En 1991, on parlait déjà de droit à la santé en Tunisie, et on estimait prioritaires l’amélioration de la qualité des soins, l’optimisation des coûts, le réaménagement des modalités de partage des charges financières du secteur entre les principales sources de financements, la rationalisation des modes de gestion et le renforcement de l’efficacité des hôpitaux universitaires. Ceci a été mentionné par le rapport faisant état des actes du dialogue sociétal sur les politiques, les stratégies et les plans de santé, publié il y a 4 ou 5 ans et qui a fait l’analyse en profondeur du secteur de la santé qui est allé de mal en pis depuis deux décennies au moins.

Sonia Ben Cheikh, ministre de la Santé par Intérim, a déclaré, lors du Grand débat sur le secteur de la Santé, organisé vendredi 22 mars à la Cité de la culture et présidé par Youssef Chahed, «je souhaite que chacun garde à l’esprit la réalité des faits afin de proposer ce que l’on peut accomplir maintenant et pour les douze mois qui viennent. Ne perdons pas de vue les objectifs prioritaires de l’Etat qui visent à réaliser l’égalité des citoyens face à la santé, à la concrétisation du droit de bénéficier de soins de qualité pour toutes les catégories sociales, et à consolider le rôle du secteur sanitaire public en tant que pôle de référence en matière de soins préventifs et curatifs, de formation médicale et de recherche scientifique».

Le chef du gouvernement, qui avait suivi toutes les discussions appelant les participants à éviter les diagnostics connus par tout le monde et proposer des solutions, a lui aussi affirmé vouloir apporter des réponses rapides aux problèmes structurels du secteur de la santé à cours, moyen et long termes.

Ce jeudi 28 mars 2019, lors d’un conseil ministériel, des décisions ont été prises et des mesures sont tombées. Elles visent en premier lieu la consolidation du système de santé et sa pérennisation, les équipements de santé et de maintenance, les médicaments et le matériel médical, la gouvernance et la digitalisation du secteur, le renforcement du potentiel humain et la préservation des soins hospitaliers.

Il a été ainsi décidé de créer un fonds de soutien de la santé publique de 100 millions de dinars (MDT) en 2019 qui participe à couvrir les soins des bénéficiaire du système de soin AMG 1 et du tarif réduit AMG 2, et de rembourser à hauteur de 200 MDT les dettes des hôpitaux publics auprès de la Pharmacie centrale.

Par ailleurs, 107 MDT seront consacrés à l’acquisition d’équipements médicaux. Des appels d’offres seront lancés à cet effet au mois d’avril 2019 pour un montant de 85 MDT. Les acquisitions concerneront des IRM, des scanners, des équipements de chirurgie et autres.

D’autres ressources seront destinées à la maintenance des équipements médicaux lourds, sans oublier la mise en place d’un mécanisme de mutualisation des moyens entre les hôpitaux ainsi que l’élargissement du Fonds de concours numéro 5 pour couvrir les frais relatif à la maintenance.

Concernant la disponibilité des médicaments au sein des établissements hospitaliers, il a été décidé de généraliser l’expérience réussie de l’hôpital Habib Thamer dans la gestion et la distribution digitalisées des stocks et qui a permis une maîtrise des coûts de l’ordre de 30%, l’Etat se chargera de régler 13,5 MDT des dettes des hôpitaux publics. Il a également été convenu de multiplier par 2 les stocks des médicaments gérés par la pharmacie centrale et démarrer la réalisation de la cité des médicaments 2 au mois d’avril 2019.

Assainissement de la SIFAT et 2000 nouvelles recrues dans la santé

Le Conseil ministériel a aussi pris la décision d’assainir la situation de la Société tunisienne de l’industrie pharmaceutique (SIFAT) et de procéder à la restructuration des établissements à participations publiques.

2000 nouvelles recrues pourront rejoindre le secteur de la santé en 2019, et ce pour assurer la direction, répondre aux besoins de nouveaux services hospitaliers et remplacer les partants. On prévoit également l’aménagement immédiat de la centrale de traitement d’air dans certaines salles d’opération, la rénovation de 10 salles blanches.

Parmi les mesures les plus importantes prises dans le cadre du conseil ministériel de ce jeudi, c’est l’adoption de la loi concernant le droit des patients et la responsabilité médicale, l’adoption d’un projet de décret relatif au régime des études médicales, la relance des contrats touchant les services de sécurité et de propreté avec des sociétés spécialisées et le renforcement des ressources humaines en matière d’inspection administrative et financière dans les directions régionale de la santé.

Rappelons que parmi les constats relevés par la plupart des participants au Grand débat national, entre différents corps médicaux, secteur pharmaceutique, directeurs et managers des hôpitaux public, ministres et hauts responsables de l’Etat, il y en a qui, sur lesquels tout le monde s’est accordé :

– absence de discipline, de rigueur et de productivité ;

– délabrement des bâtiments et des équipements médicaux ;

– manque des personnels médicaux et paramédicaux ;

– départs massifs des compétences médicales (près de 450 médecins spécialistes et de plus de 150 généralistes) ;

– violences exercées par les familles des patients ou les patients eux-mêmes sur le corps médical qui n’est pas protégé.

Pr Habiba Mizouni, chef du service radiologie à la Rabta et SG du Syndicat des médecins, médecins-dentistes et pharmaciens hospitalo-universitaires (SMMDPHU), a appelé, lors de son intervention au débat, à adopter au plus tôt la loi sur le droit des patients et la responsabilité des médecins, ce qui permettrait de gérer au mieux les risques et la qualité des soins. «Cette loi permettra de définir la responsabilité des uns et des autres pour que notre médecine ne devienne pas une médecine défensive. Le secteur de la santé est un secteur stratégique car il concerne le présent et l’avenir de toute la population. Les enjeux sont immenses».

«Les défis sont difficiles à relever, mais les hommes et les femmes sont là, les compétences aussi, et c’est avec eux que la Tunisie réussira le pari de la modernité». C’est ainsi que Sonia Ben Cheikh avait conclu son discours du jeudi, Youssef Chahed a honoré aujourd’hui même sa promesse de réagir rapidement et efficacement au dossier santé en Tunisie à travers cette salve de mesures.

Ce n’est que le début, nous attendons leurs illustration dans les quelques semaines qui viennent. Les ressources financières, quant à elles, elles ont pu être «dénichées», il paraît que le ministre des Finances a plus d’un tour dans son sac.

Ainsi soit-il!

Amel Belhadj Ali