Lors d’une récente rencontre, la Fondation Temimi pour la recherche scientifique et l’information avait un invité de marque, comme c’est souvent le cas, mais pas comme les autres.

Alors que, généralement, les personnalités appelées à témoigner, pour l’histoire, de leur parcours, sont des politiques, ce jour-là le «témoin» est une figure de proue du monde de l’entreprise, en l’occurrence Abdelwaheb Ben Ayed, fondateur et président de Poulina Group Holding (PGH). Une «innovation» dont Abdeljelil Temimi, fondateur et dirigeant de la fondation, impute la paternité au Docteur Fayçal Hentati qui, dit-il, «est à l’origine de l’invitation que nous avons adressée à Abdelwaheb Ben Ayed».

Officiellement, le président de PGH a déroulé le film de sa success story et de celle de son groupe, tout en expliquant les facteurs. Abdelwaheb Ben Ayed a fait cela, mais il a eu, en plus, à affronter une épreuve à laquelle Abdeljelil Temimi l’a un peu préparé : la «colère» tranquille d’un entrepreneur qui en voulait un peu à Poulina Group Holding qu’il accuse de lui avoir causé du tort, il y a très, très longtemps.

L’entrepreneur en question est Jameleddine Aouididi, fondateur et président directeur général d’Emacer Colorficio, une entreprise tuniso-italienne spécialisée dans l’industrie céramique et des matériaux de construction.

En présentant l’invité du jour, et comme s’il était au courant de ce que M. Aouididi allait dire, le patron de la Fondation Temimi lui a expliqué que sa méthodologie repose sur la thèse et l’antithèse et l’a prié, de ce fait, d’avoir l’ouverture d’esprit et la patience d’écouter les critiques qui pourraient lui être adressées.

Après l’exposé d’Abdelwaheb Ben Ayed, le P-DG d’Emacer Colorficio a été le premier à prendre la parole pour … faire l’éloge de l’orateur et de son groupe. «Ce que vous avez crée est une grande fierté pour nous tous», a-t-il clamé. Allant jusqu’à agrémenter son allocution d’un flash-back sur un article lu il y a une vingtaine d’années dans une revue française dédiée à l’agriculture et qui faisait état d’une réunion d’agriculteurs français destinée à réfléchir sur les moyens de contrer PGH en Afrique.

Après cette introduction, M. Aouididi entre dans le vif du sujet en disant au président de PGH qu’«il y a une autre facette du groupe dont il devait parler». Prenant la précaution d’admettre que M. Ben Ayed «n’était pas nécessairement au courant des faits» qu’il allait exposer, le P-DG d’Emacer Colorficio raconte alors avoir été approché vers le milieu des années 90 par Poulina qui lui a proposé une entrée au capital de son entreprise qui, rappelle-t-il, était alors l’unique fabricant d’émail utilisé par l’industrie de la céramique, précisant que son refus de l’offre lui a valu des misères qu’il s’est abstenu d’exposer dans le détail, même s’il en a attribué la responsabilité à l’un des dirigeants de PGH.

M. Aouididi a expliqué son refus de l’offre par le fait que son partenaire italien ne voulait pas ouvrir son capital à un céramiste pour éviter de se mettre sur le dos les autres acteurs de cette industrie qui sont eux aussi des clients. Et que «certains» lui ont dit que «les banques subissent des pressions sur l’entrepreneur qui ose investir dans un secteur où Poulina est présent».

Remuant ciel et terre –y compris en portant plainte- pour se défendre contre les attaques dont il faisait l’objet, le patron d’Emacer Colorficio dit ne pas avoir trouvé d’oreille attentive. Mais lorsque Ben Ali a voulu, dans le cadre de sa guerre contre les Sfaxiens, consécutive à un certain article écrit par l’ancien ministre Mansour Moalla, M. Aouididi dit avoir reçu un appel de la présidence lui demandant d’amener son dossier pour régler son problème. Et refusé d’être instrumentalisé dans la guerre de Ben Ali contre PGH. Ce qui, dit-il, lui a valu de recevoir des menaces.

Dans sa réponse, le président de PGH a dit ne pas se rappeler ces péripéties –«la mémoire me joue des tours»-, mais a fermement démenti le recours aux banques comme moyens de pression sur les concurrents. «Nous n’avons jamais demandé aux banques de ne pas financer un concurrent. Je suis administrateur d’Amen Sicar et je ne me suis jamais opposé à l’octroi de crédits à nos concurrents. Nous venons d’accorder trois accords de financement à des concurrents, dont Chahia», a conclu M. Ben Ayed.