Les sites d’économie numérique devront transmettre les revenus des utilisateurs

Les sites d’économie numérique devront transmettre les revenus des utilisateurs

airbnb-site-afp.jpgC’est l’une des conclusions majeures du rapport du député Pascal Terrasse: les opérateurs devront jouer le jeu de la transparence, pour accompagner la mise en place du cadre fiscal.

Les propositions du rapport du député socialiste Pascal Terrasse pourrait enfin mieux structurer le cadre fiscal de l’économie numérique. Dans l’absolu un ce dernier existe déjà mais il est pour l’heure complètement inefficace, puisque les personnes mettant à disposition des biens ou services payants ne déclarent que rarement les revenus qu’ils tirent de cette activité. Au moins autant par méconnaissance de l’obligation de déclarer ces rentrées d’argent que par volonté de se soustraire à l’impôt. À titre d’exemple, Airbnb, la plate-forme de mise à disposition de logement entre particuliers et touristes, a généré 500 millions d’euros de transaction. Selon un rapport du Sénat citant une enquête réalisée en 2014, seuls 15% des utilisateurs proposant un bien ou un service déclarent «ou ont l’intention de déclarer» leurs revenus issus de l’économie collaborative. Et ce même rapport admet, à propos du manque à gagner, que «si le montant est difficile à estimer, il est néanmoins important».

C’est donc un manque à gagner pour les caisses de l’État, et qui augmente à mesure que les entreprises leaders de ces marchés développent leur audience en France. Pascal Terrasse propose, pour distinguer le particulier qui met un bien à disposition pour réduire ses frais de celui qui en tire un vrai revenu, de mettre en place un système de franchises et d’abattements. Une idée proche de celle qu’avait avancée le Sénat, qui proposait un abattement de 5000 euros, comme seuil à partir de l’activité serait jugée «professionnelle» et donc où un impôt serait dû.

Objectif transparence

Problème: Bercy n’était pas favorable à cette solution qui pourrait contrevenir au principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt. En effet, un propriétaire immobilier par exemple, qui louerait son bien sans passer par un site collaboratif, via un bail classique donc, serait taxé dès le premier euro. Une décision qui risque de ne pas être légale, et qui n’est de toute façon pas souhaitable tant elle inciterait un peu plus à retirer des biens immobiliers du marché classique pour les mettre sur des plates-formes de location temporaire entre particuliers. Cela serait également incohérent avec la diversité des activités possibles via ces sites de mise en relation: si la location d’un logement représente un gain direct pour le propriétaire, le covoiturage s’apparente en théorie à un «partage de frais», qui permet au conducteur de minimiser les frais liés à sa voiture. Fiscaliser le covoiturage reviendrait donc à rendre sans intérêt la pratique (ou à faire exploser les tarifs).

Autre modalité proposée par Pascal Terrasse: l’obligation légale pour les plates-formes de communiquer à l’administration fiscale une déclaration des revenus des usagers de ces sites. Lors du dernier projet de loi, une telle mesure avait déjà été discutée, mais les parlementaires y avaient finalement renoncé. Ils craignaient en effet d’imposer des lourdeurs administratives à un secteur d’activité en plein essor. L’idée revient donc en force, et ne constitue pas forcément un obstacle au développement pour Christophe Benavent, professeur de stratégie et de marketing: «Si ces acteurs économiques jouent le jeu de la collecte fiscale, ils en seraient légitimés et accéderaient à une respectabilité sociale. Car même si leurs offres sont rentrées dans la vie des consommateurs, il y a toujours un sentiment de défiance dans l’opinion publique pour certains comme Uber ou la plate-forme d’artisans d’Amazon par exemple». Pour le chercheur, l’autre avantage d’une fiscalité claire sera de dissuader une offre «opportuniste»: «Certaines personnes ne vont pas apprécier la surveillance fiscale qui serait ainsi mise en place et vont se détourner de ces sites. Mais ce n’est pas une mauvaise chose: les plates-formes qui marchent le mieux sont justement celles où la logique de communauté autour de valeurs de services est la plus développée. C’est donc un avantage que l’offre opportuniste soit dissuadée».

 

AFP