Tunisie-Environnement  : Hay Hlel, El Hrairia, Fouchana et Mornag en compagnie de Riadh Mouakher

L’une des missions les plus importantes du ministère des Affaires locales et de l’Environnement est «de proposer la politique générale de l’Etat dans les domaines de la protection de l’environnement, de la sauvegarde de la nature, de la promotion de la qualité de vie et de la mise en place des fondements du développement durable dans les politiques générales et sectorielles de l’Etat, et ce en coopération avec les ministères et les structures concernés, et de veiller à son exécution»

Et pourtant, acculé par la dégradation de la qualité de l’environnement physique dans notre pays ces 7 dernières années, ce ministère est aujourd’hui en train de se suppléer aux manquements des municipalités dotées de budgets indépendants et même par certains côtés du ministère de l’Equipement en matière de préservation de l’environnement. La dégradation de l’environnement, devenue une des préoccupations majeures des citoyens et des responsables, le ministre a dû mettre en place un programme de sauvegarde pour parer au plus urgent.

Un des points forts de Riadh Mouakher est de faire du terrain, ce qui explique son périple du vendredi 25 août dans les cités de Tunis sud et du gouvernorat de Ben Arous. «Nous ne pouvons être édifiés sur la réalité des choses si nous ne sortons pas de nos bureaux pour découvrir de près ce qui se passe dans nos villes et nos cités et être à l’écoute des doléances des citoyens. Nous avons pris des mesures pour parer au plus urgent et nous attaquer aux cités où l’environnement physique a été détérioré à tel point qu’il est devenu difficile pour les habitants des lieux d’y vivre. Nous ne prétendons pas avoir atteint les standards internationaux en matière de propreté des cités, mais nous essayons par les moyens de bord d’améliorer le cadre de vie de nos concitoyens en attendant les élections municipales et la prise en main par les conseils municipaux des affaires de leurs circonscriptions».

Les municipalités n’arrivent pas, à ce jour, à définir avec précision leurs besoins en coûts, prix ou encore faire l’inventaire des équipements dont elles disposent. C’est pour cela, explique Riadh Mouakher, que dans le nouveau code des collectivités locales, «nous avons mis en place un programme qui s’étale sur 4 années et que nous avons d’ores et déjà démarré et qui consiste à munir les municipalités d’un système d’information qui va permettre d’améliorer leurs prestations, d’harmoniser les process et d’optimiser l’efficience de leur management».

Sur les bordures des routes au Bardo, Al Hrairia, Hay Hlel et Sijoumi, des containers et des bennes à ordures, appartenant aux sous-traitants privés, sont entreposés pas très loin les uns des autres, ce qui n’empêche pas certaines personnes de déposer leurs ordures par terre. Au Bardo, les privés ont pris en charge 30% du lieu qui abrite le Parlement tunisien, le Musée du Bardo et nombre de monuments et qui a, pendant des années, souffert d’un environnement physique insalubre. La durée du contrat qui les lie au ministère est de trois ans en attendant des solutions durables.

A la question, “avez-vous perçu des améliorations au niveau de la propreté dans votre cité?“, aussi bien une vieille dame qu’un habitant de Hay Hlel ont déclaré : «Oui considérablement par rapport à ce que nous vivions les années précédentes»; et l’homme de renchérir: «Vous savez, nous estimons aujourd’hui que nous ne sommes pas loin de 2010 où les agents municipaux étaient disciplinés et venaient ramasser régulièrement les ordures ménagères, mais depuis qu’ils ont été titularisés, nous avons pendant des années souffert des amas d’ordures que l’on ne ramassait qu’au bout de 4 à 5 jours. Nous n’arrivions même pas à dormir tant les odeurs étaient pestilentielles. Depuis quelques temps, nous pouvons de nouveau respirer et nous ne sommes plus entourés de saletés, fort heureusement pour nous».

Aussi bien à Hay Hlel qu’à la cité Ettadhamen, les petites ruelles sont relativement propres, des pickups font le ramassage pour les déposer ensuite dans de grands camions. Dans ces cités populaires à forte densité, les risques sécuritaires obligent les opérateurs privés à prélever les ordures de jour entre 10h et 14h de peur d’être agressés. L’avenue 3001, la plus long et la plus sale de la Cité Hlel, a recouvert depuis des semaines une apparence «saine »…

Pas de triomphalisme béat

Les constructions anarchiques, précise le ministre de l’Environnement, ont augmenté de 8% en 2010 à 30% aujourd’hui. Quant aux étaux parus comme par magie, n’en parlons pas. De nouvelles cités qui ne sont pas rattachées au réseau d’assainissement de l’ONAS, ce qui rend les conditions de survie encore plus difficiles, un grand problème auquel s’attaque aujourd’hui son ministère.

Sans tomber dans un triomphalisme béat, Riadh Mouakher, qui avait questionné les locataires des lieux sur leur appréciation de la situation environnementale dans leurs lieux d’habitation,  (Bardo, Hay Hlel et El Hrairia), a tenu à préciser que son ministère œuvre à travailler de concert avec les municipalités en les dotant des équipements manquants (containers et trax)  mais qu’il n’a pas encore atteint ses objectifs en matière de propreté.

Rappelons à ce propos que nombreux sont les intervenants en la matière: le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Equipement et le ministère de l’Environnement. Le manque de coordination a engendré le manque d’efficience. «Nous estimons qu’une structure représentative des différents départements est nécessaire pour que nos actions soient efficaces. Il fait qu’elle ait un pouvoir décisionnel pour prendre les mesures qui s’imposent afin d’assainir un environnement qui s’est dégradé à vue d’œil et que les différents gouvernements ont complètement ignorés».

L’intervention dans une petite part du secteur privé associé aux agences gouvernementales dans les actions de propreté ont permis de soulager les municipalités d’une partie de leurs tâches mais a aussi assuré la collecte des déchets ménagers en continu des cités. Alors qu’une campagne de propreté coûte dans les 6 MDT et ne se situe pas dans la durée, la participation toute relative du secteur privé dans le ramassage des ordure a permis de réaliser des économies substantielles en la matière. «Et encore, vous savez, les marchés que nous sommes en train de conclure avec les privés ne sont pas nombreux parce que nous n’avons pas encore des opérateurs capables de couvrir de grandes circonférences. Nous espérons que, grâce au partenariat Public/Privé, nous œuvrerons pour l’encouragement de ces entreprises et la création de nouveaux emplois. Il va sans dire que notre coopération avec les privés ne menace aucunement les postes d’emplois des agents municipaux, elle nous permet toutefois d’être plus agissants et nous avons la possibilité de mettre fin à tout contrat avec un opérateur qui n’atteint pas ses objectifs».

Les résultats de l’intervention des entreprises privées démarrée au mois de juillet 2017 ont toutefois commencé à donner ses fruits. Elle a permis, au grand bonheur des décideurs, de stimuler les municipalités, plus soucieuses aujourd’hui d’assurer le contrôle de leurs personnels.

A la municipalité de Fouchana, le ministre a prié le délégué de dispatcher les 279 containers donnés par le ministère sur l’ensemble de la circonscription pour limiter les risques de voir les habitants mettre leurs ordures ménagères au bord des rues. Rappelons à l’occasion que la municipalité de Fouchana figure parmi les plus riches du gouvernorat de Ben Arous car elle couvre la zone industrielle d’Al Mghira et par conséquent bénéficie de l’apport financier des entreprises sur place en taxes municipales.

Dans la région de Mornag, de grandes surfaces couvertes par des ordures amassées sur des années ont été nettoyées. Toutefois, la région souffre de grands problèmes d’infrastructures et de logistique et le bref passage du ministre dans cette zone a été accueilli par des récriminations à n’en plus finir en rapport directement avec le système de collecte des eaux usées et les risques encourus par les résidents des lieux de voir leurs habitations inondées à chaque fois qu’il y a de fortes pluies. Des directives furent données illico presto aux responsables du ministère d’agir en conséquence.

Toutefois l’engagement du ministère de l’Environnement dans les campagnes de propreté et en attendant les élections municipales l’empêchent de se concentrer sur d’autres problématiques importantes dont l’embellissement des villes, les réseaux d’assainissement et de gestion des eaux pluviales, la mise en place de mesures coercitives en direction des responsables des déchets de gravats et des mesures immédiates pour la préservation de nos réserves naturelles.

Il est également de bon aloi de rappeler qu’il revient au ministère de l’Equipement de s’occuper de la propreté des routes classées et au ministère de l’Intérieur, à la police municipale et à la police environnementale d’appliquer la loi sur tous ceux qui jettent des bouteilles et des détritus sur les routes.

Ceci en attendant les élections municipales qui engageront les responsabilités des élus est dans l’amélioration de la qualité de l’environnement et du cadre de vie des Tunisiens partout où ils se trouvent.

Rappelons enfin que même Merlin l’enchanteur ne peut pas, par sa baguette magique et en une seule année, transformer des villes où le chaos a été généralisé par un laxisme effarant de la part des pouvoirs publics jusqu’à fin 2014 et un peuple indifférent quant à la propreté de son environnement immédiat.

La responsabilité des autorités gouvernementales doit être engagée dans la mise en place des moyens nécessaires pour permettre aux municipalités d’assurer leur rôle dans l’assainissement de l’environnement physique, celle des citoyens doit être engagée au même tire pour ne pas participer à la dégradation de cet environnement, et si l’on doit punir les contrevenants, eh bien les lois ne valent rien si elles ne sont pas appliquées.