nationale d’électricité et permettront de couvrir les besoins de 750 000 foyers en électricité.

Pour revenir aux cinq firmes d’EnR qui seront construites, il est bon de connaître leur emplacement, un aspect que les communiqués officiels occultent malheureusement.

Il s’agit de la firme de Metabssa dans la région de Kairouan (centre de la Tunisie). D’une capacité de 100 MW, la firme sera construite par le groupe chinois TBEA en partenariat avec le groupe AMEA basé à Dubaï.

Ensuite, la firme de Borj Bourguiba (délégation de Remada à l’extrême sud de Tunisie), laquelle sera réalisée par l’Office d’hydrocarbures italien “ENI“ pour une capacité de 200 MW.

Les centrales de Tozeur (sud-ouest de Tunisie), Mezzouna dans le gouvernorat de Sidi Bouzid au centre et Tataouine (au sud), d’une capacité globale de 300 MW. Elles seront développées par le norvégien Scatec Solar. La plus grande, avec 200 MW, sera installée à Tataouine. Les travaux de réalisation ont commencé en 2019.

Enfin, la firme de Sagdoud dans la région de Gafsa (100 MW), qui sera développée par le groupe français Engie en consortium avec le groupe marocain Nareva. L’appel d’offres a été remporté en 2019.

Rappelons qu’en avril 2018, le ministère tunisien de l’Industrie et la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG) avaient lancé un appel d’offres international pour la production électrique de 800 MW grâce aux énergies renouvelables. Le gouvernement avait alors estimé les investissements à 674 millions d’euros (2 milliards de dinars environ)). A l’époque, c’était Khaled Kaddour qui était ministre de l’Energie, des Mines et des EnR.

La Tunisie, qui ne couvre que la moitié de ses besoins énergétiques, cherche à diversifier sa production. L’objectif est que les énergies renouvelables représentent 30% de la production nationale d’électricité d’ici 2030, contre 2 à 3% actuellement. Seuls 43 000 ménages utilisent l’énergie solaire, selon l’Agence nationale de maîtrise de l’énergie (ANME). Sans commentaire.