La GIZ, à travers sa présence en Tunisie, a entamé en 2016 un programme de coopération triangulaire «Développent du tourisme durable» entre l’Allemagne, le Costa Rica et la Tunisie. Ce programme s’inscrit dans le cadre du projet «Fonds pour la promotion de l’emploi des jeunes en Tunisie» et le projet «Fonds régional en Amérique Latine et dans les Caraïbes». Le programme se poursuit par un voyage d’étude de professionnels, d’associations de la société civile et des cadres de l’administration tunisienne afin de participer à un échange d’expériences dans le secteur du tourisme durable. 

Mohamed Saidi (ancien représentant de l’ONTT en Allemagne)et Riadh Dekhili (ancien directeur des marchés et actuel représentant de l’ONTT à Frankfurt) autant que leur patron, Abdelatif Hammam, directeur général de l’ONTT, sont hyper enthousiastes lorsque la GIZ (coopération technique allemande en Tunisie) propose son soutien à la participation au Salon touristique CMT à Stuttgart au cours de janvier dernier.

«Le CMT est un Salon grand public, que les professionnels du tourisme tunisien boudent malgré toute notre insistance. Si vous participez, venez, proposez, suggérez et surtout restez tout le long des dix jours que dure le salon», précise Mohamed Saidi. Riadh Dekhili rajoute de son côté: «Personne ne peut mieux vendre la Tunisie que ceux qui y opèrent. Nous ne connaissons pas tous les produits, ni l’ensemble des opérateurs économiques et encore moins la société civile des régions engagées dans les diverses formes de développement des régions».

Le temps du monopole de la promotion de la destination Tunisie par son administration, les hôteliers et les agents de voyages exclusivement est-il révolu? Dans tous les cas de figure, l’administration de tutelle semble s’ouvrir davantage sur son environnement. Les opérateurs et les associations, les villes et les régions, les syndicats et autres initiatives semblent de plus en plus convaincus que la promotion de leurs régions fait partie de leurs missions.

C’est dans ce cadre que l’ONTT et la GIZ participent au CMT 2017. Un Salon BtoC qui attire plus de 200.000 visiteurs sur 10 joursn, et auquel l’ONTT participe avec cette année un stand de 36 m2 et de nouvelles brochures.

Sur le Salon, Riadh Dekhili est soulagé. Il faut dire qu’il n’est pas le seul à appréhender l’impact des attentats de Berlin. Bien que ce fléau soit mondial, la Tunisie est dans le viseur surtout des médias allemands depuis décembre 2016 et son image est plus ternie que jamais.

Pour la Tunisie, les objectifs de ce Salon sont de rester visible, de proposer autrement ses nombreuses destinations touristiques et titiller le marché avec de nouvelles offres. Il s’agit de rester aussi droit que possible, rassurer autant que faire se peut et ne pas laisser sa place aux autres. Car les autres destinations touristiques comme l’Egypte et la Turquie, sont aussi dans de mauvais draps.

Repenser aux belles années où plus d’un million de touristes allemands venaient passer leurs vacances en Tunisie serait un pur masochisme. La Tunisie, depuis 2011 et surtout des attentats de Bardo et de Sousse, est sortie du marché. Il est difficile de trouver les mots justes pour exprimer le désarroi d’une destination en faillite.

Dans les stands des principaux opérateurs allemands participant au CMT, la Tunisie est proposée timidement, presque pour la forme. «Résolvez vos problèmes et nous reprogrammerons la Tunisie», déclare le grand patron d’un TO spécialisé avec franchise.

Sur le stand Tunisie aux couleurs blanches et bleues, il n’y pas foule et l’ambiance n’est pas des plus folichonnes. Pourtant Emna Draghouth et Fahd Daghir, présidente et vice-président de l’Association tunisienne de la randonnée (ATR) discutent avec 15 à 20 personnes par jour et se réjouissent de l’intérêt que suscitent les programmes de randonnées pédestres sur certaines régions de Tunisie. «Les gens sont curieux et quelques mordus ont réservé leur rando pour l’année prochaine», déclarent-ils, enthousiastes.

Farhat Ben Tanfous, propriétaire des Jardins de Toumana à Djerba et participant à un voyage d’étude sur le tourisme durable en Allemagne, se demande clairement pourquoi la Tunisie expose-t-elle son incapacité à séduire, communiquer, promouvoir, rassurer, vendre, faire rêver… Il s’interroge à voix cassée: «Pourquoi venons-nous sur les Salons? Qu’avons-nous à y dire et à y présenter? Ne faut-il pas prendre le temps de se poser et réfléchir sur ce que nous sommes en train faire?». 

Skander Zribi, propriétaire du premier gite écologique de Tunisie, Dar Zaghouane, n’est pas du tout d’accord. Invité à voir un film promotionnel, proposé en marge du CMT, dans la section «Vacances Cinéma» dans une salle qui prend jusqu’à 300 personnes, est sous le choc. Pendant l’heure dédiée et réservée à la Tunisie, il n’y a que 3 personnes. 3, pas une de plus! Difficile à digérer. Assurément!

Larme aux yeux, Skander se sent attristé mais rebondit: «Sommes-nous à ce point méprisés? Sommes-nous à ce point méprisables? Se peut-il que nous n’ayons plus aucune considération parmi les autres nations? Pourquoi Sabry Mosbah n’est-il pas sous contrat avec l’ONTT, après la reprise de sa chanson dans un fabuleux spot de promotion de la destination, ne se produit-il pas à chaque occasion pour apporter une image plus vibrante de notre pays? Ne pouvions-nous pas juste amener des oranges et les presser sur le stand? Cela aurait aidé à créer un buzz positif et à donner l’image d’une destination vitaminée. Des idées, il y en a 10, 100, 1000Il est important de rester visible, de ne pas se faire oublier, et je me réjouis que l’on commence enfin à travailler ensemble. Nous sommes en train de toucher le fond. L’heure de la vérité, de toutes les vérités, a sonné. C’est maintenant que nous allons vraiment rebâtir».

SKander Zribi est en train d’ouvrir un chalet et un hammam écologique dans sa ferme. Farhat Ben Tanfous travaille sur une approche plus durable dans sa résidence hôtelière et porte pour l’île de Djerba une immense ambition écologique. Les deux opérateurs, comme d’autres centaines comme eux, sont en train de repenser leurs modèles, réfléchissent aux valeurs de leurs entreprises et confirment leurs projets de vie en un temps où le tourisme tunisien traverse la plus grande crise de son histoire.

C’est d’ailleurs grâce à de pareilles conversations que Riadh Dekhili, représentant de l’ONTT en Allemagne, se sent moins seul. Sur ce stand, il se sent nettement épaulé. D’habitude, les hôteliers et agents de voyages refusent de venir à un Salon BtoC surtout à quelques semaines du fameux ITB. Avant cette édition 2017, il aurait été encore plus seul à défendre les couleurs d’une destination dont les propres opérateurs ne se donnent même pas la peine de parler à leurs futurs clients.

De fait, le représentant est face à des défis qui dépassent sa propre mission. Il est en fin d’une chaîne de valeur qui coince à plusieurs maillons. Quand tout va mal, il est le premier à être blâmé, mais dès que ca va légèrement mieux, il n’est jamais gratifié.

Au delà de ce salon, c’est le rôle même des représentations qui est à revoir. Quels sont leurs missions et moyens? Quels seraient les alternatives et mécanismes à mettre en place pour préparer les marchés de la décennie à venir? En fin de compte, et quand bien même toutes les ressources seraient engagées, il n’est pas aisé de redresser l’image d’une destination en faillite et rassurer sur un pays qui au mieux se reconstruit et au pire se cherche encore. Il faut avouer qu’avec le terrorisme, les réformes quasi nulles, le peu de volonté politique, un Etat anorexique et un secteur privé en faillite, il est difficile de faire de la représentativité de qualité.

Du côté allemand, l’occasion de reconstruction est toujours à saisir et c’est un travail de longue haleine. Pour cela, le CMT était une belle occasion de communication directe avec les clients et il faudrait la multiplier.

Klaus Lengefeld est expert technique chargé du tourisme auprès de la GIZ. Il estime qu’«il faut faire pression sur les touristes qui, eux, créent la demande. Ce sont eux, par leur demande, qui pousseront les TO à reprogrammer la Tunisie plus rapidement».

S’il ne fait aucun doute que le tourisme reprendra sous la forme de demandes de niches autant que de séjours packagés quoique ceux–ci soient encore difficiles à relancer au regard de la programmation des TO, de l’image du pays, de la qualité des services, la GIZ continue son soutien au tourisme alternatif tunisien, notamment dans sa prochaine participation à l’ITB 2017. Des rendez-vous avec des agences et des Tour-opérateurs spécialisés sont déjà pris.