Tous les jours, les garde-côtes et la marine nationale publient des informations sur des milliers de jeunes tunisiens qui tentent d’émigrer clandestinement vers l’Europe dans des “chkafs” (embarcations de fortune) qui mettent leur vie en danger.

De son côté, pratiquement tous les jours la douane publie des informations sur l’importation clandestine de fusils de chasse dissimulés toujours avec ingéniosité dans toutes sortes de véhicules. Si ce trafic est aussi prospère, c’est que des failles existent quelque part.

Les services municipaux ne sont pas en reste, puisque, eux aussi, publient des informations presque quotidiennes faisant état de la destruction de bâtisses construites anarchiquement. Aujourd’hui, 37% des habitations en Tunisie seraient construites illégalement. La faute aux lourdeurs administratives, car pour avoir un permis de construire, il faut attendre au moins trois mois.

Des biomarqueurs d’une société sur la voie de la déliquescence

Il ne se passe pas également un jour sans que la Garde nationale ne publie des informations sur l’arrestation de personnes qui vendent illicitement des boissons alcoolisées.

Il ne se passe pas non plus un jour sans que la police ne diffuse des informations sur la découverte d’accrocs de drogue (cannabis et autres…) et sur l’importation de cigarettes de contrebande. Elle communique aussi sur la découverte de nids de prostitution…

Les services du commerce et de la santé font pareil et signalent souvent des actes de triche et de filouterie organisée (viande avariée, utilisation de la viande de chat dans la préparation de chawarma, irrigation de cultures par des eaux sanitaires…).

Dans les médias, chaque jour on lit des informations sur des actes atroces de braquage, de banditisme, de gangstérisme et de criminalité.

La faute à l’administration…

Ces écarts de conduite sont vécus au quotidien voire banalisés. Pourtant, à y regarder de près, ils constituent des marqueurs biologiques de la déliquescence de la société tunisienne.

Ce qui fait mal c’est de constater que ni le gouvernement, ni le Parlement, ni la société civile ne se démènent –ou très peu- pour mettre le holà et essayer de contenir ces dérapages multiformes.

Car ces écarts ne sont pas une fatalité. Ils ont pour origine, entre autres, la bureaucratie et la discrimination administrative. En effet, les autorisations administratives (vente de boissons alcoolisées, port d’arme de chasse, permis de construire, accès au crédit bancaire…) sont souvent accordées, jusqu’à ce jour, selon des critères clientélistes…

Cette discrimination administrative, qui profite donc à une minorité, est vécue comme une grande injustice par l’écrasante majorité des Tunisiens. C’est ce qui expliquerait, du moins en partie, l’insubordination non encadrée des jeunes et le commerce parallèle.

De ce fait, il est impératif de se pencher sur le dossier des autorisations administratives. Ce dossier peut même constituer une belle cause voire un bon programme politique pour les partis politiques. En attendant, au regard de la situation délétère qui prévaut actuellement dans le pays, il y a crainte que les protestations et autres mouvements persistent ici et là.