Au commencement, la publication, le 20 mars 2019, du classement annuel des pays où l’on est heureux, en l’occurrence le fameux World Happiness Report (WHR), l’Indice mondial du bonheur (IMB).

Comme d’habitude, les pays scandinaves arrivent, sans surprise, en tête. La Tunisie a été classée, quant à elle, 124ème sur un total de 156 pays listés.

Les deux pays wahhabites du Golfe, l’Arabie Saoudite et le Qatar -qui financent les leviers de notre malheur, les politiques tunisiens, les écoles coraniques et les terroristes sanctuarisés sur les hauteurs du centre et du nord-ouest- font mieux que nous. Ils se classent 28ème et 29ème au niveau mondial.

Les secrets du bonheur des peuples

Ce classement est calculé sur la base de cinq principaux critères. Un pays est dit heureux si l’on y vit en paix et en sécurité, un pays où on vit en liberté et en démocratie, un pays où les droits de l’Homme sont respectés, un pays où on connaît une qualité de vie importante, un pays où la recherche, la formation, l’information, la communication et la culture sont partagées par tous.

Si on applique ces critères sur la Tunisie, nous nous rendons compte, très vite, que nous méritons amplement notre classement, que nous sommes bien loin de ces valeurs et que le chemin pour y parvenir demeure long, voire très long.

A l’origine de cette situation dramatique, l’indigence de notre pensée développementale et l’incompétence de certains de nos politiques et économistes. Ces derniers ont toujours navigué à vue et n’ont jamais su concevoir un modèle de développement inclusif.

Un modèle fondé sur la coexistence dynamique des trois secteurs : public, privé, social et solidaire. Un modèle qui repose, entre autres, sur des services publics de qualité accessibles à tous, s’agissant, particulièrement, du transport, de l’éducation, de la santé, de la sécurité …

Malheureusement en Tunisie, ces secteurs sont sinistrés et gangrenés par la corruption et la mauvaise gouvernance.

Car, si les peuples de l’Europe du Nord sont heureux, c’est tout simplement parce que leurs Etats et gouvernants leur fournissent l’essentiel de ces besoins avec en plus la qualité du service et le respect.

Autrement dit, ces peuples ne doivent pas leur bonheur parce qu’ils travaillent plus. Loin de tout cela. Ils sont heureux à la faveur d’un environnement sain, voire d’un état d’esprit sain et d’une mentalité citoyenne saine qui prévalent dans leurs pays.

Economistes et «économicistes»

Mention spéciale pour leurs économistes, budgétistes et monétaristes confondus. Ces derniers passent leur temps à innover et à identifier, régulièrement, de nouveaux mécanismes à même d’améliorer le quotidien de leurs compatriotes, de les responsabiliser et de leur rappeler et leurs droits et leurs devoirs.

Quant à nos économistes (certains d’entre eux), tout comme nos gouvernants (certains d’entre eux), ils naviguent à vue. Ils sont toujours férus d’indicateurs caducs et dépassés.

Leurs analyses s’articulent, constamment, autour du PIB –pour Produit intérieur brut-, des déficits jumeaux, du trend haussier de l’inflation et du TMM –pour Taux du marché monétaire-, de l’effondrement du dinar, de l’assèchement des liquidités…

A titre indicatif, au moment où nos économistes ne jurent que par le PIB, cet indicateur est de plus en plus ignoré dans certains pays développés. Et ce pour une raison simple : tout le monde reconnaît, de nos jours, que le PIB est un indicateur insuffisant pour juger de la situation d’un pays. Il est insuffisant parce qu’il ignore de nombreux éléments qui sont importants dans la vie de chacun.

Des critères pour contourner les limites du PIB

La seule avancée marquante pour dépasser le PIB a été la création, en 1990, de l’indicateur de développement humain (IDH) qui est calculé et publié tous les ans par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). L’IDH agrège trois éléments pour chaque pays: le PIB, l’espérance de vie à la naissance et le niveau de formation.

A titre indicatif, l’indice de pauvreté n’est pas calculé dans le cadre de l’IDH en termes monétaires (est pauvre celui qui ne dispose que de 3 dollars par jour), mais en termes de misère humaine, c’est-à-dire du degré d’accès aux soins, à l’éducation et aux services publics essentiels.

L’Indice du bonheur mondial (IBM) va plus loin. Il est calculé sur la base d’une gamme de critères plus large.

Celle-ci comprend 10 indicateurs : le PIB par tête d’habitant, l’espérance de vie à la naissance, le taux de scolarisation des jeunes, le taux d’alphabétisation des adultes, la consommation de calories, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans, l’indicateur sexospécifique de développement humain (inégalités entre homme et femme), la fracture audiovisuelle, la fracture digitale, la pureté de l’air.

Cela pour dire au final que si l’IBM classe la Tunisie à la 124ème place sur un total de 156 pays, nous nous devons en vouloir qu’à nos économistes et financiers. Ces derniers ont beaucoup tardé à intégrer dans leur cursus et analyses ces nouveaux leviers. Espérons seulement que les choses se passent autrement pour la formation de leurs étudiants.

A bon entendeur.