A la veille de l’adoption de la feuille de route Carthage 2, des informations pressantes –mais non confirmées- font état d’un compromis sur la perspective de maintenir Youssef Chahed à la tête du futur gouvernement. En vertu de ce compromis, le gouvernement Chahed 3 pourrait rester au pouvoir à la seule condition de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle de 2019.

En clair, en prévision de cette échéance électorale, Chahed présidera un gouvernement de technocrates chargé de gérer les affaires courantes et surtout essayer de redresser, un tant soit peu, l’économie du pays.

Empressons-nous de rappeler que ce scénario n’est pas une grande nouveauté. La Tunisie en a connu deux similaires auparavant, depuis le soulèvement du 14 janvier 2011.

Le premier remonte au 4 mars 2011, quand Béji Caïd Essebsi (BCE), nommé Premier ministre, avait exigé, dès le départ, du gouvernement et de ses membres de ne pas se présenter aux prochaines élections constituantes de 2011, connues pour être les premières élections démocratiques en Tunisie. Cette option pour un gouvernement “soi-disant neutre” avait évincé à l’époque une des figures de proue de l’opposition au temps de Ben Ali, Ahmed Néjib Chebbi, président du Parti démocrate progressiste (PDP) à l’époque, devenu ensuite le Parti El Joumhouri.

Le second scénario a été reproduit le 10 janvier 2014, quand Mehdi Jomaa avait été nommé par un “soi-disant” consensus, à la tête d’un gouvernement de technocrates, avec la condition de ne pas se présenter aux élections générales de 2014.

Pour mémoire, après l’assassinat, le 25 juillet 2013, du député Mohamed Brahmi, le pays avait connu une extrême tension politique qui aurait pu dégénérer, n’eût été l’initiative de trois grosses pointures de la société civile, en l’occurrence l’UGTT, l’UTICA) et de la LTDH, d’engager un dialogue national avec comme ultime objectif la mise en place d’un gouvernement acceptable par toutes les composantes de la scène politique, aussi bien les partis membres de la Troïka que l’opposition.

Les chefs de ces gouvernements de technocrates de transition, particulièrement BCE, Mehdi Jomaa et Youssef Chahed, auront eu, pour dénominateur commun, le grand mérite d’avoir organisé trois échéances électorales majeures : les élections constituantes de 2011, les élections générales de 2014 et les municipales de 2018.

Mention spéciale ici pour la tentation qu’avait effleurée Mehdi Jomaa de se présenter à la présidentielle de 2014 mais il a été très vite rappelé à l’ordre par les initiateurs du dialogue national.

Pour un gouvernement acceptable pour toutes les parties

Pour revenir à la feuille de route Carthage 2, nous sommes dans le même contexte d’une grave crise politique et d’une crise socioéconomique aiguë. Il y a donc urgence de dégager un consensus autour d’un nouveau gouvernement acceptable dont le profil devrait satisfaire toutes les parties, particulièrement la présidence de la République.

N’oublions pas que lors de l’ouverture de la réunion, lundi 14 mai 2018, au Palais de Carthage, des signataires du Document de Carthage sous la présidence du chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi s’était prononcé, en termes très nuancés, sur ce sujet : «j’entends par-ci et par-là qu’on doit changer de gouvernement. Ce n’est pas là la question. Il faut d’abord qu’on s’entende sur quelle politique devrons-nous nous appliquer. On verra après qui est le plus habilité à appliquer cette politique. Chaque chose en son temps».

Contrairement à tous ceux qui s’étaient empressés d’y voir une position pour le maintien de Youssef Chahed sans conditions, semblent ainsi dire se tromper. Cette option pour un futur gouvernement de technocrates chargé de gérer les affaires courantes en prévision des prochaines électorales générales de 2019, paraît arranger à plus d’un titre de sage de Carthage. Certains observateurs pensent que ce serait même son idée.

Logiquement, cette option pour un gouvernement de technocrates est acceptable et satisfait, a priori, toutes les parties signataires du Document de Carthage 2, particulièrement l’UGTT.

Avec cette option, la présidence de la République aura sauvé la face et maintenu en place un jeune chef du gouvernement sans lui donner d’ambitions politiques.

La centrale syndicale, qui tenait le plus au départ de l’actuel gouvernement, aurait obtenu, selon nos informations, deux importantes concessions pour le maintien de Chahed jusqu’aux prochaines élections. Il s’agit du report, pour après 2019, de la conclusion avec le gouvernement d’importants accords relatifs à la réforme du système éducatif et de la fonction publique.