Dar El-Kamila, un mot en arabe signifiant “la maison parfaite”, est depuis 1870 la résidence des ambassadeurs de France en Tunisie. En 1856, les autorités beylicales avaient cédé la résidence à la France qui ne fût occupée qu’à la mort du donateur en 1870.

Au cours de ses deux siècles, le palais a subi de nombreuses transformations tout en conservant son aspect hispano-mauresque, aux influences décoratives d’Europe.

“Dar el Kamila” devrait à nouveau être aménagée, “d’ici deux à trois ans” a déclaré à la TAP l’ambassadeur français, Olivier Poivre d’Arvor. Les travaux toucheront tout ce qui est “grande oeuvre, aspect décoratif… avec de gros moyens pour rendre Dar el Kamila encore plus belle”, selon le diplomate pour lequel “le but est surtout que la maison soit ouverte pour tous les Tunisiens”.

L’agence TAP a eu droit à une visite du Palais avec Marine Alegre, chef de Cabinet de l’ambassadeur de France à Tunis. Elle a présenté un circuit de 18 panneaux pour les visiteurs de Dar El Kamila, ouverte au public pour des visites libres ou/et guidées (avec un expert tunisien), les 15 et 16 septembre, à l’occasion des 35èmes Journées européennes du patrimoine.

La propriété de huit hectares comprend 9 villas et un palais d’environ 3000 mètres carrés. La visite commence par l’Allée d’honneur qui mène à la Cour d’Honneur. Des motifs floraux et animaliers des céramiques de Chemla décorent le portail de l’allée surmonté par les écussons de la République Française et d’une Tunisie céleste.

La Cour d’Honneur destinée à l’accueil des invités de l’Ambassadeur avec plus de 10 000 personnes reçues par an. Elle est bordée par deux portiques avec des arcades mauresques bicolores soutenues par des colonnes de marbre. Ce patrimoine tunisien unique est une propriété Française. En cas de restauration, un architecte des bâtiments de France, intervient.

Les terrasses d’honneur , est un lieu pour les réceptions données à la où loge une collection d’antiques qui font partie des collections de la Résidence, souvent achetés ou offerts par de donateurs. La politique de conservation in situ a intégré les antiques dans la construction des bâtiments. Le mobilier de marbre date de l’époque beylicale.

Sur la Partie haute du parc, les jardins constituent pour la demeure un véritable écrin de verdure composé d’essences variées dont des oliviers, citronniers, orangers… Dans cette Résidence autonome en eau, une approche écologique est appliquée depuis ces dernières années. Les plantes fortes consommatrices d’eau ont été remplacées par d’autres méditerranéennes (agaves, figues de barbarie, cactus..).

Le Kiosque vert serait un cadeau du bey de Tunis M’Hamed au Consul de France Léon Roches. Après restauration, ce coin qui servait d’espace de repos a été déplacé. Auparavant, il était placé au-dessus du Bain des Dames.

Les Jardins à la française et bain des dames, ont été remplacés par un jardin méditerranéen tout en gardant le tracé où poussent sauge, lavande, lauriers et géraniums rosa, pour garder une cohérence esthétique du parc. Autonome en consommation d’eau, la pluie seule l’irrigue, ce jardin de senteurs où sont plantés deux ficus arrosés de l’eau du puits situé en-dessous du bâtiment, ne nécessite plus d’arrosage depuis 2017. Le puits alimentait en eau le bain des dames, un complexe jadis réservé aux femmes du Bey, avec des salles de repos et de soins esthétiques-qui ne sont plus exploitées.

L’histoire romaine est racontée dans les allées du jardin de la Résidence qui sont pour la plupart perpendiculaires. Selon une explication datant du 2e siècle avant JC, les romains avaient rasé Carthage et la population punique fût vendue comme esclave. Les Romains ont du installer un nouveau port de commerce à la Marsa près l’interdiction faite de s’installer sur le territoire de la cité disparue.

Le café maure datant du 14e siècle qui à l’origine constituait un lieu de stockage des provisions, est la partie la plus ancienne de la Résidence. Dans le cadre de la restauration de ce café, des arches en béton ont été rajoutées en 1970 et tout le bâtiment repose sur ces grosses colonnes de marbre.

Des Carreaux qui décorent cette entrée sont Tunisiens pour les plus anciens, Italiens et Français pour les plus récents.

Deux bougainvilliers de plus de 150 ans ornent le grand patio, et conduisaient vers le gynécée et les appartements du bey. Sur ce patio à ciel ouvert, la fontaine Médicis en marbre italien est en restauration. Les façades sont en grande partie dues à Du Pertuys, architecte du gouvernement chargé des aménagements en 1886. La décoration a été faite en respectant les codes de l’architecture beylicale. Les lions de marbre de l’école de Canova reposent au pied de l’escalier qui monte aux salles de réception.

La lanterne de Damas annonce l’entrée du Gynécée, appartement des femmes dans la Grèce antique, riche en éléments décoratifs tels que les lustres de Baccarat, le tapis de Kairouan, une table empire. Certains éléments viennent du lit du Bey démonté et conservé dans différents endroits du palais.

Au Bureau de l’ambassadeur, une tapisserie tissée aux Gobelins en 1941 d’après un carton d’Albert Van Den Eckhart offert en 1679 par le Prince Jean-Maurice de Nassau au roi Louis XIV. Il existe deux séries de ces tapisseries, dont 8 Indes anciennes datant de 1687 et 8 Indes modernes réalisées en 1735 et utilisées comme cadeaux royaux.

Dans le salon, l’agencement intérieur du mobilier européen s’attache à respecter l’unité de l’ensemble: décor italianisant et hispano-mauresque, lambris de faïences napolitaines, dallage de marbre, hauts plafonds de bois peints dorés et polychromes.
Roubtzoff est un parcours autour d’Alexandre Roubtzoff (1884), un peintre orientaliste russe, ayant essentiellement travaillé en Tunisie où il est décédé en 1949.

La petite salle à manger était la dernière pièce du palais beylical. Elle abrite les dîners officiels de la Résidence de France. Dans un espace voûté soutenu par des colonnes, se déploie la grande salle à manger d’apparat, à l’origine un jardin d’hiver où se déroulent les grands dîners républicains de la Résidence de France.

Construite au début du 20e siècle dans une architecture inspirée de la région du Jérid, au sud tunisien, elle est ornée de carreaux de céramique (zliss) avec des voûtes en briques de Tozeur, peintes de couleur pierre.

Quelques vues anciennes du jardin sont visibles sur des photos, prises vers 1930, des appartements de l’ambassadeur. Une coursive longeait l’actuelle route qui sépare la Résidence de la résidence du Consul vers la corniche. Un mur d’enceinte remplace aujourd’hui l’ancienne construction typiquement art-déco.