Santé : Près de 61% de Tunisiens font de l’automédication!

Par : Autres

Grands temps d’aborder les vrais problèmes de la santé. Ceux qui fâchent. Ceux qu’on escamote pour ne pas s’embourber dans des difficultés que d’aucuns pensent insurmontables. Mais, si on occulte ces grands dossiers, on restera toujours dans le populisme et les grands énoncés des bonnes intentions sans résultats tangibles!

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Celui que nous abordons aujourd’hui concerne le médicament dans son volet “consommation”. Car le volet de la refonte de la santé ne peut se faire sans une évaluation de la consommation médicamenteuse, et particulièrement dans ses 2 principaux usages que sont l’automédication et l’ordonnance médicale.

L’application de la LOI sur l’ordonnance médicale reste l’unique document permettant au malade de connaître son traitement et au pharmacien de le lui délivrer.

A ce propos, nous nous référerons à la loi n° 69-54 du 26 juillet 1969, article 12 qui stipule que “Les pharmaciens ne peuvent délivrer au public les substances des tableaux A, B ou C, pour l’usage de la médecine humaine ou vétérinaire, que sur prescription d’un médecin ou d’un vétérinaire”. Les antibiotiques et les hormones dont les corticoïdes sont concernés par cette loi.

Qu’est-ce que l’automédication? L’automédication est «le fait pour un patient d’avoir recours à un ou plusieurs médicaments de prescription médicale dispensé(s) dans une pharmacie et non effectivement prescrit(s) par un médecin».

Ainsi, l’automédication diffère de l’usage de «l’armoire à pharmacie» que beaucoup de ménages possèdent. 

Près de 80% d’enquêtés s’appuient sur les conseils du pharmacien lors de l’achat des médicaments

Près de 80% des enquêtés s’appuient sur les conseils du pharmacien lors de l’achat des médicaments, sachant que le rôle du pharmacien consiste à fournir le médicament et à donner des directives sur ses caractéristiques et la méthode de son utilisation.

Le rôle du pharmacien consiste à présenter les caractéristiques des médicaments et les méthodes de leur utilisation, mais nullement à les prescrire. Aussi, les patients doivent-ils éviter l’automédication et s’adresser toujours à un médecin, qui est le plus habilité à faire un diagnostic et à donner des prescriptions médicales.

Il convient de rappeler que, selon les statistiques de l’année 2014 fournies par le ministère de la Santé publique, la consommation des médicaments en Tunisie a atteint 1.440 millions de dinars (MDT) dont 56% sont importés, alors que la subvention consacrée aux médicaments est estimée à 100 MDT.

Pourtant, si on veut rester critiques et objectifs, essayons d’envisager l’automédication par ses différents aspects.

Quels avantages à l’automédication?

Bien sûr, certains médicaments peuvent être achetés sans ordonnance chez le pharmacien pour traiter des petits symptômes (fièvre, toux, rhume, constipation passagère, mal de tête, contraception, boutons de fièvre, sevrage tabagique, problèmes de bouche, etc.). Il s’agit de produits sûrs qui ne présentent qu’un risque de toxicité très faible et quasi nuls quand la posologie est respectée et qu’ils sont pris de façon ponctuelle, mais un médicament reste un médicament, même si vous l’achetez sans prescription médicale.

Le principe de l’automédication a par contre des avantages sur la dette publique en ralentissant le déficit de la Sécurité sociale: cela concerne des médicaments non prescrits et par conséquent non remboursés. D’autant que l’automédication ne nécessite pas de visite ou de consultation médicale. Voilà une double raison pour que les autorités ferment les yeux sur ce mal qu’est l’automédication.

L’automédication permet aussi, dans une certaine mesure, de faire des économies sur votre budget santé, car cela évite d’avancer les frais pour une consultation médicale et de plus cela participe au désencombrement des services de soins, pour s’occuper de cas vraiment prioritaires. Mais ne vous y trompez pas, car le Tunisien paie quand même près de 50% de ses frais de santé de sa propre poche.

Mais l’automédication a surtout des inconvénients

L’automédication ne prend pas en compte certaines allergies connues. 

L’automédication peut provoquer un diagnostic erroné, car elles peuvent retarder certains symptômes et surtout fausser l’interprétation de résultats biologiques…

L’automédication produit, dans certains cas, des effets secondaires qui peuvent provoquer d’autres maladies en cas de contre-indications non respectées…

L’automédication peut être dangereuse quand il s’agit de l’interaction avec un autre traitement en cours.

L’automédication est regrettable et responsable principal du déficit de médecins dans les régions: si les médicaments sont vendus, malgré la loi, sans ordonnance pourquoi un médecin se tournerait-il les pouces à ne rien faire dans ces régions où l’on crie à tue-tête au manque de médecins?

Voilà un pays où les médicaments classés sont vendus sans ordonnance, mais qui possède 4 universités desquelles sortent près de 800 médecins par an, mais n’accorde aucun respect à ses médecins au sein de son système de santé. Ces médecins lui ont quand même coûté lors de leur formation la bagatelle de 1 million et demi de dinars par médecin.

La vente sans ordonnance des antibiotiques, des corticoïdes et autres psychotropes contourne la première ligne de soins dont parlent toutes les instances de diagnostic et qui rapportent à l’unisson sa porosité par manque d’effectif.

Quant à la TVA, le fait d’appliquer la loi réglementant la vente des médicaments uniquement sur ordonnance, cela va entraîner une hausse du nombre de consultants dans les cabinets médicaux et donc également de la TVA.

En conclusion, lutter contre l’automédication des produits de ces 3 tableaux nécessite une interaction étroite entre tous les acteurs de santé sur cette problématique, des autorités publiques surtout aux assurances santé en passant par les patients.