La dédollarisation de l’économie mondiale, c’est-à-dire, la tendance à ne plus utiliser le dollar comme monnaie de référence internationale, mais à recourir des monnaies locales pour financer les échanges commerciaux, pour investir et pour s’endetter, est, certes, encore balbutiante et symbolique, mais elle est en marche.

Le plus fort et récent appel à la dédollarisation est lancé par le 15ème sommet du groupe de pays émergents, les BRICS (Bresil, Russie, Inde, Chine Afrique du sud) tenu, en août 2023 à Johannesbourg en Afrique du Sud.

La déclaration finale de ce sommet a souligné la nécessité d’une plus grande utilisation des monnaies locales dans les échanges et des règlements internationaux, ainsi que le renforcement des réseaux de correspondants bancaires.

Le groupe BRICS rejette le dollar

Le groupe, qui sera rejoint, en janvier 2024, par six nouveaux membres au poids économique énorme (Iran, Argentine, Égypte, Éthiopie, Arabie Saoudite et Émirats arabes unis), va accroître son influence dans le monde, alors que le bloc produit déjà un quart de la richesse internationale, ce qui est loin d’être négligeable.

Sur le terrain, certains pays ont commencé à favoriser leurs monnaies locales dans les échanges commerciaux. A titre indicatif, la Russie et l’Irak règlent leur commerce avec la Chine en Yuan. Le Brésil et la Chine règlent leurs échanges en monnaies locales.

le dollar reste dominant dans les réserves mondiales (60%), dans le commerce international (50%) et dans les opérations sur les marchés de change (88,5%).

Conséquence : les réserves de change mondiales en dollar commencent à enregistrer, au fil des années, un trend baissier.

A l’origine de cette situation et de la multiplication des appels à la dédollarisation, la persistance de l’iniquité favorisée, jusqu’à ce jour, par le système monétaire international en place.

Qui dit dédollarisation dit désaméricanisation de l’économie mondiale

Il s’agit, particulièrement, de l’usage abusif de l’extraterritorialité du droit américain, nom donné à l’ensemble des dispositions du droit américain qui peut être appliqué en-dehors des frontières des États-Unis à des personnes physiques ou à des personnes morales de pays tiers. Ces dispositions couvrent des domaines aussi divers que le contrôle des exportations aux pays subissant des embargos ou la lutte contre la corruption.

« avec le dollar, on est passé d’une monnaie qui renvoie à une notion de sécurité à une monnaie qui renvoie à une notion de domination »

Cette extraterritorialité, adossée à la double puissance militaire et monétaire des Etats Unis, présuppose la capacité des juges et du Département de la Justice à engager des poursuites. Les poursuites peuvent être engagées, par exemple, du fait de l’utilisation du dollar américain dans des transactions.

Les dernières sanctions imposées, entre autres, à la Russie, à l’Iran et à la Chine ont renforcé cette défiance vis-à-vis du dollar.

Le dollar ne renvoie plus à une monnaie de sécurité

Interpellé, récemment, par les médias occidentaux sur cette question de dédollarisation, Marc Luyckx Ghisi, philosophe belge et ancien conseiller de Jacques Delors président de la Commission européenne (1985-1995), a déclaré « que nous sommes en train de migrer vers un nouvel paradigme monétaire mondial »

Pour lui, « avec le dollar, on est passé d’une monnaie qui renvoie à une notion de sécurité à une monnaie qui renvoie à une notion de domination ».

C’est ce que rejette selon lui, ce qu’on appelle aujourd’hui, le Sud global que représente pour le moment, le groupe des pays émergents BRICS.

Ce rejet est, néanmoins, encore balbutiant. Pour preuve : le dollar reste dominant dans les réserves mondiales (60%), dans le commerce international (50%) et dans les opérations sur les marchés de change (88,5%).

Pour résumer l’Etat des lieux de la dédollarisation, il nous semble que l’économiste français, Denis Ferrand directeur général de Rexecode (Denis Ferrand (économiste, directeur général de Rexecode(Institut d’études économiques et Veille conjoncturelle et prévisions pour l’économie mondiale), a été très pertinent sur ce sujet.

Dans un article publié, au mois de septembre 2023, dans le journal « Les Echos », il fait remarquer que « cette dédollarisation reste à ce stade un mouvement encore symbolique. La prééminence du dollar dans les transactions internationales ou les réserves en devises est loin d’être remise en cause, de même que l’attractivité des titres américains. Ces mouvements reflètent en réalité davantage la formation ou le renforcement de pôles économiques régionaux plus ou moins informels ».