Tunisie – UE : «Il ne faut pas protéger les frontières, mais ceux qui subissent les inconvénients de l’ouverture»

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Webmanagercenter.com : Comment se sont comportées, selon vous, les exportations tunisiennes en regard des pays compétiteurs?

Patricia Augier: Si on regarde l’ensemble des exportations tunisiennes et qu’on les compare à l’ensemble des autres pays à moyen et faible revenu, on constate qu’elles ont augmenté entre 1995 et 2013 de 215% contre 754% pour l’ensemble du groupe. La Tunisie a fait 3,5 fois moins de croissance de ses exportations que ses compétiteurs.

S’agit-il d’une sous-performance généralisée?

Je fais un focus sur un secteur précis, à savoir celui des IT. Le taux de croissance globale est de 1100%. Ce groupe comprend 450 produits dont 130 sont de haute valeur ajoutée. Sur 36 de ces produits, la Tunisie a réalisé un taux de progression de 1100% de ses exportations, soit autant que l’ensemble du groupe. Faut-il penser que la Tunisie possède une politique ciblée de ses exportations de sorte à profiter de la croissance de la demande mondiale!

Comment expliquer la chute des exportations des produits manufacturiers?

Je pense que la Tunisie est tombée dans la trappe des pays à moyen et faible revenu. Ces derniers ne peuvent plus concurrencer les pays pauvres, au plan des salaires, et n’ont pas encore pu se déployer sur des chaînes de haute valeur ajoutée. Le secteur manufacturier a fait 5 fois moins bien que le groupe.

Pour développer les exportations, vous poussez à aller vers le libre-échange. Comment justifier cette position?

Je dis que la Tunisie a connu le plus difficile car l’accord d’association avec l’Europe en 1995 était asymétrique et favorisait l’UE. A présent tout futur accord devra rétablir cette situation en faveur de la Tunisie. Les futurs accords vont concerner des secteurs sensibles tels l’agriculture ou les services. Et bien entendu on peut redouter quelques retombées pénalisantes pour certaines catégories. Par conséquent, mon message est le suivant: Il ne faut pas protéger les frontières, car d’une certaine façon cela revient à protéger les rentiers, mais bien protéger ceux qui subissent les inconvénients de l’ouverture.