Think tanks, analystes, médias, simples citoyens, députés et politiques ont eu, souvent, cette tendance à imputer, parfois à tort, les difficultés qui entravent la réalisation, dans les délais des grands projets d’infrastructure, dans le Grand Tunis et dans l’arrièrepays, aux seules protestations sociales. Pourtant à y regarder de près, d’autres facteurs doivent être retenus pour responsables de ces retards. Parmi ceux-ci figurent en bonne place les choix, en amont, des entrepreneurs étrangers chargés de la mise en oeuvre de ces projets et la sous-estimation de leur coût réel. Les exemples sont multiples. Deux cas récents méritent qu’on s’y attarde.

Le premier cas a trait au projet phare dans le Grand Tunis, le Réseau ferroviaire rapide (RFR). Ce réseau de plus de 80 km, programmé au temps de Ben Ali, devait être opérationnel en principe, au plus tard en 2018, c’est-à-dire cette année.

Ce projet, qui va contribuer à la desserte d’une zone comptant plus de 620.000 habitants, est très attendu car il va améliorer les conditions de vie des habitants de la périphérie urbaine en leur facilitant l’accès au centre de la capitale avec en prime : confort, grande capacité de transport et réduction des temps de parcours.

Le RFR reliera la capitale, à partir de la «Place Barcelone», à tous les quartiers populaires du Grand Tunis. Chaque train permettra de transporter près de 2.500 personnes à la fois, l’équivalent de 50 bus. La fréquence du RFR est estimée à 4 minutes lors des heures de pointe et à 6 minutes à longueur de journée.

La mise en exploitation du RFR ne serait possible qu’en 2026

En dépit de ses avantages et de son impact sur l’économie et la productivité des travailleurs, ce projet ne sera pas mis en exploitation dans les temps impartis.

Selon des déclarations à divers médias, le PDG du Réseau ferroviaire rapide de Tunis (RFR), Mourad Kassab, le projet, si les deux principales difficultés qu’il rencontre actuellement perdurent, ne pourrait entrer en exploitation que vers 2026. Il n’a toutefois pas précisé s’il s’agit ou non de la totalité des 5 lignes programmées. Car le ministre du Transport, Radhouane Ayara, avait déclaré, début mars 2018, que la première ligne du RFR, Tunis Ville-Gobaa (La Manouba) sur 11,3 km, sera inaugurée en 2019.

Quant aux deux difficultés, il a fait assumer la première à la défaillance de l’entrepreneur étranger chargé de la réalisation des travaux de génie civil sur la ligne D, en l’occurrence le groupe italien TECNIS dont le contrat a été annulé pour manquements. Espérons que le choix du prochain entrepreneur ne prendra pas beaucoup de temps et ne générera pas de nouveaux retards. L’appel d’offres pour la sélection d’un nouvel entrepreneur est prévu pour juin 2018, selon Mourad Kassab.

La deuxième difficulté concerne son surcoût généré par le retard des travaux. Le coût du projet est estimé, actuellement, à 4,3 milliards de dinars contre 3,2 milliards de dinars initialement prévus. Sur ce total, 1,4 milliard ont été dépensés en génie civil et équipements (1 milliard) et matériels roulants (400 millions de dinars).

Conséquence : il faudra mobiliser 3 milliards de dinars pour pouvoir terminer les travaux.

Sélectionnée pour construite un tronçon autoroutier, elle se révèle en faillite

Le second projet dont les travaux de réalisation ont accusé un important retard en raison de la déficience de l’entrepreneur étranger concerne le tronçon autoroutier Médenine-Koutine (20 km).

Confié au commencement à la multinationale espagnole Isoloux Corsan, depuis plus de eux ans, ce projet est de nouveau à la case de départ dans la mesure où le contrat conclu entre cette firme et Tunisie Autoroutes vient d’être résilié.

Motif : les difficultés financières dans lesquelles l’entreprise espagnole se débat depuis deux ans. En plus clair, cette multinationale est déclarée en faillite.

Abstraction faite de ces deux cas qui sont loin d’être les seuls, nous pensons qu’il y a urgence pour les départements ministériels en charge des grands projets d’infrastructure de se doter de cadres compétents et d’excellents négociateurs de projets à même de bien ficeler les projets, de prévoir les futurs aléas qui peuvent survenir (surcoût…) et de mener des investigatiuons sérieuses et professionelles sur les capacités financières des firmes candidates pour la réalisation de projets en Tunisie.

Cela pour dire au final que tout se décide, parfois, en amont à travers l’effort à fournir pour estimer le coût réel des projets et pour garantir le bon choix de l’entrepreneur exécutant.