En cette période d’extrême précarité, des centaines de milliers de tunisiens peuvent respirer et trouver une relative sérénité pour peu que trois initiatives soient valorisées et appliquées en urgence. Il s’agit de deux projets de loi, l’un traitant du statut de l’autoentrepreneur tandis que l’autre porte sur la systématisation de l’économie solidaire. La troisième initiative concerne une micro-assurance innovante dédiée aux travailleuses rurales.

Les trois réformes présentent l’avantage d’être concoctées en partenariat entre la société civile et le gouvernement, de responsabiliser les citoyens et de mettre fin à l’assistanat de l’Etat. Gros plan sur ces réformes.

Dans une première partie, nous avons traité du projet de loi sur le statut de l’autoentrepreneur et le rôle qu’il peut jouer dans la réduction de l’informalité.

Dans une seconde partie, nous avons évoqué l’économie solidaire, et dans cette troisième et dernière partie, nous allons jeter la lumière sur une micro-assurance sociale innovante.

La troisième initiative est une innovation majeure en matière de micro-assurance sociale mise au point par un jeune startuppeur tunisien, en l’occurrence Maher Khlifi, informaticien de formation.

Baptisée « Ahmini » (protège-moi), cette micro-assurance, entrée en vigueur depuis le 2 mai 2019, a pour objectif de faciliter l’intégration des travailleuses rurales dans le système de couverture sociale du pays. Quelque 500 mille rurales opérant dans le secteur agricole pourront bénéficier, à la faveur d’une adhésion à Ahmlini, d’une couverture sociale décente.

Comment fonctionne Ahmini ?

Le principe d’Ahmini se résume dans le fait que les ouvrières peuvent verser leurs cotisations à distance à travers le téléphone portable. Les abonnements seront par la suite envoyés à la Poste tunisienne qui les transmettra, à son tour, aux services de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). “Elles deviennent ainsi affiliées, et ce sans se déplacer. Le versement peut se faire chez une épicerie partenaire”, a indiqué le porteur de la plateforme Ahmini, Maher Khlifi.

Pour en bénéficier, les femmes rurales vont y cotiser par simple paiement téléphonique, à hauteur d’un montant fixé entre 0,6 et 0,8 dinar par jour.

A l’origine de cette réforme innovante tunisienne, un drame. Tout a commencé quand la mère rurale du jeune Maher Khlifi, initiateur d’Ahmini est décédée, en 2013, dans des conditions malheureuses suite à une longue maladie en l’absence de toute assistance sociale et médicale. La défunte n’étant pas affiliée à une caisse de sécurité sociale du pays.

Depuis, son fils, rongé par la douleur, s’est engagé à aider les femmes rurales à bénéficier d’une couverture sociale décente. Après une longue observation de la femme rurale au travail, il est parvenu à mettre en place cette plateforme Ahmini.

«Avant de concocter mon projet j’ai dû observer de près les femmes qui parcouraient de longues distances à la recherche d’un travail à la ferme et travaillaient de longues heures sous la pluie, le vent et la chaleur extrême sans protection et assurance», a déclaré Maher Khlifi aux journalistes.

Cette nouvelle réforme est qualifiée par les médias locaux d’«événement historique» dans la mesure où «la femme rurale en Tunisie assure, selon eux, la sécurité alimentaire de la Tunisie au taux de 35% alors qu’elle n’a aucune garantie professionnelle ni assurance maladie».

Au regard des bienfaits multiformes qu’Ahmini génère, cette innovation, qui a été certes très vite parrainée par le gouvernement, gagnerait toutefois, à être institutionnalisée et valorisée par des structures pérennes et solides.

Distinctions d’Ahmini à l’international

Soutenu par la Banque mondiale, Ahmini a remporté en 2017 le prix «Andi Fekra» (j’ai une idée) lancé par l’opérateur public Tunisie Telecom et celui du meilleur projet social en Afrique dans le cadre du Social Business Bootcamps, ALINOV, en Algérie.

Cette micro-assurance peut être étendue à d’autres catégories de travailleurs journaliers indépendants opérant dans l’informel et résoudre le déficit de couverture sociale dont souffrent d’importants pans de la population tunisienne. Certains observateurs pensent qu’elle pourrait être exportée à d’autres zones du monde. Et pour cause.

«Ahmini respecte le principe de base sur lequel se fonde la micro-assurance en tant que mécanisme devant protéger des personnes pauvres contre un certain nombre de risques : accident, maladie, décès d’un membre de la famille, catastrophe naturelle…».

Elle cible principalement les travailleurs à faibles revenus des pays en développement, particulièrement ceux travaillant dans le secteur informel qui sont souvent mal servis par les assureurs commerciaux et les systèmes d’assurance sociale traditionnels.

En échange de cette micro-assurance, les bénéficiaires payent une cotisation adaptée à leurs besoins, à leurs revenus et à leur niveau de risque. Une travailleuse rurale payée à raison de 15 dinars par jour peut facilement réserver moins d’un dinar pour s’assurer, à terme, une retraite et une couverture sociale acceptable.

Cela pour dire qu’il n’y que des avantages avec cette micro-assurance innovante. A titre indicatif, elle permet aux assurés de se rétablir après une crise. Elle peut les aider à éviter de prendre des mesures d’adaptation pénibles, souvent dévastatrices, comme faire travailler leurs enfants, réduire leur consommation alimentaire ou vendre des actifs productifs.

Au plan macroéconomique, elle favorise la résilience, renforce les ressources des caisses de sécurité sociale et contribue aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), notamment en réduisant la faim et la mortalité infantile et en améliorant la santé maternelle.

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