Pour ceux qui président aux destinées du ministère des Affaires étrangères, la Tunisie est un pays en développement qui est en train de se repositionner sur l’échiquier international. La Tunisie veut être l’amie de tout le monde et évite de se hasarder dans des prises de position à la hâte ou qui peuvent nuire à ses intérêts nationaux. Objectif 0 conflit avec tout le monde.

Les principes fondamentaux de sa diplomatie n’ont pas changé depuis l’indépendance. Sauf, et même si les responsables actuels n’en parlent pas franchement, lors de la fameuse ère Troïka où notre pays s’est embourbé dans des alliances malsaines avec des pays dont les agendas ne servent en aucune manière nos intérêt et est allé jusqu’à susciter des inimités avec des pays qui étaient historiquement nos amis, Syrie et Egypte entre autres.

Depuis 2014, le nouveau gouvernement et la présidence de la République ont tenu à reprendre avec les vieilles habitudes d’un pays qui ne peut s’offrir le luxe de se payer gratuitement des guerres ou des querelles avec ses voisins proches ou lointains.

«Notre approche en matière de diplomatie est adossée à une vision et une stratégie visant à préserver nos intérêts vitaux dans un environnement national et international instable, et ce à l’échelle nationale, régionale et internationale dans le respect des traditions diplomatiques observées par nos prédécesseurs depuis l’indépendance de notre pays. Des traditions issues de l’Ecole Bourguiba et observées par l’un de ses disciples aujourd’hui lui-même président», a relevé un haut responsable de la MAE à l’occasion d’une rencontre informelle avec les médias.

La Tunisie a, d’après lui et en l’espace de seulement 3 ans, réalisé plus de 50% de ses objectifs en matière de politique étrangère. «Nous nous considérons comme un outil de développement pour notre pays. Un outil qui se déploie sur plusieurs axes dont l’économique parce que les jeunes qui se sont révoltés en 2011 revendiquaient la dignité et il n’y a pas de dignité sans travail, d’où l’importance d’une diplomatie économique efficiente et porteuse de messages rassurants aux investisseurs et bailleurs de fonds internationaux. Un autre axe important est celui sécuritaire. Il existe un danger réel sur le terrain. Les tensions entre différentes factions libyennes et leaders politiques pourraient être dramatiques sur la Tunisie si elles aboutissaient à une guerre, car seules les frontières tunisiennes sont ouvertes».

D’où l’importance d’une solution pacifique en Libye et d’un consensus entre les acteurs sur le terrain pour mettre fin au chaos qui règne dans un pays devenu le refuge de tous les extrémistes et terroristes surtout depuis que la Syrie et l’Irak ont gagné leurs guerres contre Daech.

D’ailleurs, la Tunisie a intensifié les échanges de renseignement et d’information d’ordre sécuritaire avec les pays voisins et ceux européens. Nombre d’experts étrangers viennent dans notre pays tout comme nombreux sont ceux parmi nos propres experts qui se rendent dans d’autres pays.

La position de la Tunisie quant à la décision du président américain de déplacer son ambassade de Tel-Aviv à Al-Qods est de s’attacher à la légalité internationale et au respect de ses exigences et décisions. «Personne ne peut surenchérir sur la Tunisie pour ce qui est de son soutien inconditionnel envers la cause palestinienne parce qu’il s’agit du droit d’un peuple de disposer de sa terre et du respect des résolutions des Nations unies. Nous nous sommes toujours alignés sur les positions des Palestiniens en la matière».

«S’attacher à la paix, en faisant prévaloir la logique du dialogue, de la négociation et des méthodes pacifiques pour le règlement des différends et litiges. Développer les relations internationales dans le contexte du respect mutuel et de l’engagement en faveur de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats. Soutenir les causes justes et contribuer à tous les efforts et à toutes les actions en faveur de la paix, de la sécurité, de la stabilité, de la promotion des droits de l’Homme et de la concrétisation du bien-être et du progrès au bénéfice de l’humanité tout entière», représentent les fondamentaux de la politique étrangère tunisienne.

Aujourd’hui, il y a un facteur nouveau qui est entré en jeu et qui plaide pour que la Tunisie soit plus prudente pour ce qui est de la qualité de ses relations avec les autres pays. Il s’agit, comme mentionné plus haut, d’un enjeu sécuritaire et de la menace islamiste terroriste pour laquelle elle ne s’était pas préparée, d’où la nécessité d’une collaboration étroite avec ses voisins immédiats, ses partenaires européens et pourquoi pas un pays avec lequel un illuminé désigné président, en 2011, a décidé de couper les relations comme la Syrie. Une erreur que BCE devrait, peut-être, corriger.

Les Turcs se sont d’ores et déjà inclinés, face à la victoire de la Syrie et de ses alliés sur les terroristes djihadistes, et cherchent à avoir leur part du gâteau de la reconstruction du pays miné par la guerre.

Un autre facteur tout aussi important est le développement de la diplomatie économique laissée pour compte depuis un bail, ainsi que l’exploitation du potentiel de la diaspora tunisienne disséminée partout dans le monde et qui s’est imposée dans tous plusieurs domaines (entrepreneuriat, médecine, art, mode, engineering, finances…). Une diaspora qui pourrait défendre au mieux les intérêts de notre pays mais qui est complètement ignorée par les pouvoirs en place aujourd’hui. Ce qui n’est pas le cas d’autres pays lesquels n’épargnent pas d’efforts pour utiliser leurs ressortissants dans le lobbying en leur faveur.

Quant à l’Union européenne et toutes les promesses qu’elle a faites pour –prétendument- soutenir la transition démocratique dans notre pays, ce que croient seulement les naïfs, eh bien nous entendons plus de paroles que nous ne voyons des actes.

L’Europe oublie toujours ou feint d’oublier que nous sommes situés à quelques brassés de nombre de ses pays dans le Nord de la Méditerranée et que soutenir la Tunisie revient à préserver ses propres intérêts. Car à ce train-là, notre pays ne pourra plus contenir les armées de migrants qui veulent vivre dans «un monde meilleur».

La Tunisie essaye d’assurer à ce jour en jugulant le phénomène de l’immigration illégale en provenance des pays d’Afrique subsaharienne ou encore celle des jeunes tunisiens qui pensent que se projeter ailleurs est mieux que de se construire dans leur pays.

Mais jusqu’à quand et par quels moyens ?

Amel Belhadj Ali