L’Organisation Human Rights Watch (HRW) estime que le Parlement tunisien devrait abandonner, ou revoir en profondeur, le projet de loi sur l’état d’urgence qui, selon l’organisation, accorde “des prérogatives exorbitantes” de nature à restreindre les droits et libertés.

Dans une déclaration publiée mercredi, HRW estime que ce projet permettrait à l’exécutif d’interdire n’importe quelle grève ou manifestation s’il estimait qu’elle menace l’ordre public, de placer sous résidence surveillée toute personne “dont les activités sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité” et de suspendre des associations sur simple suspicion de participation à des actes préjudiciables.

De plus, “le projet de loi prévoit un contrôle judiciaire insuffisant des mesures prises en vertu de ces pouvoirs”, regrette l’organisation.

Citée dans le texte de la déclaration, Amna Guellali, directrice du bureau de Tunisie de HRW, souligne que “les pouvoirs sans limite octroyés par ce projet de loi constitueraient un retour en arrière en ce qui concerne beaucoup de droits que les Tunisiens se battent pour protéger depuis la révolution de 2011. Les pouvoirs spéciaux devraient avoir une portée et une durée limitées…”.

Sur un autre plan, l’organisation considère que le projet de loi définit l’état d’urgence de façon plus large que ne l’autorise le droit international.

En droit international, les périodes d’état d’urgence suspendant les droits fondamentaux ne sont permises que lorsqu’une situation “menace l’existence d’une nation”, explique l’organisation.

En outre, “le projet de texte n’expose pas clairement quelle est la durée maximale de l’état d’urgence, ce qui donne toute latitude à l’exécutif pour interpréter le texte de manière à le prolonger indéfiniment”.

Le projet de loi donne également pouvoir aux autorités d’ordonner à une association de suspendre toute activité que les responsables estiment “contribuer aux activités portant atteinte à l’ordre public ou à la sûreté” ou “entraver le travail des autorités publiques”. Cette disposition passe outre la loi sur les associations de 2011, qui attribue à la justice la prérogative exclusive de suspendre une association.

Selon l’organisation, “toute nouvelle législation sur l’état d’urgence devrait contenir des garanties plus solides, notamment en précisant la durée maximale de l’état d’urgence lui-même mais aussi de chaque mesure”.

Le 30 novembre 2018, le président de la République Béji Caid Essebsi a présenté au parlement, le projet de loi sur l’état d’urgence. La commission parlementaire des droits et libertés a entamé sa discussion le 18 janvier de la même année.

L’Etat d’urgence est en vigueur dans le pays depuis 2015 suite à l’attaque terroriste qui a ciblé un bus de la Garde présidentielle dans la capitale, Tunis.

Aujourd’hui, l’état d’urgence est appliqué sur la base du décret de 1978.