Apparemment inquiets pour l’évolution préoccupante que connaît le pays en cette période électorale, plusieurs responsables ont lancé, par le canal des médias, des appels de détresse aux femmes tunisiennes pour leur demander de voter massivement aux élections législatives et au 2ème tour de la présidentielle. Deux appels méritent qu’on s’y attarde.

Le premier a été lancé, dans la soirée du jeudi 3 octobre 2019, sur la chaîne de télévision privée El Hiwar Ettounsi, par Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).

En lançant cet appel, le numéro un de l’UGTT semble avoir encore à l’esprit le 1,2 million de femmes, «les fameuses bajboujettes», qui avaient voté utile en 2014, pour le défunt Béji Caïd Essebsi afin de contrecarrer le projet de société obscurantiste et déstructurant d’Ennahdha.

Des femmes désespérées des politiques 

Malheureusement, au regard des résultats obtenus par des terroristes et contrebandiers déguisés aux élections législatives 2019, les femmes tunisiennes n’étaient pas au rendez-vous. Elles ont donné l’impression qu’elles n’avaient pas écouté cet appel et que plus rien ne les intéresse dans ce pays.

Selon des statistiques fournies par l’Instance supérieur indépendante pour les élections (ISIE) sur le vote par sexe, sur les 2,6 millions des Tunisiens qui se sont déplacés pour voter, 36% sont des femmes contre 64% pour les hommes.

Il faut reconnaître que cette répugnance des femmes à aller voter est fort compréhensible. Et pour cause. Ces merveilleuses bajboujettes, ces femmes tunisiennes libres (Hraier Tounès), ont été lamentablement trahies par leur Bajbouj (BCE) qui a choisi de s’allier aux islamistes nahdhaouis et de plonger ainsi le pays dans une crise multiforme sans réaliser, durant son mandat, une quelconque réforme et un quelconque résultat notoire.

Pis, le défunt Bajbouj a été une source de blocage et à l’origine de certains problèmes que rencontre, actuellement, le pays en raison de quatre bourdes majeures :

  • la non adoption de la loi sur la Cour constitutionnelle qui aurait dû être adoptée six mois, après l’annonce des résultats des élections de 2014 ;
  • la non révision de la loi électorale ;
  • les mauvais choix des chefs de gouvernement et les blocages institutionnels que ces choix avaient générés ;
  • l’entêtement à maintenir son fils à la tête du parti vainqueur aux élections générales de 2014, en l’occurrence Nidaa Tounès.

Aujourd’hui, le bilan est on peut plus catastrophique : BCE est mort, son fils s’est enfui à l’étranger, mais le pays et le peuple sont restés en butte à des difficultés énormes causées par BCE.

Sauver ce qui peut être sauvé

Le second appel a été lancé dans la soirée de mardi 8 octobre 2019, sur la même chaîne de télévision, par Salwa Smaoui, épouse de Nabil Karoui, candidat au 2ème tour de la présidentielle et actuellement en prison pour présomption de fraude fiscale et de blanchiment d’argent.

Dans son appel, Salwa Smaoui, qui parlait au nom de son époux et de son parti Qalb Tounès, a été plus pédagogue. Elle a invité les femmes à aller voter, le 13 octobre, pour sauver les acquis accomplis en leur faveur depuis l’accès du pays à l’indépendance en 1956.

Et Smaoui de prévenir : si les femmes ne le font pas, alors elles auront permis aux forces obscurantistes de contrôler toutes les institutions du pays, particulièrement l’armée -qui est restée jusque-là le dernier rempart pour préserver le régime républicain laïc et l’indépendance du pays.

Nous pensons pour notre part qu’en portant au 2ème tour les candidats populistes – Kaïs Saïed, un utopiste, et Nabil Karoui, un homme d’affaires réputé pour être véreux-, les électeurs n’ont pas donné beaucoup de choix pour le 2ème tour.

Le vote utile est toujours indispensable

Pour mémoire, nous avons connu la même situation au 2ème tour de la présidentielle en 2014 entre Mohamed Béji Caïd Essebsi et Mohamed Moncef Marzouki. A l’époque, c’était comme s’il fallait choisir entre la peste et le choléra. Et pourtant, BCE a pu remporter ces élections grâce au vote utile de 1,2 million de bajboujettes.

En 2002, la France a connu la même situation. Le 2ème tour de la présidentielle à l’époque avait mis face à face Jean-Marie Le Pen, de l’extrême droite, et Jacques Chirac, de la droite, qui était impopulaire à l’époque en raison de sa condamnation à deux ans de prison avec sursis suite à son implication dans l’affaire des emplois fictifs lorsqu’il était maire de Paris.

Le résultat on le connaît : pour contrecarrer le péril de l’extrême droite, les Français avaient voté utile pour Chirac qui remporta les élections au fort taux de 82,21% des suffrages grâce au soutien massif de la gauche. Cette dernière ayant appliqué le concept du front républicain face au candidat de l’extrême droite.

C’est un peu cette même situation que connaît actuellement la Tunisie. Pour reprendre la crainte de Salwa Smaoui, il serait périlleux pour le pays de mettre tous les pouvoirs du pays entre les mains de hordes d’écervelés partisans d’un projet de société moyenâgeux et utopique.

Cela pour dire que lorsqu’il y a un feu, on ne doit pas faire trop attention à ceux ou à celles qui peuvent contribuer à l’éteindre. On l’aura dit.