Quarante ans après sa publication, en 1978, “L’Orientalisme: L’Orient créé par l’Occident”, de son titre original “Orientalism”, ne cesse de susciter l’intérêt des académiciens aussi bien que le lectorat arabe et oriental. Un intérêt qui est souvent perçu comme dominant, au détriment des autres écrits de l’écrivain disparu malgré leur importance.

Dans un contexte général marqué par les guerres, les migrations et les crises géopolitiques, un retour sur l’œuvre de cet écrivain s’impose, notamment dans un milieu académique.

Trois académiciens, présents à la Foire internationale du livre de Tunis 2019, ont ouvert le débat lors d’une rencontre organisée lundi autour de l’œuvre de cet universitaire et critique littéraire palestino-américain (1935-2003).

Les universitaires Salah Mosbeh (Tunisie), Fawez Trabelsi (Liban) et Sobhi Hadidi (Syrie) sont revenus sur la réception en Orient de ce livre-référence dans la période postcoloniale qui a été traduit dans une trentaine de langues. Les académiciens s’accordent à dire que cet ouvrage comme la plupart de ses écrits cible implicitement un lectorat occidental, selon une approche critique.

En tant qu’universitaire spécialisé dans la philosophie, Saleh Mosbah, parle d’un livre aujourd’hui considéré comme “une référence, écrit par un critique qui était un grand lecteur des ouvrages philosophiques et autres, ayant opté pour un usage plutôt stratégique de la philosophie…”.

A son avis, grâce à l’orientalisme, Edward Saïd occupe actuellement une grande place dans la pensée du post-colonialisme -qui remonte aux débuts du 20e siècle-, dont il avait été l’initiateur.

Cette nouvelle tradition dans la pensée avait été largement répandue et adoptée par les milieux littéraires dans divers pays des différents continents ayant connu le colonialisme.

Sobhi Hadidi confirme la difficulté de la version originale du livre, évoquant la traduction vers l’arabe de ce livre et “l’usage d’un lexique qui constituait déjà une contrainte de plus pour la lecture et le lecteur”.

Pour le Libanais Fawez Trabelsi, “ce livre n’est sans doute pas le plus important des ouvrages d’Edward Saïd. Sans pour autant généraliser, tient-il à préciser, sa lecture dans la région arabe s’explique par les origines de son auteur, un palestinien qui a écrit sur la Palestine, mais aussi par le fait qu’Edouard Saïd a ôté le voile sur cette portée de la relativité de la connaissance européenne”.

Tout en présentant un homme qui est “un mélange de critique, théoricien et penseur, l’universitaire libanais estime que le livre a quitté son auteur pour acquérir un rôle en soi”.