Sur le départ, Imed Hammami, ministre de la Santé nahdhaoui, n’a pas manqué de récompenser ses fidèles. Près de 100 promus ont en effet été rassurés de voir leurs noms et leurs fonctions officiellement consignés sur le Journal officiel (JORT). Aucune chance de les dégommer !

Qui parlait du clientélisme et du népotisme de l’ancien RCD ? La Tunisie vit aujourd’hui la plus grande arnaque démocratique de tous les temps, et la “culture de la ghanima“ (butin de guerre), entretenue et appliquée par le parti qui détient tous les rênes du pouvoir est plus que jamais d’actualité.

Et pourtant, il y en a qui luttent et qui veulent récupérer un secteur en déperdition qui a fait la fierté de la Tunisie depuis l’indépendance.

Aux dernières nouvelles, un groupe de médecins a lancé une campagne pour exprimer et sa colère et sa volonté de récupérer un secteur qui a perdu de sa noblesse et de sa hauteur à cause d’une gestion malsaine qui s’est étalée depuis 8 années et qui a atteint son paroxysme avec la nomination d’un ministre qui ignore tout sur le secteur : le sieur Imed Hammami.

Dr Chedly Maksoudi s’est décidé à lutter jusqu’au bout pour redonner à la médecine tunisienne son rayonnement d’avant.

Mais voyons tout d’abord ce qui se passe aujourd’hui sur la scène nationale : le ministère de la Santé a consacré 1.190 postes de résidanats pour l’année 2018 (entre ancien et nouveau régime) dont 240 destinés aux zones prioritaires. Parmi les 630 candidats qui ont réussi leur concours de résidanat de décembre 2017, 120 ont choisi d’aller dans ces zones. Ce sont de jeunes médecins spécialistes qui vont entrer en formation pendant 4 ou 5 années en fonction de la spécialité vers laquelle ils se sont orientés et seront affectés automatiquement. Et à partir du moment où l’on disposera d’une moyenne de 200 médecins spécialistes par an en formation au profit des zones prioritaires, on ne pourra plus parler d’une pénurie de médecins dans notre pays.

Il n’y a pas de discrimination positive lorsqu’il s’agit de la santé des gens

Est-ce à dire qu’il y aura une discrimination positive au profit des régions même s’agissant de la santé ? Cela ne sera bien évidemment pas le cas. Quand un citoyen tunisien vient demander un service de santé, qu’il soit de Benguerdane, Bizerte, Sfax ou de Tunis, c’est toujours un citoyen tunisien lequel a droit à un service de santé de qualité.

C’est pourquoi, l’ancienne secrétaire d’Etat à la Santé, Sonia Ben Cheikh, préfère parler de zones souffrant de manques. La différence aujourd’hui est que le ministère œuvre pour mettre en place des centres de médecine intermédiaire dotés de spécialités où il y aura des consultations spécialisées, comme l’ophtalmologie, l’ORL, les unités dentaires, la stomatologie, en plus d’un laboratoire de biologie pour ne pas obliger les malades à se déplacer jusque dans les hôpitaux pour une analyse de sang ainsi qu’une unité de radiologie.

Nombreux sont les centres qui sont déjà opérationnels sous ce mode. Cette nouvelle approche a vu le jour il y a plus d’un an. Un projet portant le nom de «Essahha Aziza» financé par l’Union européenne a été lancé et consiste à prendre des mesures d’accompagnement et de formation continue des personnels de ces centres afin de pérenniser les acquis.

L’Allemagne considère-t-elle la vie de ses concitoyens plus précieuse que celle des Tunisiens pour piocher avec autant d’ardeur dans les compétences du secteur de la santé tunisien ?

Le problème de départs massifs des compétences ne concerne pas seulement le secteur de la santé, mais revêt une grande gravité s’agissant d’un secteur en rapport direct avec des services de santé de qualité dispensés par de médecins qualifiés dans la formation desquels les Tunisiens ont payé le prix fort.

L’Allemagne, qui est en train de vider la Tunisie de ses compétences dans le secteur de la santé, est-elle en train de compenser notre pays pour cela ? Ou se contente-t-elle de pomper les meilleurs d’entre nos cadres de santé parce que la vie des Allemands est plus précieuse que celle des Tunisiens ?

Une note optimiste sort cependant de nombre de témoignages. Plusieurs de nos compétences, parties à l’étranger, reviennent au bercail plus tard. On se doute fort que les raisons sont en premier lieu d’ordre financier. L’Etat tunisien ne peut se permettre, avec la crise économique que nous vivons, de doubler le salaire d’un médecin ou d’un technicien de la santé. Nous nous devons tout de même de poser la question suivante : connaissons-nous réellement les vraies causes de départ de ces professionnels et toutes les raisons derrière leur décision d’abandonner leur pays ? Nous ne pouvons pas répondre avec certitude à cette question, mais s’ils partent pour avoir une meilleure situation financière, laissons-les en profiter pour améliorer leurs conditions de vie et leur standing.

Des tentatives pour améliorer le statut d’interne du résident et le garder dans son pays

Nombreuses ont été les grèves enclenchés en 2018 par les internes résidents qui n’avaient pas de statut. Grâce au nouveau statut qu’ils ont réussi à arracher à force de lutte et de revendications, ils en ont un maintenant, ce qui est une performance, parce que cela fait plus de 50 ans que la Faculté de médecine tunisienne a été créée, et c’est la première fois qu’ils l’obtiennent.

Aujourd’hui, il n’y a plus de grève mais ces internes attendent toujours les textes d’application du statut signé par le chef du gouvernement. Il fut d’autres temps où les textes d’application accompagnaient la publication ou l’adoption des statuts ; mais c’était lorsque la Tunisie n’était pas la pseudo-République à la noix de coco qu’elle l’est aujourd’hui !

L’Etat ne veut pas brimer les rêves de nos jeunes médecins qui ont beaucoup sacrifié pour devenir des médecins spécialistes. Aujourd’hui et plus que jamais, on doit leur donner les moyens de les réaliser et surtout celui de pouvoir choisir les spécialités de leurs rêves.

A partir du moment où ils ont cette chance, ils seront plus épanouis et ne bouderont aucune région du pays. C’est le cas aujourd’hui et la raison en est simple : l’Etat ne doit pas limiter les options, mais plutôt leur offrir de belles perspectives. S’ils ont de l’ambition, ils ne seront pas des médecins généralistes qui ouvrent des cabinets dans les quartiers où ils sont nés avec tout ce qui s’en suit comme prêts, investissements et impayés. Et encore, ne parlons pas de la CNAM qui traverse une grande crise.

Le ministère de la Santé a créé un cadre incitatif pour les jeunes médecins. De nouvelles perspectives sont ouvertes : dans notre pays, il y a des hôpitaux dotés de services universitaires où des professeurs agrégés et des assistants exercent pleinement leur art tout en créant un pôle d’attraction pour la formation des jeunes médecins.

Associé à un plateau technique adéquat permettant d’assurer correctement leur travail, qu’est-ce qui empêcherait nos jeunes médecins de se déplacer dans les régions ?

Le service de cardiologie de l’hôpital de Médenine nous offre un exemple édifiant et attractif pour les médecins, car il y a un professeur agrégé qui dirige une équipe constituée d’un assistant hospitalo-universitaire et de résidents. Le service est nouveau et les équipements sont en cours de montage, il sera certainement un des meilleurs services de cardiologie de la Tunisie et sera doté d’une salle de cathétérisme cardiaque, ce qui représente un grand investissement pour la région.

Donc, maintenant nos jeunes choisissent la spécialité dans les régions tant que les seniors et le plateau technique approprié y sont.

Pour conclure, reconnaissons que tant qu’en Tunisie il n’y aura pas eu un véritable plan à moyen terme pour construire une véritable offre médicale touchant tous les aspects de ce secteur vital, nous pouvons émettre toutes sortes d’hypothèses mais cela n’aura aucun impact sur l’amélioration d’une réalité douloureuse et encore nous n’avons pas abordé dans cet article, le secteur des médicaments.

Quelle chance de reconstruire le secteur de la santé, ne serait-ce qu’à hauteur de 5% dans notre pays si nous ne lançons pas une réflexion profonde et réalise en matière de formation, d’équipement, de prise en charge et d’hébergement des personnes qui ont besoin de soins ?

Quel est le rôle de l’hôpital public d’accorder l’assistance nécessaire aux personnes en situation de précarité ? Des exclus du système de soins hospitaliers ?

Des questions qui ont besoin de réponses urgentes. Sauf que ceux qui veillent sur le destin de la Tunisie sont plus préoccupés de s’emparer du butin de guerre que représente le pays que de la santé et du bien-être des Tunisiens.

A quand la délivrance ?

Amel Belhadj Ali