Des acteurs économiques réunis à l’occasion d’un webinaire sur la loi de finances de l’exercice 2021 ont réitéré l’appel à décréter l’état d’urgence économique dans le pays, et ce en vue de sauver les finances publiques et l’économie nationale.

Nafaâ Ennaifer, chef d’entreprise et membre du comité directeur de l’IACE, est d’accord avec la proposition avancée par l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Hakim Ben Hamouda, rappelant que cet appel a été lancé depuis 2014 pour pouvoir mobiliser toutes les parties.

Rappelons au passage que Ahmed El Karm est, à notre connaissance, le premier en Tunisie à avoir lancé cette idée d'”état d’urgence économique”.

Intervenant lors d’un webinaire sur le thème ” Loi de finances 2021 : quelles sont les pistes pour relancer l’économie tunisienne “, Ennaifer a précisé que la situation d’aujourd’hui était prévisible depuis des années, estimant qu’il est urgent et même pertinent de déclarer un état d’urgence économique.

Pas de consensus sur la réforme des entreprises publiques En ce qui concerne la réforme des entreprises publiques, Ennaifer a rappelé que “le partenaire social s’est opposée à cette idée, mettant l’accent sur la situation difficile de ces entreprises. il a cité a titre d’exemple, l’effondrement du chiffre d’affaires de la CNCFT, relatif au transport de phosphate, qui est passé de 7,3 millions de dinars (MD) en 2010 à 2,4 MD en 2018.

“Si nous n’avons pas mené, jusqu’à présent, les réformes des entreprises publiques, ce n’est pas parce que nous sommes incapables de le faire, mais parce que nous n’avons pas traité cette problématique en urgence”, a-t-il dit.

Problème de liquidité pour les entreprises privées

En ce qui concerne les entreprises privées, Ennaifer a mis l’accent sur les problèmes de liquidités et de trésorerie que connaissent ces entreprises, lesquelles n’ont pas récupéré, jusqu’à présent, les crédits TVA promis par l’Etat, en l’absence des moyens financiers lui permettant d’honorer ses engagements.

S’agissant de la garantie offerte par l’Etat aux crédits accordés par les banques aux entreprises touchées par la crise du coronavirus, Ennaifer a indiqué que jusqu’au 16 octobre 2020, il a eu 386 dossiers à traiter pour un total de 87 millions de dinars, soit une moyenne de 225 mille dinars par entreprise. Cependant, l’Etat ne dispose pas de fonds pour rembourser les crédits TVA, ou pour aider les pme, ce qui est de nature à porter préjudice à la viabilité et à la pérennité de ces entreprises”, a-t-il averti.

Projet de LF2021 : le moment n’est pas opportun pour l’augmentation des impôts

“En raison de la détérioration du climat des affaires et la hausse des coûts, il est déconseillé d’augmenter les impôts, d’autant que l’exercice 2020 était désastreux pour la majorité des activités économiques”, a-t-il noté, faisant remarquer que les entreprises ont payé d’avance l’Impôt sur les sociétés (IS) pour l’exercice 2020, sous forme des acomptes provisionnels.

D’après Ennaifer, le projet de loi des finances de 2021 aurait dû prévoir une défiscalisation des investissements orientés vers le secteur du tourisme, qui a enregistré une chute de près de 3 MD de ses recettes globales, passant de 4 MDT en 2019 à près de 1,8MD en 2020.

Il a appelé à réfléchir sur les moyens de relancer l’activité économique, en annonçant des mesures claires d’appui aux PMEs en vue de générer par la suite les recettes fiscales.

A cet égard, l’expert-comptable Walid Ben Salah a souligné que le problème économique du pays n’est pas d’ordre financier, mais il est lié à l’absence de projet économique, lequel projet doit déterminer les ressources à exploiter, l’orientation de la production en fonction des potentialités de de chaque secteur, les moyens de créer la richesse, et par conséquent les moyens de générer des recettes fiscales.

Ce projet doit être traduit en une vision déterminant les incitations fiscales, les facilités de financement et les domaines desquels l’Etat doit se désengager.

Ben Salah a appelé à créer la richesse à travers l’exploitation des ressources dont dispose le pays et l’allègement des procédures qui accablent tant l’administration que les entreprises privées. L’Etat est un mauvais gestionnaire, a-t-il dit, d’autant que le secteur public n’est pas exploité aujourd’hui pour créer de la richesse, mais pour des raisons politiques (nominations de certaines personnalités) et pour un rôle social favorisant les pratiques de corruption.

D’après l’expert-comptable, la classe politique est responsable de cette situation de crise car ce sont toujours, les mêmes personnes qui règnent. “Aujourd’hui, l’Etat est incapable de gérer convenablement ses ressources (blocage des sites de production), et ses entreprises publiques. Il ne peut ni mener des vraies négociations avec l’UGTT ni confronter les fraudeurs”, a-t-il précisé.