Changement climatique et émigration, la Tunisie est-elle concernée? Experts et activistes de la société civile ont répondu par l’affirmative.

Ils intervenaient, jeudi 21 novembre 2019 à Tunis, à un Café-débat organisé par le Centre international des technologies de l’environnement (CITET), en prévision du prochain sommet du climat (COP 25), prévu à Madrid du 2 au 13 décembre 2019.

Chokri Mezghenni, point focal du Fonds vert pour le climat (FVC) en Tunisie, indique que les ressources en eau conventionnelles vont baisser d’environ 28% à l’horizon 2030; leur qualité va se dégrader et près de 16 000 hectares de terres agricoles seront perdus. “Ceci pourrait engendrer une intensification de l’exode rural et mettre la pression sur les services dans les milieux urbains”.

Il estime que “tout va tourner autour de l’eau”. Les changements climatiques vont entraîner une élévation du niveau de la mer de 30 à 50 cm en Tunisie, d’ici 2050, un retrait des côtes, une intrusion marine dans les nappes phréatiques côtières, une dégradation des infrastructures hôtelières et portuaires et une dégradation de la biodiversité marine.

Il faut, dès aujourd’hui, penser à une relocalisation planifiée et identifier des solutions pour sédentariser les populations à travers la création, par exemple, de métiers verts adaptés au climat des régions, l’adoption de nouvelles méthodes de stockage de l’eau, le changement des méthodes d’exploitation de cette ressource qui devient de plus en plus rare et la création d’une structure locale d’aide à la décision, a-t-il préconisé.

“La migration climatique pourrait être aussi, un sujet qui aide à drainer des financements internationaux. Elle doit être parmi les priorités nationales et un critère d’éligibilité à la finance dédiée au climat”, a encore fait savoir Mezghenni.

Selon lui, l’Etat doit penser à engager un dialogue national sur la question de la migration climatique, pour identifier les populations exposées et faire en une cartographie et aussi, sensibiliser davantage à cette question.

“Comment pourrons-nous vivre dans des zones arides et invivables? ” telle est la question à laquelle il faut trouver une réponse aujourd’hui, affirme Ali Khachnaoui, docteur en géophysique, “le temps des diagnostics est fini, il faut comprendre que le réchauffement climatique est une réalité de la Terre à laquelle il faut tout simplement trouver des techniques d’adaptation”.

Déjà, la migration a été toujours perçue comme une tentative d’adaptation ayant échoué, et non comme une forme d’adaptation en soi. Pour la Tunisie, elle n’est pas la seule mesure d’adaptation envisageable, car il y a des alternatives d’adaptation auxquelles l’Etat devrait penser.

Une étude, élaborée en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le PNUD et la Confédération suisse, avait déjà identifié en 2017, au sein de trois gouvernorats (Gafsa, Jendouba et Kairouan), les délégations avec les pourcentages de départ les plus élevés pour y mener les enquêtes.

L’étude montre que dans les régions où l’état de dégradation des ressources (eau, sol, forêt) est important et où l’agriculture ne suffit plus à satisfaire les besoins des populations, les populations recourent à des activités de substitution ou optent pour l’émigration.

Le café-débat du CITET, dans sa quatrième édition, est une rencontre qui réunit, la fin de chaque mois, des intervenants et des représentants de la société civile, des établissements publics, du secteur privé, des universitaires, des chefs d’entreprise et des médias afin de discuter et débattre de thématiques liées à l’environnement et au développement durable.