Dans une pétition intitulée «Une rentrée parlementaire effrayante», des associations s’inquiètent d’une série de projets de lois à l’ordre du jour de la deuxième session parlementaire et de la déclaration du chef de l’Etat concernant l’application de la peine de mort.

Trop c’est trop. Habituée à traiter les députés de tous les noms d’oiseaux, les Tunisiens, ou une partie d’entre eux, leur reprochent aujourd’hui d’afficher un «dynamisme» suspect, en cette rentrée parlementaire. Une vingtaine d’associations (*) ont publié mardi 6 octobre 2020 une déclaration intitulée «rentrée parlementaire terrifiante» dans laquelle elles exposent la raison de leur inquiétude.

Celle-ci ne tient, d’après les signataires, qu’à l’ordre du jour de la nouvelle session parlementaire où figurent «plusieurs projets de loi dangereux (à examiner, ndlr) dans un temps record sans précédent, en l’absence de toute initiative pour achever la construction de l’État de droit et de ses institutions face à la crise politique étouffante croissante».

Protection des agents porteurs d’armes…

Le premier de ces textes est le projet loi portant protection des agents des forces de sécurité intérieure qui «constitue une menace pour les droits et libertés des citoyens, hommes et femmes, malgré les amendements qui ont été inclus», «pour la paix civile et l’équilibre du système législatif», estiment les associations signataires de la pétition.

Pourquoi une menace ? Parce qu’il (le projet de loi) accorde la primauté à «des intérêts sectoriels étroits sous la forme d’un code pénal parallèle qui n’instaure pas le principe de l’égalité entre les citoyens devant la loi» et «porte atteinte au principe de clarté des dispositions pénales en raison de ses termes vagues et une violation du principe de proportionnalité entre l’acte criminel et la peine requise», et est «incompatible avec les principes de base du recours à la force par les forces de l’ordre et représente un obstacle à la mise en place du système de sécurité républicain».

Last but not least, ce texte est dangereux aux yeux desdites associations, parce qu’il «accorde l’immunité à un secteur dont on attend depuis longtemps qu’il se réforme et va à l’encontre de toutes les demandes et propositions pour une réforme du secteur de la sécurité».

Cour constitutionnelle…

Deuxième texte mis à l’index par ces associations : le projet de loi concernant l’amendement de la Loi fondamentale de la Cour constitutionnelle afin de baisser la majorité requise pour l’élection de ses membres.

Dans sa version actuelle, ce texte dispose que ceux-ci doivent être élus à la majorité des deux tiers. Les auteurs de la proposition d’amendement voudraient la ramener à la majorité absolue et, si le processus reste dans l’impasse, à la majorité simple. Ce à quoi les associations s’opposent et appellent au maintien de «l’élection des membres de la Cour constitutionnelle à la majorité renforcée parce qu’elle constitue une garantie de l’indépendance de cette institution».

Etat d’urgence…

Les associations à l’origine de la pétition s’insurgent aussi contre le projet de loi sur l’organisation de l’état d’urgence parce que «ne garantissant pas la participation des institutions constitutionnelles à sa proclamation et sa prorogation, ni «l’intervention du pouvoir judiciaire pour protéger les droits et libertés contre toute violation».

Election des membres de la HAICA…

Autre texte épinglé par les signataires, celui visant la révision du décret-loi n°116 relatif à la liberté de la communication audiovisuelle soumise par plusieurs députés dans le but de réduire la majorité requise pour l’élection des membres de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA). Pour eux, « cette proposition porte atteinte à l’indépendance et à la neutralité de cette institution ».

Justice transitionnelle

La dernière initiative législative critiquée par la vingtaine d’associations est celle soumise par le bloc parlementaire du Parti Destourien Libre (PDL) qui a pour but de chambarder le dispositif de la justice transitionnelle en évitant aux anciens responsables ayant commis des violations des droits ou des infractions financières au détriment de citoyens ou de l’Etat d’avoir à rendre compte de leurs actes, et de rendre caduques toutes les décisions de l’Instance Vérité et Dignité (IVD).

Kaïs Saïed et la peine de mort

Le dernier acte déploré par les associations n’est pas une initiative législative mais une prise de position, celle du président Kaïs Saïed à propos de l’application de la peine de mort. Elles y voient «une reculade par rapport aux engagements internationaux de la Tunisie» dans ce domaine.

MM

Associations signataires:

Forum tunisien des droits économiques et sociaux

Al Bawsala

Association tunisienne pour la défense des libertés individuelles

Association de calligraphie / Encifada

Avocats sans frontières

Syndicat national des journalistes tunisiens

Vigilance pour la démocratie et l’État civique

Psychologues du monde – Tunisie

Association de mémoire et de loyauté au martyr de la liberté Nabil Barakati

Alerte internationale

Coalition tunisienne pour abolir la peine de mort

Organisation tunisienne contre la torture

Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme

Association tunisienne des femmes démocrates

Association des juges tunisiens

Nawat

Organisation mondiale contre la torture

Droits EuroMed

Centre d’appui à la transition démocratique et aux droits de l’homme

Association Ensaf des vétérans militaires

Pas de paix sans justice

L’Agenda juridique

Solidar – Tunisie