Les problèmes d’accès des migrants aux services de santé en Tunisie et les pistes envisageables pour l’amélioration de cet accès ont été exposés, le 10 mai à Tunis, lors du “jeudi plaidoyer” organisé à l’initiative de l’Organisation Médecins du Monde sur le thème “Migrons ensemble pour les droits”.

La juriste consultante auprès de l’Organisation Médecins du Monde, Sarra Hanafi, a énuméré, dans ce cadre, les obstacles d’accès aux soins pour les migrants en Tunisie, soulignant leur vulnérabilité à cause des difficultés au niveau du logement, des problèmes d’intégration dans la société tunisienne, des conditions restrictives à l’autorisation de travail, outre des problèmes liés au statut juridique du migrant.

La précarité économique, caractéristique de la situation du migrant en situation irrégulière, s’ajoute à la vulnérabilité liée au sentiment d’insécurité, a-t-elle déploré.

La juriste cite aussi d’autres obstacles ayant trait à l’inexistence d’un service spécifique d’information et d’orientation aux prestations de soins qui se conjugue, pour certains migrants, avec les difficultés de communication du fait de l’obstacle linguistique.

“Le manque d’information et de sensibilisation pour le personnel de santé concernant le droit d’accès des migrants aux services de santé et d’une manière générale aux droits des migrants peut aboutir à des pratiques discriminatoires à l’égard des migrants”, a-t-elle dénoncé.

Hanafi a, en outre, évoqué les problèmes de discrimination et d’accueil des migrants au niveau des services de santé, mettant en cause l’absence de directives claires et de textes spécifiques en la matière, ce qui entraîne des disparités dans la pratique au niveau de l’accueil de ces personnes.

D’autres problèmes d’accessibilité financière ont engendré, a-t-elle expliqué, l’exclusion de certaines catégories de migrants de la couverture sanitaire, citant l’exemple des étudiants inscrits dans les établissements privés et les travailleurs irréguliers.

L’intervenante appelle, à cet égard, à la révision des réglementations discriminatoires ainsi qu’à la mise en place d’un dispositif juridique et institutionnel adéquat pour la garantie du droit des migrants.

Elle insiste, aussi, sur la mise en place de directives claires pour les prestataires de services de santé concernant le droit des migrants, outre le renforcement de leur orientation et information.

De son côté, Dr. Sabri Belgacem, président de l’Association tunisienne de défense des droits à la santé (ATDDS), a exposé les résultats d’un rapport réalisé en Tunisie en 2016 par son association qui a mis la lumière sur les inégalités sociales et régionales, notamment au niveau de l’état de santé, de l’accès aux services et des déterminants sociaux de la santé.

Il a fait le point sur la détérioration de la situation des structures publiques de santé à cause des dettes importantes et du manque des ressources humaines et d’équipements.

Le secteur public fournit, a-t-il précisé, 60% des activités ambulatoires et 75% des hospitalisations.

Le président de l’association dénonce l’orientation vers la privatisation et la marchandisation des services de santé. Par la même occasion, il critique le faible accès aux services de santé pour les populations vulnérables (handicapés, personnes âgées non autonomes et migrants).

Il a, également, présenté les résultats d’une enquête menée par l’association sur la situation des migrants Libyens en Tunisie, évoquant l’absence de couverture de santé pour 80% d’entre eux, l’accès uniquement aux services de santé de libre pratique et la multiplicité des problèmes de financement.

Une note de plaidoyer a été présentée et signée en vue d’être soumise, prochainement, au ministère de la santé. Elle vise la consécration du droit d’accès au traitement antirétroviral et à la prise en charge pour toute personne vivant avec le virus (VIH), quelle que soit sa nationalité, outre le changement du regard porté sur les migrants.