La crise que connaissent certaines instances indépendantes en Tunisie est due, entre autres, au retard dans la mise en place du cadre législatif adéquat, selon l’ancien président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Chafik Sarsar.

Sarsar s’exprimait en marge du VIème atelier interculturel de la démocratie, sur le thème “Le rôle et la place des institutions indépendantes dans un Etat démocratique”, organisé les 13 et 14 novembre à Tunis par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), en coordination avec le ministère tunisien des Affaires étrangères.

Selon Sarsar, le cadre législatif relatif aux instances indépendantes manque actuellement d’au moins cinq lois dont notamment celle portant création de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) ou celle portant création de l’Instance du développement durable et des droits des générations futures. Des instances régies par des lois anciennes comme la loi organique du budget qui ne mentionne pas l’indépendance financière des instances constitutionnelles, regrette Sarsar.

“La solution est à la fois politique et juridique. Le Parlement doit se conformer aux dispositions de la Constitution et veiller à l’instauration des règles respectant le rôle de chacune de ces instances”. Cependant, a-t-il averti, ces instances doivent être soumises au contrôle conformément aux normes de gouvernance démocratique.

De son côté, le président de l’Instance nationale de protection des données personnelles, Chawki Gaddes, a souligné l’importance d’élaborer un cadre législatif qui protège les instances indépendantes et garantit leur liberté d’action. Un cadre législatif réglementant le travail de ces instances, indépendamment de leur vocation juridique et des textes de loi les régissant, a-t-il proposé.

Pour Imed Hazgui, président de l’Instance d’accès à l’information, le cadre législatif existe, que ce soit au niveau de la Constitution ou du système juridique. “Le problème réside, toutefois, dans l’indépendance financière de ces instances”, a-t-il soutenu, soulignant que le nouveau projet de budget adopté, récemment, en commission à l’ARP, ne comporte aucun article sur l’indépendance financière des instances indépendantes.

“Les instances indépendantes, comme l’Instance d’accès à l’information, n’auraient jamais pu être fonctionnelles si elle n’étaient pas appuyées par la société civile internationale, face à des budgets très réduits”, a-t-il regretté.

Gianni Buquicchio, président de la Commission de Venise, a pour sa part indiqué dans une déclaration aux médias que l’idée d’organiser cet atelier en Tunisie ” émane de notre conviction que cela contribue au partage des bonnes et mauvaises expériences afin d’apprendre l’un de l’autre”.

“La Tunisie a fait de grands pas dans la mise en place de ces instances, certes. Mais nous voulons que ces instances soient moins timides, plus percutantes dans le dialogue entre le pouvoir et la société civile afin de défendre les droits des Tunisiens et des Tunisiennes”, a-t-il déclaré à l’agence TAP.

Financé par le programme conjoint Conseil de l’Europe-Union européenne “Assurer la durabilité de la gouvernance démocratique et des droits de l’homme dans le Sud de la Méditerranée”, l’atelier discutera de la relation des instances indépendantes avec les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ainsi que des compétences techniques, accréditation et financement des instances.