Le monde vit l’une de ses crises sanitaires la plus dramatique depuis un siècle, le coronavirus est en train de redessiner les cartes aussi bien géopolitiques que géoéconomiques de la planète terre et chez nous, le Chef de Gouvernement est encore en train de «brainstormer» avec ses ministres sur les mesures à prendre au cas où nous passons du stade 2 au stade 3, c’est-à-dire à celui de la propagation du virus à grande échelle !

La seule affirmation avancée, il y a quelques temps par Elyes Fakhfakh, Chef du Gouvernement est que la croissance pourrait reculer de 2,7% à 1%. Comment pallier à cette chute brutale du taux de croissance, si chute il y a, quelles mesures prendra l’Etat tunisien pour préserver ce qui reste d’une économie chancelante, quelles décisions d’urgence à prendre pour soutenir un secteur privé en souffrance qui sera indiscutablement impacté par la pandémie Covid-19 ?

Pas de réponses !

Alors que les bourses mondiales ont vécu hier le pire des crashs boursiers des 20ème et 21ème siècles et que les entreprises européennes partenaires marchent au ralenti, au Premier ministère, que fait-on pour sauver l’économie du pays ?

L’ARP, elle, on n’y compte pas, la seule loi qui a vu le vote du plus grand nombre de députés est celle des passeports diplomatiques !

Le peuple tunisien était en droit d’attendre du Chef de Gouvernement un discours solennel où seront annoncées les décisions de l’Etat tunisien (s’il existe encore) pour gérer l’épidémie sur le plan économique, mais non rien. La communication du Premier ministère est en quarantaine confinée dans les couloirs du plus haut lieu décisionnel du pays !

On n’a pas parlé de l’impact du ralentissement économique en Chine sur nos entreprises qui importent tous leurs matériaux de Chine et dont les conséquences pourraient être le blocage pur et simple de leurs activités !

Aucune décision non plus par rapport au secteur touristique où l’on parle déjà de baisses notables du nombre de touristes !

10 ans, après la fameuse révolution (sic) qui a émerveillé le monde, nous nous retrouvons avec un gouvernement hésitant qui navigue à vue.

Sauver des vies tout en préservant le tissu économique et moyens de substance semble être une adéquation difficile à réaliser pour un gouvernement qui a hérité d’un Etat presqu’en faillite où l’enveloppe dédiée aux catastrophes naturelles et aux générations futures a été engloutie dans les dédommagements et par une mauvaise gestion des ressources de l’Etat.

Aujourd’hui, face aux risques colossaux du coronavirus, le gouvernement Fakhfakh est-il dans la préparation d’un plan d’action pour pouvoir intervenir efficacement et à tous les niveaux ? A-t-il les moyens d’anticiper les risques et de les évaluer pour réduire les dommages ? A-t-il mis en place une plateforme nationale pour l’échange d’information et la coordination des actions ? A-t-il réfléchi à un plan de relance de l’économie nationale ? A-t-il les ressources nécessaires pour contrer l’évolution du virus ?

A cette dernière question, la réponse est non !

Seule posture d’Elyes Fakhfakh exprimée lors d’une récente conférence de presse consiste en l’appel lancé aux Tunisiens de se soumettre aux directives du ministère de la Santé. Un ministère dont les cadres qui ont hérité d’une expertise dans la gestion des crises sanitaires datant des années 90 et 2000 se dévouent nuit et jour pour juguler le phénomène Coronavirus sans grands moyens.

Pendant ce temps, dans les pays démocratiques que nous avons « mimétisés » sans atteindre leur niveau de développement, de respect des institutions, d’engagement des pouvoirs publics ou des citoyens pour lutter contre des catastrophes comme le Corona, on agit, on communique, on décide et on rassure !

Ainsi, l’Allemagne suivie tout de suite par la France a mis en place une armada de mesures visant à soutenir l’économie.

En Allemagne, le recours facilité pour les entreprises en difficulté au chômage partiel de leurs salariés a été décrété tout comme l’octroi de prêts en cas de difficultés de trésorerie. Une enveloppe supplémentaire de 12,8 milliards d’euros sur quatre ans pour l’Allemagne a été débloquée pour des investissements d’infrastructure.

Peter Altmaier ministre de l’Économie s’est adressé aux entreprises en ces termes : « Nous n’allons pas vous laisser tomber, nous allons vous aider à surmonter cette période difficile » !

Le Président français, Emmanuel Macron a annoncé jeudi soir dans un discours solennel, les principales mesures prises par l’Etat pour gérer la pandémie Covid-19.

L’Etat français prendra en charge l’indemnisation des salariés contraints à rester chez eux. S’agissant des cotisations et des impôts, toutes les entreprises qui le souhaitent pourront reporter sans justification, sans formalités, sans pénalités, le paiement des cotisations et impôts dus en mars ».

Il a également été décidé, un soutien de l’État et de la banque de France (médiation du crédit) pour négocier avec les banques un rééchelonnement des crédits bancaires.  Bpifrance garantira des lignes de trésorerie bancaires dont les entreprises pourraient avoir besoin à cause de l’épidémie et reconnaissance par l’État du Coronavirus comme un cas de force majeure pour ses marchés publics, ce qui épargnera aux entreprises le paiement de pénalités de retard.

Bruno Le Maire, ministre français de l’Economie a affirmé vendredi 13 mars sur BFMTV que l’Etat dédommagera les parents qui n’ont pas les moyens de faire garder leurs enfants, qu’il envisagera des modes de garde spécifiques pour que les mères puissent aller travailler et qu’il mettra en place un dispositif spécifique pour des aides-soignantes à domicile.

Le Maire a assuré que quoi qu’il en coûterait, la France soutiendra son économie, rassemblera ses forces, et reconstituera ses stocks pour dépasser la crise.

En Tunisie, qui pourrait faire pareilles promesses pour rassurer un peuple dont le sentiment d’être orphelin se renforce à chaque fois que le pays traverse une épreuve qu’elle soit sécuritaire, économique ou sanitaire ?

Amel Belhadj Ali