Abstraction faite des récoltes record de céréalières (2,4 millions de tonnes) et oléicole (350 mille tonnes) qui demeurent des productions de pointe, l’exercice 2019 a été marquée par l’entrée en fonction de deux mécanismes d’assurance agricole : le fonds d’indemnisation des agriculteurs en cas de catastrophes naturelles et l’application de la micro-assurance agricole «Ahmini» au profit des ouvrières agricoles rurales.

Entrée en fonction effective du Fonds d’indemnisation des dégâts causés aux agriculteurs et pêcheurs par les catastrophes naturelles.

Pour saisir l’ampleur de ces dégâts résultant des catastrophes naturelles, notamment pour ceux qui ne sont pas assurés, une étude effectuée au mois de décembre 2018 par la Caisse tunisienne d’assurances mutuelles agricoles (CTAMA), sur l’Assurance agricole, a évalué leur valeur à 345 millions de dinars, pour les huit dernières années.

L’entrée en application de ce Fonds, institué dans la loi des finances de 2018, vient contribuer à l’indemnisation des dégâts subis par les agriculteurs et pêcheurs par les calamités naturelles qui n’étaient couvertes, jusqu’à ce jour, par aucun régime d’assurance.

Concrètement, le Fonds garantit un dédommagement au taux de 60% des dégâts intervenus suite à des inondations, tempêtes, vent, sécheresse et gel. Selon les textes d’application du fonds, l’agriculteur assuré est indemnisé à partir d’un seuil minimum de dégâts fixé à 25%.

Ce nouveau Fonds est financé par trois sources : une  subvention de l’Etat (30 MDT ont été alloués à ce fonds en 2018 et un montant équivalent en 2019), l’institution d’une taxe de 1% sur la production agricole et l’assurance agricole. Ce Fonds constitue une belle avancée dans la mesure où, depuis la création de la première compagnie d’assurance agricole coloniale, ni l’Etat ni les assureurs privés n’ont osé couvrir les grands risques tels que les inondations et la sécheresse en raison de leur coût élevé.

La seule fois où l’Etat y a pensé, c’était dans les années 80 en créant un fonds mais sans jamais y mettre le financement nécessaire. Tout ce qu’il a pu faire, depuis, c’est aider les agriculteurs en rééchelonnant leurs dettes.

La CTAMA, doyenne des compagnies d’assurance agricole du pays, n’a pas fait mieux en dépit de quelques mesures prises en 2007 pour faciliter l’accès des agriculteurs à cette branche d’assurance. La compagnie a réduit ses tarifs aux taux de 40% pour la grêle et incendie récolte, et de 30% pour la mortalité de bétail.

L’assureur, qui s’est vu confier la gestion du Fonds suite à un appel d’offres, n’assure, de nos jours et jusqu’à l’entrée en fonction de ce Fonds, que le corps navires de pêche, les chambres frigorifiques, la mortalité du bétail, grêle et incendie récolte, matériel agricole et multirisques serres.

Moralité de l’histoire : le secteur agricole, qui compte 520 mille agriculteurs d’après l’étude de la CTAMA, est toujours une activité sous-assurée.

Par les chiffres, la part de l’assurance agricole dans l’activité globale du marché des assurances est estimée à 3% en 2016 contre 5,7% en 2011 tandis que les agriculteurs assurés ne représentant que 8% seulement du total recensé.

L’étude justifie ce faible chiffre par quatre facteurs : le morcellement des terres (3/4 des agriculteurs gèrent des exploitations de moins de 10 hectares), l’assimilation fâcheuse de l’agriculteur à une catégorie sociale pauvre et vulnérable, le coût élevé de l’assurance agricole (250 dinars pour l’assurance grêle et mortalité de bétail et l’absence de campagnes de communication et de sensibilisation.

La micro-assurance Ahmini, une application révolutionnaire. Baptisée «Ahmini» (protège-moi), cette micro-assurance, entrée en vigueur depuis le 9 mai 2019, a pour objectif de faciliter l’intégration des travailleuses rurales dans le système de couverture sociale du pays. Quelque 500 mille rurales opérant dans le secteur agricole pourront bénéficier, à la faveur d’une adhésion à Ahmlini, d’une couverture sociale décente.

«Le principe d’Ahmini se résume dans le fait que les ouvrières peuvent verser leurs cotisations à distance à travers le téléphone portable. Les abonnements seront par la suite envoyés à la Poste tunisienne qui les transmettra, à son tour, aux services de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). “Elles deviennent ainsi affiliées, et ce sans se déplacer. Le versement peut se faire chez une épicerie partenaire”, a indiqué le porteur de la plateforme Ahmini, Maher Khlifi.

Pour en bénéficier, les femmes rurales vont y cotiser par simple paiement téléphonique, à hauteur d’un montant fixé entre 0,6 et 0,8 dinar par jour.

Cette nouvelle réforme est qualifiée par certains médias tunisiens d’«événement historique» dans la mesure où «la femme rurale en Tunisie assure, selon eux, la sécurité alimentaire de la Tunisie au taux de 35% alors qu’elle n’a aucune garantie professionnelle ni assurance maladie».

Au regard des bienfaits multiformes qu’elle génère, cette innovation qui a été certes très vite parrainée par le gouvernement gagnerait à être institutionnalisée et valorisée par des structures pérennes et solides.

Soutenu par la Banque mondiale, Ahmini a remporté, en 2017, le prix «Andi Fekra» (j’ai une idée) lancé par l’opérateur public Tunisie Telecom, et celui du meilleur projet social en Afrique dans le cadre du Social Business Bootcamps, ALINOV, en Algérie.

Tout récemment, cette application a obtenu le prix du meilleur projet innovant parmi une centaine de projets présentés à la 13ème conférence arabe “Arab Confrence”, tenue les 9 et 10 novembre à Harvard Business School relevant de l’Université Harvard aux Etats-Unis.

Cette micro-assurance peut être étendue à d’autres catégories de travailleurs journaliers indépendants opérant dans l’informel et résoudre le déficit de couverture sociale dont souffrent d’importants pans de la population tunisienne. Certains observateurs pensent qu’elle pourrait être exportée à d’autres zones du monde.

ABS