Airbus et Boeing doivent mettre les gaz pour augmenter les cadences de production

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éroport de Bangkok (Photo : Christophe Archambault)

[10/06/2015 06:24:07] Paris (AFP) Le traditionnel match commercial Airbus-Boeing trouve un prolongement nouveau autour de la montée en cadence de production des avions, qui représente un vrai défi industriel pour la filière.

“Il n’y aura pas de nouvel avion chez les grands avionneurs”, relève Stéphane Albernhe, expert aéronautique au cabinet Archery Strategy Consulting. “On est rentré dans l’ère des développements incrémentaux (améliorations, ndlr). Il n’y a donc pas de grandes manoeuvres à attendre au Salon du Bourget 2015, dans ce domaine.”

En revanche, poursuit-il, “il y aura certainement beaucoup d’intérêt autour des annonces faites sur les montées en cadence, qui sont un défi et ont été rehaussées. Car la question est de savoir si les sous-traitants de rang 1 et surtout de rang 2 vont pouvoir suivre, avec le bon niveau de qualité et de conformité, au bon coût et à l’heure?”

Selon les estimations des deux géants de l’aéronautique, le marché de l’aviation civile, qui croit de 5% par an, aura besoin de 31.000 à plus de 36.000 nouveaux avions au cours des 20 prochaines années, dont environ deux tiers sur le moyen-courrier.

En valeur, cela représente de 4.600 à 5.200 milliards de dollars.

Face à une telle demande, les deux groupes augmentent leurs capacités de production, principalement sur le segment des moyen-courriers, autour de leurs bestsellers respectifs, l’Airbus 320 et le Boeing 737.

Il s’agit pour eux de gérer leurs carnets de commandes, qui représentent 7 à 8 années de production, et de répondre aux attentes de leurs clients, à la recherche constante d’amélioration et de compétitivité, souligne Jean-Louis Dropsy, spécialiste de l’aérien au cabinet Argon Consulting.

La cadence de production de l’A320, dont la version remotorisée “neo” entre en service commercial à la fin de l’année, passera à 50 appareils par mois en 2017, conte 42 actuellement. Elle pourrait être portée à plus de 60 appareils par mois à partir de 2018, ont indiqué les dirigeants du groupe.

– “Conserver un avantage concurrentiel” –

La stratégie est identique à Seattle, où Boeing est en train d’automatiser davantage sa ligne de production du 737, dont la version MAX est attendue en 2017, avec comme objectif de réduire de 30% le temps nécessaire à la production de certaines pièces. Il prévoit ainsi de passer de 42 appareils produits par mois aujourd’hui à 47 en 2017 et 52 en 2018.

“Le carnet de commandes est d’une telle ampleur qu’il est devenu un atout que les constructeurs gèrent et optimisent”, explique Jean-Louis Dropsy.

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Etat de Washington, le 19 mai 2015 (Photo : SAUL LOEB)

“L’augmentation des cadences de production permet de maîtriser et réduire les délais de livraison, et de limiter de leur part des évolutions ou des annulations de commandes”, poursuit-il. En outre, “une capacité de production accrue permet de tirer le meilleur parti de la croissance du marché aérien”.

“D’autre part, les innovations incrémentales, notamment en termes de consommation de carburant, permettent de conserver un avantage concurrentiel face à de nouveaux concurrents comme (le chinois) Comac, ou de gagner en flexibilité face à l’évolution des besoins des clients”, indique-t-il.

L’équation est la même chez les motoristes, “car si le moteur représente 20% de la valeur d’un avion à l’achat, il représente en fait 50% de la valeur de celui-ci sur l’ensemble de son cycle de vie et de maintenance”, relève Argon Consulting.

CFM International, la coentreprise de Snecma et General Electric, doit ainsi assurer la montée en cadence du moteur Leap, qui équipera les A320neo et les 737 Max, mais aussi le C919 de Comac, Le Leap totalise 8.900 commandes et intentions d’achat avant même son entrée en service en 2016.

Face à ces enjeux, “l’ensemble de la chaîne industrielle est aujourd’hui sous tension”, relève Stéphane Albernhe. Il s’agit de faire en sorte que les sous-traitants soient de bout en bout “capables de monter en cadence avec un niveau de risque maîtrisé, c’est-à-dire de manière sereine et pérenne.”

“Le risque est aujourd’hui bien identifié et de premiers craquages de la chaîne d’approvisionnement, plus ou moins médiatisés, sont apparus”, relève-t-il. “Si des stocks de sécurité (ce qui ne peut pas être mis en place pour tous les types de pièces) ne sont pas prévus, la chaîne d’assemblage s’arrête, ce qui est très grave”, selon M. Albernhe.