Alors que la Tunisie achève sa deuxième semaine de confinement décidant de reculer le retour à la normale au 20 avril, sacrifiant économie et paix sociale au souci sanitaire, Covid-19 oblige, la réponse de la Chine aux attentes des Tunisiens est, le moins qu’on puisse dire, décevante.

Serait-ce le fait d’une diplomatie confuse, qui navigue à vue ? Serait-ce parce que la Tunisie ne revêt pas autant d’importance pour la Chine que d’autres pays avec lesquels la superpuissance économique mondiale entretient des relations privilégiées ?

Que fait notre ambassadeur en Chine ? Que fait Tahar Bayahi, président de la Chambre économique tuniso-chinoise ? Que fait le président du Conseil d’affaires sino tunisien ?

Ce beau monde censé être bien introduit dans les sphères économiques et diplomatiques chinoises se rend-il compte de l’importance de son rôle pour un lobbying efficient au service de notre pays ?

Le message reçu par le président Saïed mardi 31 mars 2020, de la part du président chinois a de quoi désarçonner plus d’un !

La Chine avec laquelle la Tunisie subit un déficit commercial de 5,852 milliards de dinars de manière pour le moins « détachée » avec un pays avec lequel elle est liée par des relations diplomatiques depuis 1964.

La Chine a aussi toujours répondu présente lorsque la Tunisie l’a appelée, en témoigne le dernier hôpital construit par ses soins à Sfax. 15 projets auraient été financés par la Chine entre 2000 et 2011 dont une aide humanitaire en nature de 4,6 millions de dollars en 2011, un accord de coopération technologique et économique signé la même année, et une subvention de 30 millions de yuans en nature pour la construction de deux barrages dans le gouvernorat de Tataouine*.

Que penser dans ce cas du message envoyé par le président chinois à Kaïs Saïed ? M. Xi Jinping exprime sa gratitude envers le président tunisien pour sa solidarité avec la Chine dans sa lutte contre l’épidémie depuis les premières heures. Bla, Bla, Bla…

La diplomatie c’est magnifique, c’est bien, mais que la Chine montre une véritable volonté d’aider la Tunisie en ces temps difficiles, ça serait beaucoup mieux.

M. XI Jinping a informé notre président que son pays est prêt à fournir, dans la mesure de ses moyens, et a souligné qu’il est prêt à partager ses expériences avec la Tunisie dans la lutte contre cette épidémie.

Il a affirmé que la Chine était prête à accorder à la Tunisie des facilités de paiement au cas où elle serait désireuse d’acheter du matériel médical pour lutter contre le virus Corona, soulignant que le but de tout cela était de protéger la sécurité et la santé des Tunisiens et des Chinois.

Cela veut dire quoi « dans la mesure de ses moyens » pour un pays comme la Chine alors que toute la population tunisienne dépasse à peine la moitié des habitants de Pékin ? Serait-ce une fin de non recevoir ? Une manière de dire, “ne comptez pas bénéficier de mesures de faveur” ? Et comme le disent les sages chinois : «Cent “non” font moins de mal qu’un “oui” jamais tenu».

Un homme des médias édifié sur la culture chinoise et au vu de la qualité des relations entre nos deux pays a commenté ainsi le message du président chinois ainsi: «Je suis étonné que l’on ait rendu publique la teneur de la missive adressée par le président chinois au nôtre.

C’est de la diplomatie commerciale et en principe, elle ne relève pas du domaine public.

Aujourd’hui, je crois que nous ne sommes plus dans la diplomatie des masques mais plutôt dans celle de bas les masques ! Nous découvrons que le monde n’est pas aussi solidaire que l’on pensait, que l’Europe risque d’éclater, que l’Amérique n’assure plus comme avant et que la Chine est en train d’éclipser les autres puissances économiques.

De ce fait, on n’est plus dans le je vous aime, mais dans une autre dimension beaucoup plus pratique : tout le monde défends ses intérêts ! De ce fait, les décideurs tunisiens doivent user de tout leur art en diplomatie économique, doivent exprimer leurs demandes de manière claire et faire jouer leurs relations privilégiées avec autrui pour que notre pays puisse bénéficier des faveurs de ses amis de toujours et la Chine en fait partie».

Grands temps de repenser notre diplomatie économique et de changer de posture! Il ne sert à rien d’être timoré lorsque l’audace peut apporter beaucoup plus !

Amel Belhadj Ali