En matière de lutte contre le stress hydrique auquel l’Algérie, la Tunisie et la Libye sont particulièrement exposés, les chefs d’Etat des trois pays qui viennent de tenir, à Tunis,  une première réunion consultative, ont recommandé des projets peu intelligibles pour certaines parties.

La déclaration qui a sanctionné la réunion consultative est pourtant claire. On y lit, à propos de la thématique de l’eau  : « les dirigeants tunisien, algérien et libyen ont convenu de former un groupe de travail conjoint pour formuler des mécanismes permettant d’établir des projets et des investissements conjoints majeurs dans des domaines et secteurs prioritaires, tels que la production céréalière et fourragère, le dessalement de l’eau de mer et d’autres projets et programmes de coopération visant à parvenir à la sécurité hydrique et alimentaire des trois pays, notamment en accélérant l’activation du mécanisme conjoint pour l’exploitation des eaux souterraines partagées dans le désert du nord».

Le texte est clair . Il s’agit bien de coopération en matière « de dessalement de l’eau de mer » et non d’eaux saumâtres.

La nappe d’Albien ne serait pas concernée

Néanmoins, certains observateurs et analystes ont cru qu’il s’agissait de coopération en matière de partage de la fameuse nappe souterraine connue sous le nom de la nappe de l’Albien. C’est une nappe à cheval sur les trois pays : Algérie, Tunisie et Libye. Cette nappe se trouve majoritairement dans le Sahara algérien (70%), 20% en Libye et seulement 10% en Tunisie.

D’après Wikipédia, la nappe est composée en grande partie d’eau saumâtre, donc impropre à la consommation humaine sans dessalement. Elle contient plus de 50 000 milliards de mètres cubes d’eau, l’équivalent de 50 000 fois le barrage algérien Beni Haroun (900 millions de mètres cubes).

“La Conférence de l’ONU sur l’eau s’est engagée à considérer l’eau comme un patrimoine mondial et à promouvoir la solidarité régionale entre pays voisins.” – Conférence de l’ONU sur l’eau (2023)

Il semble que ce n’est pas le cas et même s’il est question de la nappe d’Albien, la seule manière pour la Tunisie d’augmenter sa part dans cette nappe est de conclure une convention avec l’Algérie et de profiter à cette fin de l’évolution de la réglementation internationale.

Est-il besoin de rappeler que la Conférence de l’ONU sur l’eau (22-24 mars 2023, à New York) s’est engagée à considérer l’eau comme un patrimoine mondial et à promouvoir la solidarité régionale entre pays voisins. Concrètement, la Conférence a plaidé pour la complémentarité entre pays voisins et suggéré des spécialisations agricoles et des productions agricoles complémentaires.

Cela pour dire que vu sous cet angle, le partenariat algéro-tuniso-libyen dépendra de la bonne volonté de l’Algérie et de la solidité de sa foi dans les relations géostratégiques de bon voisinage avec la Tunisie.

Pour arriver à ce stade, nous pensons qu’il faut beaucoup de temps et beaucoup de bonne volonté du côté algérien. Ce qui est loin d’être acquis.

Verdir le Sahara grâce à l’eau de mer dessalée, un projet viable

Par contre le projet de dessalement de l’eau de mer dont il est question dans la déclaration finale serait la plus acceptable. Et pour cause.

L’Algérie a toujours projeté, à ce sujet, des ambitions pharaoniques. Lors d’un séminaire organisé, en 2010,  à Bruxelles,  sous l’égide de la fondation allemande Frierich Naumann et auquel j’ai participé, des hydrologues algériens ont démontré, vidéos à l’appui,  comment l’Algérie pourrait verdir son immense Sahara à la faveur de l’eau de mer dessalée.

“L’Algérie a toujours projeté, à ce sujet, des ambitions pharaoniques. Des hydrologues algériens ont démontré, vidéos à l’appui, comment l’Algérie pourrait verdir son immense Sahara à la faveur de l’eau de mer dessalée.” – Séminaire de 2010 à Bruxelles

Leur idée était d’acheminer l’eau de mer jusqu’au sahara par le biais de canalisation géantes, de la stocker dans de grands barrages, de la dessaler grâce à l’énergie solaire et de l’utiliser une fois propre à la consommation pour irriguer les cultures et l’arboriculture fruitière. L’ultime objectif est de valoriser l’immense superficie du Sahara et de l’exploiter dans l’agriculture.

Un atout majeur joue en faveur d’un tel projet ; l’abondance de l’énergie solaire. Selon des estimations officielles, le soleil est disponible dans la Sahara algérien pour produire de l’électricité pour plus de 4.800 heures par an. Les régions désertiques reçoivent plus d’énergie en heures que le monde n’en consomme en une année.

Dans cette perspective, la Tunisie pourrait être une terre de transit pour les canalisations devant acheminer l’eau de mer, à partir de son littoral du sud est, jusqu’au Sahara algérien et libyen. Elle pourrait profiter par ricochet de ce projet en valorisant son propre sahara, un projet auquel le Président de la république Kaies Saied est particulièrement attaché.

On saura davantage sur les détails de ces projets lorsque le groupe de travail conjoint, constitué à cette fin, communiquera sur les mécanismes permettant d’établir des projets et des investissements conjoints majeurs dans ce domaine prioritaire.