Une commission mixte de coopération universitaire entre la Tunisie et le Royaume-Uni vient de voir le jour. La diversification des partenariats universitaires de haut standing, un levier de maîtrise de la fuite des cerveaux ?

Enfin, les Tunisiens et les Anglais en arrivent à envisager une coopération partenaire future. Pour l’instant, on ne sait pas quelle forme celle-ci va prendre. Toutes les options sont ouvertes. Mais l’affaire est prometteuse. Et ce n’est pas qu’un vœu pieux, des signes probants et palpables sont là.

C’est Alistair Burt, secrétaire d’Etat britannique chargé du Moyen-Orient et d’Afrique aux Affaires étrangères en personne, qui s’est déplacé à Tunis. Cela veut dire que la Grande-Bretagne envisage cette coopération sous un angle de partenariat stratégique, étant donné que l’affaire est chapeautée par le Foreign Office.

Par ailleurs, la délégation comprend des représentants de quinze universités anglaises, y compris les plus prestigieuses, et on pense notamment à Eton, Cambridge et Oxford. C’est donc du sérieux. Et comme l’a fait observer Mehdi Ben Abdallah, président de la Chambre mixte tuniso britannique, l’invitation de la communauté d’affaires donne à cette initiative un certain relief.

Si donc l’on n’est qu’à une étape préliminaire de concertation et de prospection, de part et d’autre on prend ce partenariat avec une grande responsabilité.

Des choix forts

L’option tunisienne a été bien explicitée par Slim Khalbous, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, lors de la première réunion de la Commission mixte, jeudi 21 juin, courant, au siège du ministère. Il a laissé entendre, sans le dire mais tout en le disant, que l’université tunisienne est en dynamique de reconquête de son prestige évanoui. Elle veut et entend retrouver son standing international.

Il est vrai que le classement international ne nous favorise pas du tout. Mais gare !, prévient le ministre, l’université tunisienne possède des îlots d’excellence notamment en matière de recherche qui sont loin d’être négligeables.

Et le ministre entreprend de communiquer dessus pour restaurer l’aura de ce fer de lance de l’enseignement supérieur, à savoir la recherche scientifique notamment. C’est dans cette perspective que le ministère a structuré sa démarche de réforme. Le point consiste à favoriser la qualité, et surtout la qualité et cela a été entamé avec nos partenaires de toujours, car les plus anciens et les plus engagés dans ce chantier, notamment la France et dans une moindre mesure le Maroc.

Le second point vise à densifier le partenariat avec l’Afrique et pas seulement francophone. La dynamique de croissance du continent doit être appuyée par une coopération universitaire sur fond de réforme de l’enseignement pour coller à la réalité de la refondation économique en cours sur le continent.

Le troisième est celui de l’orientation stratégique, car la Tunisie veut se redéployer en direction des pays de l’innovation. C’est dans ce cadre que s’est déroulé le partenariat avec des universités chinoises. Vingt universités chinoises étaient au rendez-vous l’an dernier.

Pareil pour l’université mixte tuniso-allemande.

Et aujourd’hui c’est autour des Britanniques encore que l’affaire avec les britanniques ne fait que commencer…

Aller vers l’employabilité : Un deal qui tient la route

Il faut situer la dynamique de renaissance de l’université sous l’angle suprême de la refondation politique de l’Etat tunisien, et nous l’espérons avec une orientation démocratique irréversible. Il y a longtemps, sous Bourguiba, la jeunesse était gagnée par l’amertume et disait “Avec ou sans diplômes, l’avenir est bouché“. Ce même sentiment de désespoir s’est renforcé sous l’ancien régime qui n’a pas pu offrir de débouchés aux diplômés du supérieur. Et sans vouloir monter en épingle le désenchantement des jeunes, le chômage des jeunes diplômés du supérieur a plombé le moral du pays. Les parents qui voient leurs enfants en marge de la société sont à leur tour gagnés par un sentiment de morosité et de défaitisme.

Il n’y rien de pire que l’absence d’horizon pour les jeunes, si l’on veut faire plonger un pays. Le moral du pays est à zéro. Ne pas exaspérer la jeunesse devient donc le crédo de la révolution.

Par conséquent, la multiplication des partenariats universitaires de qualité est une riposte technique et bien ciblée à la tare de l’enseignement universitaire qui consiste à produire des diplômés sans accointances professionnelles.

A présent que l’on sait traiter le problème, le partenariat avec l’université anglaise semble de bon aloi. Rappelons que c’est Tony Blair qui a abordé la question de l’employabilité des jeunes diplômés de l’université.

Le partenariat tuniso-britannique s’annonce donc sous de bons auspices. D’une manière ou d’une autre, offrir aux jeunes diplômés une formation validée par les pays avancés est un visa pour la fuite des cerveaux qui soit contrôlée et réalisée dans les meilleures conditions. Cela reste en soi une solution de facilité et de faiblesse, mais autant l’assurer dans des conditions de dignité et l’émigration sous le label “talents et compétences“ c’est plus ou moins acceptable et sauve la face.

La Tunisie aborde ce partenariat avec la GB sous un angle de pair play. En effet, Slim Khalbous disait à Alistair Burt en début de réunion : “après notre défaite en foot, on aimerait voir la GB remporter la Coupe du monde, de la sorte on aurait perdu contre le champion du monde“. Cela ne manque pas de finesse.

La question est de savoir si la Grande-Bretagne va jouer le jeu dans ce partenariat ? Il reste à la partie tunisienne de packager son offre étant donné qu’elle nourrit l’ambition derrière toutes ses initiatives de conforter l’ambition de devenir un hub universitaire africain. Louable en soi!