L’Allemagne arrive en tête du classement des pays jouissant de la meilleure image en Afrique francophone, selon le «Baromètre CIAN des leaders d’opinion en Afrique» (AFRICA LEADS) dont les résultats ont été rendus publics ces jours-ci.

Sur 1.244 leaders d’opinion interrogés, 45% ont placé la première économie européenne à la tête de ce classement, suivie par la Chine (37% des réponses), les Etats-Unis et le Japon (34%). La France, détrônée de sa première place et évincée de ses anciennes colonies par de nouveaux concurrents non européens, se positionne à la cinquième place (21%). 

L’Allemagne a également été classée comme l’un des «partenaires les plus bénéfiques pour le continent», avec 70% des réponses. Elle arrive en 2ème position, juste derrière la Chine et le Japon classés premiers ex æquo (81%). La France, quant à elle, ne vient qu’en 7ème position et se classe derrière l’Inde, les Etats-Unis et la Turquie.

Les Allemands, qui viennent de tenir (du 11 au 13 février 2019) à Accra, au Ghana, le 3ème sommet économique germano-africain ne peuvent que s’en réjouir.

L’Allemagne, un partenaire bénéfique

Cette image positive de l’Allemagne s’expliquerait, en partie, par la décision de la chancelière allemande, Angela Merkel, de mener, depuis 2015, une politique volontariste et claire à l’endroit de l’Afrique à travers l’initiative «Compact with Africa», une sorte de «plan Marshall pour l’Afrique».

Trois ans après son lancement, l’Allemagne va dépasser la France comme premier fournisseur européen en Afrique. En 2018, ses investissements ont dépassé les dix milliards d’euros, une hausse de 10% en un an. Géographiquement, ils se sont diversifiés, même si des voix se sont élevées Outre-Rhin pour souligner que les pays profitant le plus de ces programmes sont ceux déjà en expansion et non ceux qui en auraient le plus besoin.

Quatre objectifs majeurs sont recherchés à travers cet engagement multiforme allemand.

Le premier consiste à tarir les flux migratoires à la source en aidant les jeunes à se sédentariser. Il s’agit de combattre les raisons qui poussent les gens à l’exil, comme le changement climatique, l’instabilité politique ou les violences ethniques, et de faire en sorte que l’émigration en Afrique soit une opportunité et non un risque.

Le deuxième objectif vise à accroître les investissements des entreprises allemandes en Afrique.

Le troisième consiste à investir massivement dans les énergies renouvelables et les matières premières non transformées comme le Kajo au Ghana.

Un Fonds d’un milliard d’euros pour encourager les entreprises allemandes à investir en Afrique

Dans cette perspective, l’Allemagne vient de mettre en place un mécanisme pour financer ces investissements privés. En octobre dernier, la chancelière Angela Merkel a annoncé la création d’un fonds d’un milliard d’euros pour attirer les investisseurs allemands sur le continent africain, considéré comme la région du monde à la croissance la plus rapide.

Est-il besoin de rappeler ici que sur les dix pays à forte croissance dans le monde, six sont localisés en Afrique. Selon Stefan Liebing, président de l’Association pour l’Afrique de l’économie allemande (Afrika-Verein der deutschen Wirtschaft) qui co-organise les sommets économiques germano-africains, «ce qui va se réaliser en Afrique dans les dix prochaines années équivaut à un siècle de réalisations en Europe».

Dans le détail, quelques 400 millions d’euros vont être mis à la disposition des entreprises allemandes et africaines. Une enveloppe fournie par l’intermédiaire de la Banque DEG, filiale de la Banque de développement allemande Kfw. Les entreprises allemandes devraient ainsi bénéficier de crédits à taux réduits pour lancer des projets dans les États partenaires.

Environ 200 autres millions d’euros sont également prévus pour des garanties d’investissement.

Et pour ne rien oublier, le ministre allemand de la Coopération et du Développement, Gerd Muller, a annoncé lors du sommet d’Accra une initiative spéciale de formation et d’emploi.

Il s’agit de créer 100.000 nouveaux emplois hautement qualifiés d’ici 2021 sur le continent. Gerd Müller a profité de ce sommet germano-africain d’Accra pour annoncer son lancement au Ghana, de 25.000 places d’apprentissage et 15.000 nouveaux emplois devraient y voir le jour au cours des trois prochaines années.

La Tunisie, qui bénéficie, aux côtés de pays comme la Côte d’Ivoire et le Ghana, d’une enveloppe annuelle de 300 millions d’euros d’aide supplémentaire (un bonus), doit se démener pour en tirer profit. Les trois pays étant considérés par le gouvernement allemand comme des «champions des réformes».

Partager le marché avec d’autres concurrents

Le quatrième objectif serait, pour Stefan Liebing, de ne pas laisser les Chinois, les Indiens, les Russes, les Japonais, les Turcs et les Américains profiter tous seuls des opportunités d’investissements qu’offre le continent africain.

A titre indicatif, un millier d’entreprises allemandes seulement sont implantées en Afrique contre 10.000 chinoises, principalement actives dans le domaine de la construction.

La seule condition que l’Allemagne vient de demander aux pays africains, à l’occasion de la tenue à Accra (Ghana) du 3ème sommet économique germano-africain, est de mettre en place des environnements propices à l’initiative privée locale et étrangère et de promulguer, à cette fin, des lois.

Last but not least, il faut reconnaître que cet intérêt de la puissance économique européenne pour l’Afrique n’est que justice.

Pour certains historiens avertis, c’est un acte de réparation historique pour les crimes de l’Europe en Afrique. «Les défis communs d’une Europe vieillissante et d’une Afrique dynamique et en pleine croissance ne peuvent être relevés qu’ensemble», a déclaré en substance le président allemand, Frank Walter Steinmeier, lors de sa récente visite en Ethiopie (27-30 janvier 2019).