La direction de Deutsche Bank face aux actionnaires mécontents

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à son siège social à Francfort, le 8 décembre 2011 (Photo : Daniel Roland)

[21/05/2015 08:46:20] Francfort (AFP) Ebranlée par des scandales à répétition, des conflits internes et une rentabilité médiocre, la direction de Deutsche Bank, première banque privée allemande, va devoir répondre jeudi aux questions de ses actionnaires mécontents réunis en assemblée générale.

Cette grand-messe à Francfort (ouest) – l’édition 2014 a réuni plus de 4.500 actionnaires – est traditionnellement le théâtre de manifestations anticapitalistes ou de coups de sang de petits porteurs. L’édition 2015 s’annonce particulièrement périlleuse pour le duo à la tête du groupe depuis 2012, l’Allemand Jürgen Fitschen et l’ex-banquier d’investissement Indo-britannique Anshu Jain, sous le feu des critiques.

“Nous n’avons plus confiance dans la direction (…) nous demandons au conseil de surveillance de revoir sa composition”, tempête Hans-Christoph Hirt, du cabinet de conseil aux investisseurs Hermes Equity Ownership Services (Hermes EOS), dans une lettre publiée mercredi.

Selon lui, le directoire a “perdu du temps et une crédibilité précieuse en reconnaissant tardivement que des changements de structure et de modèle étaient requis”.

Hermes, qui parle au nom de plusieurs investisseurs institutionnels, a d’ores et déjà annoncé qu’il n’apporterait pas son soutien au directoire lors du vote en assemblée générale, imitant en cela un autre cabinet de conseil influent, l’américain ISS. Fréquentes en amont des assemblées, ces prises de position se traduisent toutefois très rarement par des votes de défiance, le gros des actionnaires se rangeant en général comme un seul homme derrière la direction.

– 6.000 litiges –

Deutsche Bank, qui emploie plus de 98.000 personnes pour 32 milliards d’euros de chiffre d’affaires, est tiraillée entre ses aspirations internationales dans la banque d’investissement – où elle revendique une place dans le “top 5” mondial – et son enracinement dans la banque de détail en Allemagne. La direction bicéphale reflète cette dualité.

Depuis sa prise de fonction, le duo a réduit les dépenses de près de 3 milliards d’euros et rééquilibré les revenus de la banque. Question rentabilité, elle reste en revanche largement distancée par ses rivales anglo-saxonnes.

Plus grave, le changement de culture promis en 2012 par la direction pour rompre avec les scandales de l’ère Josef Ackermann, l’ancien patron controversé, n’est pas au rendez-vous, s’alarment les actionnaires.

Deutsche Bank, au prises avec quelques 6.000 litiges, vient d’écoper d’une nouvelle amende de 2,5 milliards de dollars (2,25 milliards d’euros) dans une affaire de manipulation de taux. Une somme majorée par la justice en raison du manque de coopération avec les enquêteurs.

Les affaires grèvent les bénéfice et fragilisent l’assise financière du groupe, qui a dû procéder l’an passé à une augmentation de capital de 8 milliards d’euros, après 10 milliards en 2010.

– Pire crise de l’Histoire –

Malmenée par les faibles taux d’intérêts, le durcissement de la réglementation financière et une concurrence féroce, la banque a dévoilé fin avril un nouveau plan de bataille, qui doit enfin porter d’ici 2020 la rentabilité des fonds propres à “plus de 10%”, contre 3% actuellement.

La nouvelle feuille de route, qui prévoit la vente de sa filiale Postbank et la fermeture de quelque 200 agences sur 700 en Allemagne, provoque des remous en interne. Opposant farouche à cette ligne, Rainer Neske, le chef de la banque de détail, est donné partant par la presse allemande.

Coté investisseurs, le scepticisme est également de mise. A la Bourse de Francfort, le titre Deutsche Bank a cédé près de 10% depuis l’annonce de ce plan.

Face à cette crise, “la pire crise de toute l’histoire” de Deutsche Bank, selon les médias allemands, les rumeurs vont bon train sur un possible départ prématuré de MM. Jain et Fitschen. Le président du conseil de surveillance Paul Achleitner les a alimentées en jugeant que les deux copatrons n’étaient pas irremplaçables.

Les intéressés ont eux exclu de démissionner. “Le mieux que je puisse faire c’est de résoudre les problème de la banque (…) Cette mission n’est pas encore terminée”, a martelé M. Jain.