Le gouvernement français a mis à profit la dernière visite de travail qu’a effectuée en France, les 22 et 23 juin 2020, le président tunisien, Kaïs Saïed, pour informer les Tunisiens des tendances géostratégiques et opportunités d’affaires qu’offre le projet de relocalisation de l’industrie européenne dans le bassin méditerranéen, après la fin de la crise du coronavirus (Covid-19).

Abou SARRA

Le ministre des Finances, Nizar Yaïche, qui avait accompagné le chef de l’Etat au cours de cette visite, en a donné quelques éclairages au cours d’une self interview diffusée le 8 juillet 2020 sur la page Facebook de son département.

Il s’agit selon lui d’un potentiel d’investissement de plus de 50 milliards de dollars. «Nous pensons que la Tunisie pourrait disposer, après la Covid-19, d’un meilleur repositionnement à l’international, particulièrement à la faveur de cette relocalisation de l’industrie européenne dans le bassin méditerranéen», a-t-il dit.

D’après les observateurs, la Tunisie pourrait grignoter une part significative de ce potentiel juteux marché en faisant prévaloir deux atouts majeurs.

Le premier consiste en la valorisation du crédit et de l’image d’un pays démocratique dont jouit la Tunisie en Europe et à l’international. La Tunisie, on ne le dira jamais assez, est la seule réussite du “Printemps arabe“. Pour preuve, elle est classée «libre» par l’ONG Freedom House, financée par le département d’Etat américain et spécialisée dans l’étude de l’étendue de la démocratie dans le monde.

Le Centre for European reform, think tank basé à Londres, va plus loin et place, en matière de démocratie, la Tunisie au-dessus de la Hongrie et de tous les pays des Balkans occidentaux et du partenariat oriental de l’Union européenne.

Le deuxième atout porte sur la disponibilité en Tunisie de secteurs économiques de plus en plus organisés et de plus en plus aguerris à la compétition.

«Beaucoup de secteurs économiques du pays vont gagner en compétitivité et en attractivité. Nous avons discuté, à Paris, de ces secteurs lors de la dernière visite que le chef de l’Etat a effectuée en France», indique Nizar Yaïche. «Au nombre des secteurs ciblés, figurent des industries de la santé, les secteurs agricole et agroalimentaire, l’industrie l’automobile, le textile…».

La Tunisie peut devenir l’atelier de l’Europe

Faouzi Chérif, secrétaire général du parti El Massar (parti de gauche), est plus exhaustif sur le même sujet. Il estime dans une interview accordée à L’Economiste Maghrébin que «par l’effet de sa réactivité et proximité du plus grand marché de consommation du monde, l’Europe, le site de production international de Tunisie pourrait, moyennant rapport qualité/coût, devenir l’atelier du Vieux Continent dans plusieurs secteurs».

Il fait une mention spéciale pour trois secteurs : l’industrie textile (pour l’approvisionnement au moindre coût et avec la réactivité requise), des chaînes de distribution européennes, l’industrie des médicaments avec ses composantes, l’industrie pharmaceutique et le développement d’unités de fabrication de princeps de médicaments, et l’industrie des technologies de la communication et de l’information (TIC).

Défiscalisation totale des bénéfices…

En prévision de cette relocalisation de l’industrie européenne dans le bassin méditerranéen, le ministre des Finances a annoncé des mesures incitatives à l’investissement dans le cadre de la prochaine loi de finances complémentaire.

Il s’agit, entre autres, de la défiscalisation totale des bénéfices et revenus réinvestis par les entreprises totalement exportatrices, de la réduction de la pression fiscale à partir de l’année prochaine et de l’amélioration de la visibilité des secteurs compétitifs pour les futurs investisseurs européens.

Des mesures incitatives en vue

Dans cette perspective, le ministre des Finances a annoncé, la conclusion, en 2020, d’une trentaine de pactes de partenariat sectoriel public/privé (PPP). Objectif : organiser de manière évolutive les rapports des secteurs producteurs porteurs avec l’administration. En vue d’y impulser, en toute transparence, l’investissement, … «ces pactes comprendront les volets de gouvernance, fixation des prix, subvention, fiscalité et douane…».

Les gouvernants tunisiens semblent avoir saisi le message d’Emmanuel Macron sur la relocalisation de l’industrie européenne en Méditerranée, et commencent à s’y préparer en oeuvrant à améliorer l’attractivité du site Tunisie de production international.

Pour sa part, «l’UE devrait faire, aux pays de son voisinage méridional, une offre plus ambitieuse : un accès plus large au marché, davantage de possibilités pour leurs citoyens de travailler en Europe et davantage d’assistance financière et technique», estime le Centre for European reform.

Le message est clair.