Bleu ? Rouge ? Vert ? Multicolore ? Quelle couleur porte X ou Y, celui ou celle qui a été élu ou nommé à la tête d’une instance constitutionnelle ? A quel camp appartient-il ?

Est-ce les bonnes questions à poser lorsqu’il s’agit de choisir une personnalité nationale qui a la responsabilité de mener au mieux une mission qui détermine l’avenir du pays ?

La véritable question ne devrait-elle pas se rapporter plutôt à sa compétence, à son expérience et à sa rectitude morale ?

C’est peut-être une paresse structurelle qui nous ronge tous autant que nous sommes et qui nous pousse à émettre des jugements gratuits, nous limitant à colporter des médisances et bruits de couloirs au lieu de nous concentrer sur l’essentiel et surtout au lieu d’assumer le rôle de représentants du peuple, de médias et d’une société civile sentinelles du respect et de l’application de la loi.

Nabil Baffoun, élu tout récemment président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), n’a pas été épargné. Une campagne de dénigrement sans pareille a suivi son élection à la tête de cette instance. Tout le monde –ou presque- sait pourtant que, de par la loi, le président de l’ISIE n’est pas le seul maître des lieux et qu’il y a un conseil de neuf élus qui prend toutes les décisions avec lui.

Nabil Baffoun compte bien ne pas s’attarder sur les campagnes nocives entourant son élection mais se pencher sur la remise sur les rails d’une instance malmenée par les conflits “inter-partis“ et les batailles de l’ARP.

Le premier chantier auquel il compte s’attaquer est la mise en ordre des affaires internes de l’ISIE, consistant à :

– réconcilier les membres du Conseil entre eux ;

– trouver les solutions adéquates pour assurer au personnel de l’ISIE, sécurité et stabilité matérielle, et améliorer les conditions de travail, d’autant plus que la situation des employés de l’instance est très précaire;

– récupérer la confiance du peuple dans l’ISIE : «Nous essayerons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour donner une autre image de l’ISIE, beaucoup plus valorisée et valorisante, et nous comptons être aussi francs que possible avec nos compatriotes. Pas de secrets, pas de cachotteries. Nous n’avons rien à cacher et nous n’avons pas à avoir honte de quoi que ce soit. Nous pallierons aux défaillances et mettrons en valeur nos réalisations» ;

– remettre sur les rails le processus électoral.

Pour Nabil Baffoun, c’est le défi le plus important que celui de relancer le processus électoral parce qu’il exige beaucoup de travail et énormément de méthode. Il s’agit de déterminer le nombre de personnes non inscrites sur les listes électorales.

«Il y en a qui parlent de 2 millions, d’autres de 3 voire 4 millions. Nous comptons procéder à une évaluation exacte du nombre de non-inscrits et cela se fera avec l’INS (Institut national de la statistique) et le CNI (Centre national de l’informatique, NDRL). Nous transmettrons à nos concitoyens le nombre exact des absents des listes électorales à partir de 18 ans. Nous associerons des acteurs publics et ceux de la société civile et des médias à des campagnes de sensibilisation et d’information», souligne-t-il.

Et le président de l’ISIE de poursuivre : «Début avril, une campagne nationale démarrera dans tous les coins de la Tunisie (municipalités, gouvernorats, bureaux de postes, centres mobiles…) pour inviter les électeurs potentiels à s’inscrire. Les TRE pourraient s’inscrire à distance».

Dans deux semaines, il y aura la publication du calendrier pour le dépôt des candidatures et des délais électoraux. «Nous sommes décidés à ce que les élections de 2019 se passent mieux que celles de 2014. Car l’expérience précédente nous a permis de détecter nos défaillances et nos lacunes et nous comptons bien y remédier», promet-il.

Après la perte du temps, engendrée par la paralysie de l’ISIE suite à la démission de son ancien président, le nouveau conseil est aujourd’hui dans l’obligation de rattraper le retard.

Les mois de février et de mars serviront à remettre en marche le système d’information de l’ISIE et tous les numéros verts servant à permettre aux électeurs de s’inscrire, de vérifier si leurs noms figurent sur les listes électorales ou de changer de lieux de vote s’ils le désirent. Le numéro 1814 fonctionnera de nouveau. Pareil pour le 195. Il s’agit aussi de s’équiper en matériel électoral nécessaire. Les encres indélébiles, les cachets, isoloirs et tout le kit électoral devraient être disponibles au temps imparti.

Maintenant si tout se passe bien, Samir Dilou n’aura pas besoin, comme il l’aurait déclaré il y a quelques temps, de nous importer des observateurs électoraux d’un pays où il n’y a jamais eu d’élections : le Qatar.

Il reviendrait aux partis en lice d’être présents à chaque étape du processus électoral depuis l’inscription des électeurs jusqu’aux opérations de vote.

Par ailleurs, il reviendra au pouvoir judiciaire de rétablir les vérités et d’assainir la scène électorale des opérations électorales polluées à cause des comportements irréguliers des uns ou des autres.

Pourquoi pas un juge électoral en Tunisie ?

Amel Belhadj Ali