Saber Mansouri et Khaoula Hosni sont deux jeunes romanciers dont l’expérience respective dans la nouvelle écriture romanesque suit un cheminement assez différent. Il s’agit de deux parcours peu similaires d’un auteur habité par l’humain et l’histoire et une auteure qui alimente ses idées d’un monde plutôt fictif qui essaye d’échapper au réel.

Autour du thème “L’écriture subjective dans la littérature contemporaine”, un dialogue littéraire entre ces deux auteurs a eu lieu mercredi en fin d’après-midi à la Foire internationale du livre de Tunis (FILT) 2019.

De leurs témoignages, il ressort un certain nombre d’exigences qui guident la création auprès de ces deux lauréats du prix Comar d’or, 2014, du roman en langue Française (Le grand prix pour “Je suis né huit fois” de Saber Mansouri et le prix du jury pour “D.A.B.D.A” de Khaoula Hosni).

Entre un romancier qui dit travailler à l’ancienne c’est à dire avec sa plume et une romancière qui suit la tendance en écrivant sur le clavier, le roman prend de toute manière forme.

“La notion de transe et d’un état second” dont parle Mansouri lui permettent de peindre des caractères. Car pour écrire, il a besoin d’être “possédé, habité par ses personnages”.

Un processus qui n’est pas sans douleur. Il passe, d’abord, par l’étape de l’inspiration, plus ou moins longue selon l’auteur. En littérature comme dans tout champ de création artistique et culturelle, chaque auteur adopte un certain nombre de rituels. Vient ensuite l’étape de l’écriture elle même, pour accoucher d’un contenu qui répond aux choix fondamentaux de l’auteur et sa capacité à valser avec le verbe et à échapper à toute sorte d’autocensure.

Ceci se développe dans une sorte d’équation parfois difficile à cerner. Les limites semblent souvent minces entre le conscient ou le volontaire et l’inconscient ou l’involontaire qui touchent au contenu littéraire de chaque romancier. Deux étapes qui se font selon les exigences du genre dans lequel chaque auteur est le plus créatif.

Partant de sa qualité d’historien, Mansouri présente une vision plus en relation avec le vécu, d’où écrire l’histoire s’avère indissociable de sa vocation de romancier. Il revient sur ses choix littéraires et son intérêt pour la démocratie athénienne et la république de Platon dans le cadre d’un Essai.

Le processus de l’histoire alimente visiblement la genèse de sa reconversion vers le roman. De son dernier roman, -“Une Femme sans écriture”, paru aux éditions du Seuil 2017, il parle d’une histoire qui part d’Alger et finit dans le Nord-Ouest tunisien. Un récit sur quatre femmes en 1827 dans deux pays pris d’assaut par le colonialisme. “Ce qui m’a permis de m’affranchir de la tentation d’écrire un énième livre sur l’histoire et la géographie de la région, c’est ma connaissance de la carte et de l’histoire” dit-il.

La force d’un roman, selon lui, doit émaner de la connaissance de l’auteur qui “gouverne le verbe et le rend souverain” alors que le manque de connaissance ou de maîtrise finira par “affaiblir le verbe”.

Avec un parcours qui a commencé avec la nouvelle, la romancière qui puise ses idées dans le fantastique et le surnaturel, Khaoula Hosni mentionne son intérêt plutôt à se mettre “à l’écart de la politique et de la religion”. Pour elle, écrire c’est être exclusivement dans le fictif sans pour autant chercher à se coller aux “problèmes du réel ou à militer pour une cause quelconque”. D’ailleurs, a-t-elle précisé, le thème de son roman,-“Les Cendres du Phoenix” paru aux éditions Arabesques en 2018-, est construit à partir de faits et personnages complètement fictifs.

La romancière qui est aussi connue pour son projet d’audiobooks basé sur le storytelling, cherche une écriture “aussi libre que possible”. Et même si elle essaye de se détacher de son environnement direct, elle admet qu’il est impossible d’y arriver complètement.