Deux semaines se sont écoulées depuis la divulgation des résultats du scrutin, il était temps de prendre du recul et de contempler le panorama du paysage post-électoral.

Telles que les séquences d’un thriller, les événements ont évolué en dents de scie et les médias n’ont pas manqué à amplifier les montagnes russes par le biais des manchettes bouleversantes épicées par des syntagmes aussi fermes qu’angoissants :

“Séisme”, “ Mafia”, “soutenu par X”, “Profil énigmatique”, “La victoire de l’anti-système”, “ultra conservateur”, “la révolution des urnes” …

En dépit de l’ambiance de suspense qui a précédé la révélation des urnes, les débats les “élites médiatiques” focalisés sur le taux “surprenant” d’abstention des électeurs se déroulaient dans une atmosphère de discernement et de clémence. Tout se passait à merveille jusqu’à ce que l’apparition des premiers résultats affirmant le passage des deux candidats, Kais Saied et Nabil Karoui, au second tour de la présidentielle vienne provoquer une explosion de frénésie sur les plateaux.

Et depuis, le chaos s’est installé: une amalgame d’interprétations mêlée à une tumulte de questions convergent vers un dilemme existentiel: Qui est Kaïs Saied?

Les résultats des sondages sortis des urnes diffusés en direct le 15 septembre ont très rapidement annoncé le passage de Kaïs Saied et de Nabil Karoui au deuxième tour.

Le suicide de la famille démocrate

Toujours sous l’effet de la secousse, la famille démocrate ayant toujours du mal à se remettre de la claque reçue par le scrutin, vit toujours dans le déni.

En dépit de toutes les tentatives des partisans de “la famille démocrate” de faire face à cette dispersion et d’assurer le retour dans la partie par le biais des groupes fermés sur les réseaux sociaux (qui sont désormais des plateformes d’échange de rhétoriques violentes entre les supporteurs des différents candidats) et des recours contre le résultat du scrutin, ces plans semblent loin d’aboutir.

Si les membres de cette famille de “républicains-démocrates” n’ont pas vu le fiasco venir, c’est parce qu’ils étaient préoccupés par leurs ego et leurs intérêts politiques. De plus, ils n’ont en aucun cas fait preuve de mea culpa ou de remise en question ou de volonté de changement de gamme.

Suite aux choix qui ont manqué de cohérence et aux élans capricieux et aux rapports belliqueux qui ont accompagné les campagnes électorales, le résultat ne peut pas être aussi intelligible.

Au moment où on avait le plus besoin de rallier les troupes, au-delà de toutes les classes hétéroclites et des différences idéologiques, la famille “démocrate” promouvait une image qui inspirait tout sauf la fiabilité.

L’ “élite” médiatique

Cette “élite” accuse toute partie ne partageant pas le même avis qu’elle de manquer de bon sens et quand un journaliste proclame en direct “Le peuple n’est pas sacré”, peut-on toujours parler d’”élite médiatique” d’un pays démocratique?

Pendant plusieurs jours, on a assisté à des débats hystériques qui tournaient autour de la menace pour le pays dans le cas de l’élection d’un président “fanatique”.

Aveuglés par l’obsession d’avoir toujours raison, ils enchaînent quotidiennement des “dialogues de sourds”.

Certains des soutiens de Kaïs Saied considèrent les médias comme faisant partie du système obsolète qu’ils souhaitent faire tomber par les urnes: ils sont persuadés que les propos médiatiques ont creusé une faille entre cette élite et une partie du peuple tunisien.

Le processus démocratique

Au milieu de ce maelström, il nous revient de se demander: Et la démocratie dans tout cela?

Il y a quelques semaines, on célébrait la réussite du processus démocratique tunisien, grâce à une transition pacifique du pouvoir après le décès de Béji Caïd Essebsi et la conduite civilisée des débats qui ont été admirés par les peuples voisins.

Au-delà de la personnalité hermétique de Kaïs Saied et des affaires qui poursuivent Nabil Karoui, le peuple a fait un choix qu’il considère légitime.

Les politiciens ont perdu leur crédibilité auprès du peuple à cause des erreurs du passé, et il ne fallait pas parier sur la crédulité du peuple ni sur l’illusion d’une confiance perdue et irrévocable.

Maintenant, il nous reste un long parcours à franchir et l’enjeu est social par excellence: l’étape suivante requiert beaucoup de patience et un investissement collectif, et il faut garder en tête que Rome ne s’est pas faite en un jour.

Ibtissem